Le féminin sacré - Entre spiritualité new age et développement personnel

Dans un monde en quête de transcendance, où les frontières entre spirituel, psychologique et ésotérique s’estompent parfois dangereusement, le terme de « féminin sacré » revient souvent, auréolé de mystère, de promesses de réconciliation intérieure, voire d’éveil à une sagesse oubliée. Assimilé au New Age, ce mouvement interroge : que recouvre vraiment cette expression ? S’agit-il d’un concept philosophique, d’un courant spirituel alternatif, ou d’une redécouverte légitime de la place du féminin dans la relation à Dieu et à soi-même 

À l’heure du mouvement Me Too et de la vague féministe, le féminin sacré fascine autant qu’il intrigue et irrite. Derrière ses promesses d’harmonie se cachent aussi des chemins ambigus, parfois contraires à la foi chrétienne, qui appellent au discernement. Que recouvre le concept de féminin sacré, est-ce une quête spirituelle authentique, qu’est-ce qui risque de nous éloigner du cœur de l’Évangile? Si Dieu a créé l’homme et la femme à son image, dans une complémentarité sacrée, il nous revient de ne pas succomber aux séductions d’un syncrétisme spirituel qui confond l’élan mystique et l’illusion de toute-puissance. 

Le féminin sacré : définition et origines

Historiquement, cette idée puise dans diverses sources : cultes antiques de la déesse mère, traditions ésotériques comme le néo-paganisme ou la wicca, philosophies et pratiques orientales telles que la shakti. Les pensées féministes et écospirituelles qui cherchent à reconnecter le corps, la terre, la femme et le divin, influencent aussi ce mouvement du féminin sacré. Toutefois, cette approche syncrétique du féminin sacré peut conduire à une vision panthéiste ou dualiste du monde, éloignée de la révélation chrétienne. Ainsi, toute réflexion sur le féminin, pour être féconde, doit s’ancrer dans cette vérité première : l’homme et la femme sont créés à l’image de Dieu, appelés ensemble à refléter sa beauté, sa tendresse et sa force.

La notion de féminin sacré s’enracine dans une vision selon laquelle les femmes porteraient en elles un pouvoir spirituel singulier, une force intérieure d’essence presque surnaturelle, que l’on pourrait « réveiller » par des pratiques initiatiques ou occultes. Cette perspective qui parle de douceur, d’intuition, de fécondité, de reliance à la nature et aux cycles, d’une sagesse ancienne, est parfois reprise et idéalisée par certains courants féministes, notamment au sein d’approches mystiques de l’écoféminisme, où s’opère une sacralisation de la nature et du corps féminin, envisagés comme lieux de révélation spirituelle autonomes, en marge des traditions religieuses instituées. 

Signification, pratiques

S’inscrivant dans une quête de sens et de réenchantement du réel, cette approche reprend nombre de traits caractéristiques des spiritualités dites alternatives, héritières du courant New age : valorisation de l’expérience personnelle comme voie d’accès au sacré, invitation à explorer son intériorité, à renouer avec son corps perçu comme lieu d’éveil et de révélation. Elle s’inscrit ainsi dans cette vaste « nébuleuse mystique-ésotérique » où se mêlent intuitions spirituelles et syncrétismes contemporains.

Durant certaines pratiques associées au féminin sacré, des cercles rituels sont mis en place, souvent structurés autour des cycles lunaires ou inspirés de traditions chamaniques et néo-païennes. Ces rassemblements se déroulent selon une trame symbolique : introduction guidée, tours de parole, méditations, mouvements corporels, chants ou danses percussives. L’objectif est de créer une forme de cohésion spirituelle et sensorielle entre les participantes, perçue comme un retour à une sagesse instinctive et communautaire.

On y retrouve également des rituels spécifiques comme les cérémonies de cacao, associées à des états modifiés de conscience, ou encore l’usage du rebozo —  étoffe traditionnelle destinée à « resserrer » le corps dans une gestuelle codifiée. Au cœur de ces pratiques, l’utérus est souvent sacralisé, désigné sous le nom sanskrit de « yoni », envisagé comme une matrice cosmique, centre énergétique et lieu de connexion entre le corps féminin et l’univers. Cette approche valorise une spiritualité incarnée, intuitive, qui entend dépasser les cadres rationnels et matérialistes pour renouer avec une forme de transcendance vécue à travers le corps.

