Chamanisme, néo-chamanisme et foi : un discernement nécessaire

Dans une époque traversée par la perte des repères et la soif de sens, nombreux sont ceux qui se tournent vers les sagesses dites anciennes, espérant y trouver un baume pour leurs blessures invisibles. Le chamanisme, par ses rituels mystérieux, son lien profond avec la nature et sa promesse d’un monde habité par les esprits, connaît aujourd’hui un engouement, souvent mêlé aux pratiques issues du courant new age.

Guidés par une soif de transcendance, le chamanisme fascine, séduit, et parfois même rassure par sa promesse d’harmonie. Il s’inscrit dans une mouvance où la frontière entre le sacré et l’occulte devient floue, où la spiritualité se vit hors des Églises, dans des retraites, des huttes de sudation ou des cérémonies de plantes hallucinogènes.

Mais que se cache-t-il derrière cette recherche de guérison et de vérité ? Quelles sont ces pratiques, leurs origines ? Le chamanisme comporte-t-il des dangers ? Comment discerner en tant que chrétien ?

Qu’est-ce que le chamanisme ? Origines 

Le terme “chamanisme” trouve ses racines dans une construction linguistique relativement récente : il fut forgé par des missionnaires chrétiens au XVIIe siècle pour désigner certains rituels observés chez des peuples autochtones de Sibérie. Par la suite, seulement à partir des années 60, le chamanisme a été observé dans d’autres régions du globe, comme un ensemble de pratiques spirituelles universelles qui visent à comprendre et interagir avec le monde. Le chamane est perçu comme un intermédiaire entre les mondes : il entre en relation avec des esprits, parfois malveillants, parfois protecteurs, qu’il invoque pour favoriser la chasse, soigner un malade ou préserver l’équilibre d’un groupe. Il s'agit d’un phénomène enraciné dans des communautés restreintes, où le rôle du chaman est indissociable du tissu social et culturel local.

Le néo-chamanisme est un mouvement qui a émergé dans les années 80-90 s’inspirant de certains auteurs de la contre-culture américaine et de travaux d’études des anthropologues. L’engouement pour les états modifiés de conscience dans les années soixante-dix a aussi beaucoup œuvré pour la diffusion d’un néo-chamanisme. Enfin, le mouvement écologique a souvent reconnu dans le chamanisme l’expression sacrée de sa relation intime à la nature, une voie spirituelle à sa quête d’harmonie avec le vivant.

Quelles sont les pratiques du chamanisme ? 

Les pratiques chamaniques, bien qu’ancrées dans des cultures diverses, présentent une étonnante universalité. De la prise de plantes psychotropes aux rituels de guérison par le chant, la fumée ou la danse, elles visent à rétablir l’harmonie entre l’homme et les forces invisibles. Présent dans toutes les civilisations, le chaman agit comme médiateur entre les mondes, guidé par le désir ancestral de comprendre le mystère, de soigner l’âme, et d’entrer en dialogue avec l’invisible.

Transes chamaniques

Par des rythmes répétitifs (tambours, maracas), des danses ou des respirations intensifiées, le chaman entre en transe pour voyager dans les mondes spirituels invisibles.

Plantes psychotropes

Des substances hallucinogènes comme l’ayahuasca, le peyotl ou les champignons sacrés sont utilisées pour induire des états de conscience altérés et accéder à des visions jugées révélatrices ou guérissantes.

Tambours et chants sacrés

Le tambour est considéré comme un véhicule spirituel. Accompagné de chants rituels, il facilite l’entrée dans la transe et la communication avec les esprits.

Cérémonies de guérison

Le chaman agit pour extraire des énergies négatives, restaurer l’unité intérieure ou soigner des maladies perçues comme spirituelles, souvent par imposition des mains, souffle, fumigation ou gestes symboliques.

Communication avec les esprits

Intermédiaire entre le monde visible et invisible, le chaman invoque des esprits tutélaires, animaux-guides ou ancêtres pour obtenir protection, guérison ou conseil.

Rituel du recouvrement d’âme

Basé sur la croyance qu’une partie de l’âme peut se fragmenter lors de traumatismes, ce rituel vise à « ramener » ces fragments pour restaurer l’intégrité de la personne.

Hutte de sudation (sweat lodge)

Importée des traditions amérindiennes, cette hutte chauffée par le feu est utilisée pour la purification du corps et de l’esprit. On y entre en petit groupe, souvent nu ou peu vêtu, pour transpirer en silence ou au rythme de prières et de chants.

Cercle de tambours et de parole

Réunis en cercle, les participants alternent tambour, silence, récits personnels ou invocations. Ces cercles visent l’écoute profonde, la guérison collective et la connexion à une sagesse universelle.

Voyages chamaniques guidés

Sans psychotropes, ces séances proposées dans le néo-chamanisme moderne (souvent en stage ou atelier) consistent à guider l’imaginaire à travers des visualisations vers des « mondes » habités d’esprits, à des fins de connaissance de soi ou de développement personnel.

