Bienheureuse Anne de Jésus : vie, fondations et prière

« Elle ressemblait en tout à [sainte] Thérèse, même esprit d’oraison, même manière d’agir, mêmes capacités, même genre de gouvernement. »

Saint Jean de la Croix.

Bienheureuse Anne de Jésus était une religieuse et écrivaine espagnole du XVIIème siècle. Elle a été très proche de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse d’Avila dont elle a rassemblé les écrits et contribué à leur publication. Grande mystique catholique, elle a reçu les dons de prophétie ou de guérison. Elle a été béatifiée le 29 septembre 2024, par le pape François.

Biographie de la bienheureuse Anne de Jésus

Enfance de Anne de Jésus

Anne de Jésus, de son nom de naissance Ana de Lobera Torres, naît le 25 novembre 1545 à Medina del Campo, dans la communauté autonome de Castille-et-Leon, en Espagne. Elle a un grand frère, Cristobal, qui deviendra jésuite. Peu de temps après sa naissance, son père décède. Jusqu’à ses sept ans, la petite fille est totalement muette et sourde, jusqu’à ce qu’un miracle survienne : un jour, elle se met à parler, grâce à la Sainte Vierge, raconte-t-on. Sa mère meurt alors qu’elle n’est âgée que de neuf ans. Ana et Cristobal sont alors élevés par leur grand-mère. Progressivement, la jeune enfant développe une profonde dévotion à la Sainte Vierge Marie. À dix ans, elle fait vœu de chasteté, contre l’avis de sa grand-mère qui l’estime trop jeune pour une telle décision. À quatorze ans, Ana est devenue une très belle jeune fille. Sa grand-mère cherche donc à la marier.

Un an plus tard, afin d’échapper à ce projet de mariage, la jeune adolescente s'enfuit en 1560, avec son frère, chez leurs grands-parents paternels. Hélas, leur grand-mère paternelle veut également marier Ana. Elle a même déjà trouvé un prétendant à la jeune fille. Cette dernière est sûre de sa décision : elle ne veut pas se marier et désire ardemment entrer dans les ordres. Alors, à seize ans, lors d’une réception familiale à laquelle son prétendant est présent, la jeune femme se présente revêtue d’un drap noir et les cheveux coupés très courts, dans tous les sens. Sa famille et son prétendant comprennent et acceptent enfin sa décision.

Début de vie consacrée

À partir de ce moment-là, Ana cherche activement la communauté religieuse qui peut lui convenir ; Et, en attendant, elle vit de façon de façon très austère en priant continuellement et en jeûnant régulièrement. Elle prend grand soin des malades en les visitant.

Elle reste sept ans chez sa grand-mère paternelle à vivre ainsi. En 1569, Ana tombe gravement malade. Elle est atteinte d’une forte fièvre, apparentée à la malaria. Toutefois, elle finit par en guérir, même si elle demeurera très faible.

En 1570, sainte Thérèse d’Avila se rend à Tolède afin d’y fonder un nouveau carmel. L’ancien père spirituel d’Ana, le père jésuite Pierre Rodriguez, rencontre la futur sainte grâce à un frère jésuite, Pablo Hernandez. Il est particulièrement emballé par le projet de réforme mené par Thérèse. Il écrit dans la foulée à Ana : « J’ai trouvé ici une sainte femme qui fonde des monastères de l’Ordre que vous cherchez. Elle est native d’Avila et se nomme Teresa de Ahumada. Demandez à Dieu qu’il lui plaise de vous donner la lumière pour savoir si c’est là qu’il vous appelle. Quant à moi, il me semble que oui. Avertissez-moi si vous voulez que j’en traite avec la Mère. ». La jeune femme répond aussitôt qu’elle est très intéressée et demande dans quel couvent elle doit se rendre si Thérèse l’accepte. Cette dernière lui écrit le 2 avril pour lui dire qu’elle est acceptée dans l’Ordre des Carmélites, au sein du couvent d’Avila. Toutefois, la mère supérieure met une condition : Ana doit finir de se soigner.

