On ne sait presque rien de l’enfance d’Evagre le Pontique. Fervent chrétien, il est nommé lecteur puis diacre à Constantinople. Il choisit cependant la vie monachiste et laisse une œuvre considérable qui constitue l’origine des pensées de Jean Cassien en particulier mais il aura aussi une grande influence sur Rufin d’Aquilée, et d’autres…
Originaire du Pont, région du Nord-Est de la Turquie au bord de la mer Noire, Evagre naît aux alentours de 346, dans une famille de chrétiens dont le père était chorévêque, c'est-à-dire assistant de l’évêque à la campagne. Evagre reçoit une excellente éducation, possiblement au sein du monastère établi par Basile de Césarée et son frère Grégoire de Nysse. Basile le nomme alors lecteur et se fait remarquer de par ses capacités oratoires et ses brillantes capacités intellectuelles, notamment par Grégoire de Naziance qui le nomme diacre et l’emmène à Constantinople où ce dernier est évêque.
Evagre s’avère être brillant orateur et manier habilement les controverses théologiques et philosophiques qui s’acharnent à cette époque. Mondain, il fréquente la haute société de Constantinople jusqu’à nourrir une passion amoureuse. Puis, dans un rêve, il est averti de devoir rompre avec cette vie et se consacrer à la vie religieuse. C’était la réponse qu’il attendait à ses nombreuses interrogations qui hantaient son esprit depuis un moment.
Il quitte alors Constantinople pour se rendre à Jérusalem dans un monastère où se trouvent Rufin d’Aquilée et Mélanie l’ancienne. Mais il est rapidement rattrapé par la vie mondaine et tombe alors malade. Il se confie à Mélanie qui l’assure de ses prières et lui conseille peu à peu d’adopter un mode de vie solitaire, selon les véritables penchants de son cœur. Evagre guérit alors et part pour l’Egypte où il retrouve d’autres Pères du désert, à l’âge de 35 ans environ. Il s'établit tout d’abord dans le désert de Nitrie, où il devient disciple de Macaire le Grand. Puis, il s’enfonce plus loin, dans le désert des Cellules, pour y mener une vie solitaire. Il y vivra jusqu’à sa mort, à 53 ans. C’est là qu’il rédigera l’essentiel de son œuvre. Il est reconnu très vite pour ses qualités d’érudition et de parole et un petit groupe d’adeptes se rassemble peu à peu autour de lui. Il décède en 399, peu avant que n’éclatent des querelles théologiques entre partisans d’Origène, dont Evagre faisait partie, et les “anthropomorphites”, appuyés par l’évêque d’Alexandrie. Ce dernier chasse alors du désert les partisans d’Origène et d’Evagre, dont Jean Cassien faisait partie.
A cause de cette querelle et de celles qui suivront où le nom d’Evagre était mal vu tout autant que celui d’Origène, les œuvres d’Evagre le Pontique seront parfois attribuées à d’autres auteurs, ou publiées sous des noms d’emprunt.
L’essentiel de son œuvre est constitué de conseils spirituels à l’intention des néophytes et des moines. Ainsi, on peut noter le Traité sur la Prière, le Traité gnostique, le Traité de l’Oraison, l’Antirrhétique. Il rédige aussi des commentaires bibliques, tels que les Scholies aux Proverbes, les Scholies à l'Ecclésiaste. On peut citer également La vie active, œuvre destinée aux commençants, ainsi que La vie contemplative pour les moines. Il entretient également une large correspondance dont on peut relever celles écrites à Rufin et Mélanie l’ancienne, ainsi que certaines écrites à Basile de Césarée.
La postérité de sa pensée sera assurée essentiellement par Jean Cassien qui se servira de son œuvre pour alimenter notamment ses Conférences, qui auront un immense succès. Son œuvre exercera une très grande influence sur le développement de l’ascèse chrétienne, en Orient davantage qu’en Occident. Evagre le Pontique est d’ailleurs reconnu saint par l’Eglise syriaque orthodoxe, et non par les autres Églises. On peut également citer Maxime le Confesseur, docteur de l’Eglise, qui s’appuiera grandement sur l'œuvre d’Evagre le Pontique.
Très fortement inspiré par Origène, Evagre s’efforce tout au long de son œuvre, de lier intelligence et sagesse, connaissance théorique et pratique. Ses écrits reflètent une expérience spirituelle authentique avec tout ce qu’elle inclut de combat, de prière, de joie, de persévérance et de conscience de sa misère.
Il souligne l’importance de la guérison des passions, qui entravent la relation à Dieu, mais aussi à nous-mêmes et à notre entourage. Il est le premier à compter huit principales pensées néfastes : la luxure, la gourmandise, la vaine gloire, la tristesse, la colère, l’avarice, l’acédie et l’orgueil. C’est Grégoire le Grand qui les nommera “péchés capitaux” après en avoir retiré un. Il décrit notamment comment les pensées néfastes citées ci-dessus peuvent obséder pendant la prière et ainsi en dégrader la qualité. Il conseille ainsi de pratiquer une vigilance accrue sur ses propres pensées : “Sois le portier de ton cœur et ne laisse aucune pensée y entrer sans l’interroger. Interroge chacune des pensées et dis-lui : Es-tu des nôtres ou es-tu de nos adversaires?”. Il souligne l’importance de l’analyse de ses pensées et de leur genèse, la nécessité de les identifier et les nommer, afin de mieux les combattre. Il propose notamment d’opposer la Parole de Dieu à certaines pensées négatives qui nous éloignent de Dieu, en particulier les Psaumes.
Il évoque également l’importance de la prière qui est tout d’abord comme un “colloque” avec Dieu, et les combats spirituels qu’il faut mener pour parvenir à une prière authentique, “dans le lieu sacré de l’oraison”.
Une notion fondamentale dans l'œuvre d’Evagre le Pontique est l’”apatheïa”, l’impassibilité ou la paix intérieure acquise par l’ascèse et la prière.
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