Polémiques et controverses

Anti-féminisme

Les adeptes du féminin sacré assurent ne pas chercher à reproduire le modèle de la domination masculine, mais vouloir plutôt encourager l’invention d’un autre modèle où le pouvoir viendrait “de l’intérieur". Elles désirent reprendre le pouvoir spécifique du féminin sans chercher à imiter les hommes dans le modèle dominant de compétition et de performance. Certaines d’entre elles considèrent même que le combat les aliénerait en les enfermant dans une nouvelle forme de colère, délétère. 

Certaines voix féministes, notamment issues de l’écoféminisme, prennent leurs distances avec cette mouvance du féminin sacré, qu’elles considèrent comme porteuse de dérives occultistes problématiques. Selon cette critique, l’idée d’un « féminin éternel » figerait les femmes dans des rôles stéréotypés, fondés sur des attributs biologiques ou symboliques, à rebours des luttes pour l’émancipation des femmes. Ce courant est alors perçu non comme une libération, mais comme un retour masqué aux valeurs du patriarcat, en valorisant ce que le système dominant projette traditionnellement sur le féminin.

D’autres mettent en garde contre l’essor de cette spiritualité dans le domaine de la reconversion professionnelle. Elles dénoncent une forme d’illusion : face aux difficultés à trouver une place dans un monde du travail encore largement inégalitaire, certaines femmes se tourneraient vers une pensée magique valorisant un pouvoir « caché » ou sacré du féminin, au détriment d’une reconstruction ancrée dans le réel, les compétences et l’action concrète. Une telle approche, loin d’émanciper, risquerait de priver les femmes des leviers réalistes de la liberté professionnelle.

Dérives sectaires 

D’autre part, des recherches ont montré que ces cercles et retraites de féminin sacré s’adressent à des femmes souvent fragiles émotionnellement, mais disposant néanmoins d’une certaine stabilité financière. En effet, la plupart des participantes étudiées sont titulaires de diplômes supérieurs et exercent des professions libérales. Le problème c’est que ces femmes sont parfois fragilisées par des violences sexuelles, souffrant de maladies gynécologiques ou d’endométriose et que, sous prétexte de les aider à se reconstruire ou à se “reconnecter à leur féminité cosmique”, ces pratiques véhiculent un discours culpabilisant au lieu d’offrir un soutien psychologique. Par exemple, si une femme souffre de règles douloureuses, cela est attribué à un supposé « désaccord avec sa nature profonde de femme ». Derrière le masque de l’enseignement sur le « féminin sacré », c’est souvent une stratégie de culpabilisation qui est mise en place, exploitant la souffrance des femmes pour les conduire à percevoir l’« initiation » comme leur seule voie vers un bien-être illusoire. Ce processus d’embrigadement est souvent accompagné d’un isolement social, renforcé par la stigmatisation de leur entourage et des discours complotistes, des processus typiques des dérives sectaires.

En raison des dérives complotistes et des coûts élevés des prestations, la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a alerté sur le caractère à risque du féminin sacré, le désignant dans son rapport de 2021 comme un courant préoccupant. Elle met en particulier en lumière les « mandalas de femmes » ou « cercles d’abondance » qui, sous couvert de principes bienveillants et solidaires, dissimule un système de Ponzi (montage financier frauduleux dans lequel les profits versés aux investisseurs proviennent des fonds apportés par de nouveaux investisseurs). En 2021, l’expansion de ces pratiques dans le sud de la France a été observée. Il convient donc de rester vigilant, car ces cercles, touchant à l’intime, peuvent rendre difficile toute sortie.

Perspective chrétienne

Face à ces dérives, une relecture chrétienne du féminin invite à discerner entre ce qui élève véritablement la femme dans sa dignité créée à l’image de Dieu, et ce qui, sous couvert d’émancipation, la renferme dans des schémas réducteurs. Car si l’intuition d’une richesse propre à la féminité peut être féconde, elle ne saurait s’épanouir dans l’illusion d’un pouvoir occulte ou d’une sacralité autonome. La femme, comme l’homme, reçoit sa grandeur non de forces intérieures mystérieuses, mais de son lien vivant avec le Créateur, source de toute lumière. La tradition chrétienne, en particulier à travers la figure de la Vierge Marie dont le magnificat montre la disponibilité à l’action de Dieu, propose une voie de plénitude spirituelle où le corps, l’intériorité et la fécondité trouvent leur juste place, non dans l’absolutisation de l’énergie féminine, mais dans l’offrande confiante à l’amour et la grâce de Dieu.

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  1. https://www.rcf.fr/articles/bien-etre-et-psychologie/questce-le-feminin-sacre
  2. https://usbeketrica.com/fr/article/complotisme-essentialisme-le-feminin-sacre-terreau-fertile-pour-les-derives-sectaires

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