Offrandes à la nature et rites de passage

Certaines pratiques incluent des offrandes à la terre, aux arbres ou aux éléments (eau, feu), ainsi que des rituels marquant des passages de vie : naissance, deuil, séparation, renaissance spirituelle.

Écueils et dangers du chamanisme

Écueils spirituels

Le regain d’intérêt pour le chamanisme traduit une quête spirituelle profonde et sincère : un désir de sens, de guérison intérieure, et de communion avec la nature et l’invisible. Dans un monde souvent marqué par la désorientation et la perte des repères religieux traditionnels, par la déception du matérialisme, ces pratiques offrent une forme de sagesse retrouvée, une alternative séduisante à la médecine ou à la psychologie classiques, ainsi qu’un chemin vers la paix et la réconciliation avec soi-même. Beaucoup y voient une lumière capable d’apaiser les blessures profondes de l’âme et des moyens pour une meilleure connaissance de soi. 

Cependant, cette ouverture au spirituel peut devenir un terrain dangereux. En effet, dans la perspective chrétienne, toutes les forces invisibles ne sont pas bienveillantes. Le contact avec des esprits, même invoqués avec de bonnes intentions, peut ouvrir des portes à des influences que l’on ne maîtrise pas, et qui peuvent être trompeuses ou malfaisantes. Ce qui semble apporter guérison ou illumination peut en réalité entraîner des liens occultes, des confusions spirituelles, voire des assujettissements invisibles.

C’est pourquoi la foi chrétienne, tout en reconnaissant la soif d’absolu et la quête de lumière inhérentes à l’homme, insiste sur la nécessité d’un discernement vigilant. Elle affirme que seule la lumière du Christ éclaire véritablement, guérit sans aliéner, et guide sans égarer. Cette sagesse spirituelle est un rempart contre les pièges d’un univers occulte qui peut paraître séduisant, mais qui exige prudence et ancrage profond.

Rappelons quelques paroles bibliques : 

Jean 14, 6 : “Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi”. 

Deutéronome 18, 10-12 : “Qu’on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, qui pratique la divination, l’astrologie, l’envoûtement, la magie, qui consulte les morts ou les esprits, ou qui interroge les esprits familiers ou les devins. Car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Éternel.”

Galates 5, 19-21 : “Les œuvres de la chair sont manifestes :… idolâtrie, sorcellerie (...) ceux qui commettent de telles choses n’hériteront pas le royaume de Dieu.”

L’Esprit Saint, souffle de vérité et d’amour, agit dans la lumière et la liberté véritables, sans se mêler aux esprits de la terre ni aux esprits des morts. La foi chrétienne affirme que le contact avec eux, en dehors de Dieu, conduit souvent à l’illusion ou à l’erreur. Ainsi, la véritable quête spirituelle s’accomplit dans l’accueil humble du Saint-Esprit, source de sagesse et de guérison, loin des confusions et des influences occultes.

Dangers psychologiques et sociaux

Le chamanisme, bien qu’attirant par sa dimension spirituelle, comporte des risques réels pour ceux qui s’y engagent sans prudence ni accompagnement. Des troubles psychiques, tels que dissociation, anxiété ou même épisodes psychotiques, peuvent survenir, notamment lors de l’usage de substances psychotropes ou de rituels intenses pratiqués sans encadrement médical.

De plus, certains groupes néochamaniques ont montré des cas de dépendance affective envers des guides spirituels, parfois conduisant à des manipulations ou abus, soulignant l’importance d’un cadre éthique strict. La confusion spirituelle, née d’un manque de repères stables, peut plonger les pratiquants dans un désarroi profond, mêlant illusions et influences occultes.

Enfin, les risques physiques liés à l’usage de plantes psychotropes dans certaines cérémonies ne sont pas à négliger, surtout en l’absence de supervision médicale adéquate. Ces éléments appellent à un discernement vigilant et à une prudence éclairée, pour que la quête spirituelle ne devienne pas source de perte ou de souffrance.

Le rapport annuel de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) met en lumière les risques associés au néochamanisme et à certaines pratiques alimentaires extrêmes. La Miviludes souligne que des individus, souvent sans formation adéquate, proposent des rituels inspirés du chamanisme traditionnel, parfois en utilisant des substances hallucinogènes telles que l'ayahuasca ou l'iboga, classées comme stupéfiants en France. Ces pratiques peuvent entraîner des effets dévastateurs, notamment des troubles psychiques, des comas ou même des décès parmi les adeptes. La Miviludes alerte également sur les dérives liées à des régimes alimentaires extrêmes, tels que le jeûne excessif ou le végétalisme strict imposé aux enfants, qui peuvent conduire à des carences nutritionnelles graves et à des conséquences fatales, notamment en cas de refus de traitements médicaux éprouvés.

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