37e JOUR (suite) – Ve. 3 mars 1865 – 3e méditation – Sacrifices de l'amour
La Grande retraite de Rome – 65 jours en 1865
– Notes de Retraite 44 (NR 44 dans les Œuvres complètes) déjà parues ici :
Récapitulatif des publications
- Présentation
- Les 7 premiers jours : Mercredi 25 janvier : Saint Paul – Rome
Rédemptoristes — Mercredi 1er février - 2e Semaine : Jeudi 2 février – Mercredi 8 février
- 3e Semaine : Jeudi 9 février - Mercredi 15 février
- 4e Semaine : Jeudi 16 février – Mercredi 22 février 1865
- 5e Semaine : Jeudi 23 février – Mercredi des Cendres, 1er mars 1865
- 36e JOUR – Jeudi 2 mars 1865 • 1re méditation – Règle, vertu • 2e méditation receuillement • 3e méditation – La vie ou la mort de la Société dépendent de ma vie
- 37e JOUR – Vendredi 3 mars 1865 • 1re méditation – Jésus sacramentel n'est pas aimé • 2e méditation – Action de grâces
37e JOUR (suite)
Vendredi 3 mars 1865
3e méditation – Sacrifices de l'amour
On n'aime pas Notre Seigneur au très saint Sacrement parce qu'on l'ignore, ou l'on n'examine pas assez les sacrifices que son amour fait pour nous au très saint Sacrement. Ils sont tellement surprenants que j'en avais le cœur opprimé et les yeux en larmes.
1° L'institution de l'Eucharistie était au prix de toute la passion du Sauveur. Et comment cela ? L'Eucharistie est un sacrifice. Mais il n'y a pas de sacrifice sans une victime à immoler, puis immolée. L'immolation, c'est la mort de la victime. L'offrande, c'est la victime offerte. La manducation de la victime, c'est la participation aux mérites du sacrifice.
Or tout cela est dans l'Eucharistie : c'est le sacrifice non sanglant, parce que la victime est morte une fois et se perpétue en son état de victime, « je vis un Agneau, comme égorgé » [Ap 5,6]. Pour manger cette victime, il faut qu'elle voile son état glorieux sous un emblème, un signe de mort. On ne mange que ce qui est mort à sa vie. Autrement, il y aurait combat.
Or voilà qui est bien fort. – L'Eucharistie était au prix du jardin des Olives, des tribunaux et du Calvaire. Puis, comme c'est dans son sacrifice sur la croix que Jésus a opéré l'œuvre de notre rédemption, c'est par le sacrifice de la messe qu'il le continue pour nous en appliquer les mérites : « Chaque fois que tu accomplis l'œuvre de notre rédemption »* – « Le même étant le prêtre et la victime »**.
Je profite même plus du sacrifice de l'autel que je n'aurais profité du sacrifice de la croix, où je n'aurais pu manger de la chair de la divine victime, ni boire de son sang, puisqu'elle n'avait pas encore passé par le feu de l'autel pour devenir un aliment.
Et qui sait ? J'aurais été un des plus iniques bourreaux, là, au pied de la croix. Aujourd'hui, j'ai la foi.
2° En instituant l'Eucharistie, Jésus perpétuait les sacrifices de sa passion***, les abandons du jardin des Oliviers, la trahison de ses amis, de ses disciples devenant schismatiques, hérétiques, renégats, mahométans, des chrétiens vendant la divine hostie aux juifs, aux impies, – les reniements de chez Anne, les fureurs sacrilèges de chez Caïphe, le mépris d'Hérode, la lâcheté de Pilate, puis la honte de se voir préférer le démon, une passion, une idole de chair. Puis le crucifiement sacramentel dans le corps et dans l'âme du communiant sacrilège.
Eh bien ! Notre Seigneur savait tout cela d'avance. Il connaissait les nouveaux Judas. Il les comptait parmi les siens, ses enfants bien-aimés, ses prêtres. Tout cela ne l'a pas arrêté. Il a voulu que son amour allât plus loin que l'ingratitude et la malice de l'homme. Il a voulu se soumettre encore à sa malice sacrilège, et même lui survivre.
Notre Seigneur connaissait d'avance la tiédeur des siens, la mienne, le peu de fruits que l'on retirerait de la sainte communion. N'importe, il a voulu aimer plus qu'il n'était aimé, plus donner que l'homme ne voulait remercier.
3° Quoi encore ! Et cet état de mort, alors qu'il a la plénitude de la vie et d'une vie immortelle, être traité comme un mort, regardé comme un mort, n'est-ce rien ? Et cet état de mort, que dit-il ? Que Jésus est sans beauté, sans mouvement, sans défense – enveloppé dans les saintes espèces comme dans un suaire, et dans le tabernacle comme dans un tombeau. Et qu'il est là voyant tout, entendant tout, souffrant tout comme s'il était mort. Son amour a aussi voilé sa puissance, sa gloire, ses pieds, ses mains, sa bouche sacrée, et ne lui a laissé que le cœur pour nous aimer, que son état de victime pour intercéder pour nous.
Oh ! que doivent penser les démons à la vue de tant d'amour de Jésus-Christ pour l'homme, et de tant de froideur, d'ingratitude du chrétien pour Jésus-Christ ! Il doit lui dire : “Moi, je ne donne rien à l'homme de vrai, de bon, de bien. Je n'ai pas souffert pour eux, et je suis plus aimé, mieux obéi, mieux servi que vous !” Et c'est vrai.
Que doivent penser les anges à la vue de Jésus en son Sacrement, et de l'homme qui ne le regarde même pas, ou le méprise ou l'oublie !
Que doit-on penser de l'Eucharistie après la mort, en en voyant toute la bonté, tout l'amour, toutes les richesses ?
Ô mon Dieu, mon Dieu ! que dois-je penser de moi ? Depuis 43 ans je communie souvent. Vous m'avez donné tout ce que l'Eucharistie peut donner d'honneur, de puissance et de grâces. J'ai la mission de votre admirable et adorable Sacrement dans le monde entier et hélas ! je ne suis pas encore adorateur. Je n'ai pas la sainteté première de mon état, la vertu abécédaire de ma vocation religieuse. Vous n'êtes pas encore ma loi souveraine, le centre de mon cœur et la fin de ma vie.
Que faut-il donc pour triompher de mon âme ? Ou l'Eucharistie ou la mort.
S. Pierre-Julien EYMARD (NR 44,79)
* Missel Romain, Secrète du 9e dimanche après la Pentecôte.
** Concile de Trente, sess. 22, 2 – Denzinger n° 940.
*** Façon de s'exprimer, commune au 19e siècle, plus oratoire que théologique. De la même façon, dans les développements qui suivent.
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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6