L’entrée d’Ana au Carmel

Ana quitte la maison de sa grand-mère le 26 juillet 1570 et prend la route d’Avila. Elle y arrive une semaine plus tard où elle est reçue par sœur Marie de Saint-Joseph car sainte Thérèse est en voyage à Tolède. Ana prend l’habit du Carmel le 1er août et demande à prendre le nom d’Anne de Saint-Pierre. Toutefois, la sainte d’Avila avait déjà décidé de son nom de religieuse : Anne de Jésus. Ce n’est qu’à la fin du mois d’août qu’Anne de Jésus a la joie de rencontrer sa mère supérieure. C’est le début d’une grande amitié spirituelle entre les deux religieuses. Thérèse considère Anne comme sa fille spirituelle. Elles garderont un lien très fort toute leur vie, correspondant énormément.

En novembre 1570, Thérèse propose à Anne de participer à la fondation du nouveau Carmel de Salamanque.Sans grande surprise, cette dernière accepte avec joie. Quelque temps plus tard, Thérèse doit repartir mais Anne reste à Salamanque, chargée d’une mission par sa mère supérieure. Elle est désormais la responsable des novices, bien que novice elle-même. De plus, avant de partir, Thérèse avait recommandé à la nouvelle prieure du couvent de consulter la sœur Anne de Jésus pour toutes les affaires du monastère.

Le 22 août 1571, Anne de Jésus prononce ses vœux définitifs dans l’Ordre du Carmel. Pendant la cérémonie, cette dernière entre en extase. Cela surprend toute l’assemblée. Alors, Thérèse ordonne que désormais, toutes les nouvelles professions ne se fassent qu’en présence de la communauté.

Participation d’Anne de Jésus à la fondation de nouveaux Carmels

En 1575, Anne de Jésus quitte Salamanque afin de participer à la fondation du couvent de Beas de Segura. Thérèse est la mère supérieure de ce nouveau Carmel.

C’est là qu’Anne rencontre Jérome Gratien, père carme.

En octobre 1578, la religieuse rencontre saint Jean de la Croix, qui s’était échappé, quelques jours auparavant, de sa prison au carmel de Tolède. Il demeure deux ans au couvent de Béas, étant devenu le directeur spirituel des religieuses. Anne de Jésus est profondément marquée par son influence spirituelle.

En janvier 1582, Anne de Jésus est envoyée par sainte Thérèse fonder un nouveau couvent à Grenade. Elle part accompagnée de saint Jean de la Croix et de six religieuses. Le couvent est fondé le 21 janvier.

Anne de Jésus intervient ensuite dans la fondation du Carmel de Malaga, puis dans celui de Madrid, en juillet 1586, toujours accompagnée de Jean de la Croix. Elle devient la prieure de ce dernier couvent.

Depuis son monastère, Anne de Jésus supervise les fondations de couvents à Huarte et à Valence.

Après avoir été incarcérée un temps au couvent de Madrid et privée de sa charge de prieure (à cause de son opposition au général de l’ordre du Carmel) la religieuse est relâchée en 1594. Elle part alors pour le couvent de Salamanqueoù elle est élue prieure deux ans plus tard.

Au début du XVIIème, les premiers couvents du Carmel sont fondés en France grâce à sœur Marie de Saint-Joseph et cinq autres religieuses. Cette initiative est soutenue par le roi Henri IV et appuyée par la bulle papale In Supremo, datée du 13 novembre 1603.

Anne de Jésus est envoyée en France afin d’y fonder le premier couvent de l’ordre du Carmel déchaussé. Anne et ses sœurs arrivent à Paris le 15 octobre 1604. Seulement trois jours plus tard, le Carmel de l’Incarnation de Paris est fondé, avec Anne de Jésus comme mère supérieure.

L’année suivante, elle fonde un nouveau Carmel à Pontoise, puis un autre à Dijon.

Le 25 janvier 1607, Anne de Jésus en fonde un de plus à la demande de la gouvernante des Pays-Bas, Isabelle-Claire-Eugénie d’Autriche. Elle poursuit ces fondations avec l’ouverture d’un Carmel à Louvain puis un à Mons (en Belgique), le 7 février 1608.

En 1610, les pères carmes déchaux arrivent à Bruxelles. Aussitôt, Anne leur confie la charge de fonder de nouveaux monastères. En 1612, elle suscite la fondation du Carmel de Cracovie, sans réellement y prendre part, puis celui d’Anvers en 1619.

Mère Anne de Jésus rend son âme à Dieu le 4 mars 1621, âgée de soixante-quinze ans, à Bruxelles.