Qui était Nestorius ? Un patriarche de Constantinople au coeur d'une tempête théologique
Peu de figures de l’Antiquité chrétienne ont connu un destin aussi contrasté que celui de Nestorius, patriarche de Constantinople au début du Ve siècle. Moine venu d’Antioche, formé dans la rigueur et la clarté de cette école théologique, il apparaît d’abord comme un homme droit, pieux, épris de vérité. Sa prédication, marquée par le souci de préserver la transcendance de Dieu et la réalité humaine du Christ, lui vaut la confiance de l’empereur Théodose II, qui le nomme patriarche en 428.
Mais ce tempérament ardent et précis, si proche de la ferveur monastique, s’exprime avec une rigueur qui inquiète. Soucieux d’éviter tout abus de langage dans la foi, Nestorius rejette certaines doctrines. Ce refus, motivé par un désir sincère de protéger la foi, provoque l’une des plus graves controverses théologiques de l’histoire chrétienne, le Nestorianisme.
Le drame de Nestorius n’est pas celui d’un homme hérétique, mais celui d’un esprit sincère cherchant la vérité. Sa vie, ponctuée des crises théologiques de son temps, demeure marquée par la solitude et l’exil. Il est à l’origine du concile d’Ephèse en 431.
Un moine d’Antioche au zèle ardent
Nestorius naît vers 381, à Germanicie, dans la région d’Antioche, cœur intellectuel du christianisme oriental. Sa jeunesse s’inscrit dans un milieu profondément croyant, façonné par la rigueur morale et la réflexion scripturaire de l’école antiochienne. Cette tradition, attachée à la lecture littérale de l’Écriture et à la distinction entre la nature divine et la nature humaine du Christ, marque durablement sa pensée.
Entré dans la vie monastique, Nestorius se distingue par son ascèse austère, sa droiture morale et la pureté de son intention. Il est ordonné prêtre et devient un prédicateur renommé, apprécié pour son éloquence sobre et sa sincérité spirituelle.
C’est cette réputation qui attire l’attention de l’empereur Théodose II, soucieux de confier le siège prestigieux de Constantinople à un pasteur intègre, capable de défendre la foi et de restaurer la paix doctrinale. En 428, Nestorius est consacré patriarche par l’empereur, bien que cette ordination soit en principe réservée au clergé. Sa ferveur et sa franchise séduisent d’abord le peuple et la cour. Dans ses premières homélies, il s’exprime avec passion et fermeté. Mais son ardeur se heurte bientôt à l’immense complexité du mystère qu’il veut défendre. Dans sa volonté de séparer clairement le divin de l’humain pour mieux en sauvegarder la vérité, Nestorius s’apprête, sans le vouloir, à diviser le cœur même du Christ qu’il désire servir.
Le patriarche et la controverse
À peine installé sur le trône patriarcal de Constantinople, Nestorius se trouve plongé au cœur d’un monde ecclésial et politique agité. La capitale impériale, carrefour des courants théologiques et des ambitions spirituelles, devient le théâtre de débats où se mêlent ferveur, rivalités et passions. Nestorius cherche la précision à tout prix dans le langage chrétien.
C’est dans ce contexte que surgit la question du titre de Marie, Theotokos, Mère de Dieu, utilisé depuis longtemps dans la piété populaire et la liturgie. Selon Nestorius, ce mot risque d’être mal interprété : Dieu, l’éternel et immuable, ne peut être « engendré » par une femme. Il préfère lui substituer Christotokos, “Mère du Christ”, qui lui semble plus exact. Sa position, née d’un souci d’exactitude théologique, est d’abord exposée sans provocation, dans le cadre d’homélies adressées à ses fidèles.
Mais le peuple s’émeut. Les moines, les prêtres, les évêques voisins s’inquiètent. À Alexandrie, le puissant patriarche Cyrille voit dans cette réserve un péril majeur pour la foi : si Marie n’a enfanté qu’un homme, alors le Christ n’est plus une seule personne divine et humaine, mais deux sujets distincts, liés par une union morale. Pour Cyrille, la foi de l’Église est menacée jusque dans son cœur : c’est Dieu lui-même qui s’est fait homme, et c’est bien Dieu que Marie a porté en son sein.
Entre Constantinople et Alexandrie, la tension devient politique autant que doctrinale. Les échanges se durcissent. Nestorius, convaincu de défendre la vérité, peine à saisir toute la controverse théologique que suscitent ses propos.
Ainsi, peu à peu, le patriarche, isolé dans sa rigueur, voit s’ériger contre lui un mouvement de résistance sur la manière de dire le mystère de Dieu fait homme.
L’exil et le silence
La controverse, devenue trop vaste pour être contenue, conduit l’empereur Théodose II à convoquer en 431 le concile d’Éphèse. Les évêques venus de tout l’Empire y arrivent divisés, les uns fidèles à Nestorius, les autres partisans de Cyrille d’Alexandrie. Le concile, marqué par des tensions extrêmes, dépose Nestorius et condamne son enseignement.
Pour le patriarche, commence alors une longue descente dans la solitude. Il se retire d’abord dans un monastère d’Antioche, espérant calmer le tumulte. Mais son nom demeure au centre des polémiques, et sa présence gêne autant ses adversaires que ses amis. Il est finalement envoyé en exil, d’abord en Arabie, puis dans les régions désertiques de la Haute-Égypte, à Oasis de Kharga, lieu aride et isolé.
C’est dans ce silence qu’il rédige, son œuvre la plus intime : le Livre d’Héraclide, où il expose sa foi, tente de se justifier, implore la miséricorde de Dieu et laisse transparaître une certaine douceur blessée. Ce texte, qui ne sera retrouvé qu’au XXè siècle, révèle un homme sincère, davantage soucieux de ne pas amoindrir la divinité du Verbe que résolu à diviser le Christ.
Nestorius meurt vers 451, avant la tenue du concile de Chalcédoine où il avait été convoqué, qui clarifie définitivement la doctrine de l’union des natures du Christ.
Héritage et redécouverte de Nestorius
Après sa mort, le nom de Nestorius devient pour l’Occident synonyme d’hérésie Loin du monde romain, ses disciples trouvent refuge au sein de l’Eglise d’Orient, installée principalement en Perse. De là, son rayonnement missionnaire s’étend jusqu’en Inde et en Chine, portant avec lui une tradition théologique profondément marquée par la discipline antiochienne. Cependant, cette communauté, souvent appelée à tort “nestorienne” ne revendique pas les positions de Nestorius, même si elle ne le rejette pas non plus comme un hérétique. En particulier, elle reconnaît la pleine humanité et la pleine divinité du Christ et confesse l’union réelle des deux natures.
Il faut dire que pendant de nombreux siècles, en Occident, Nestorius demeure une figure sombre, résumée à une définition doctrinale. Son œuvre de référence, essentiellement le Livre d’Héraclide, reste inconnue jusqu’au XIXᵉ siècle. Il est traduit en français en 1910 et sa redécouverte offre un visage plus nuancé de Nestorius. En effet, certains avancent que la pensée de Nestorius véhiculée par l’Histoire était peu en rapport avec sa véritable pensée telle que mentionnée dans son livre de référence. Il aurait été mal compris et les tensions entre Antioche et Alexandrie n’auraient fait qu'aggraver les choses.
Au XXᵉ siècle, les dialogues œcuméniques conduits entre Rome et l’Église assyrienne d’Orient ont permis de mieux comprendre la pensée de Nestorius. En 1994, sous l’égide de saint Jean Paul II, une déclaration christologique commune reconnaît que les divisions passées relevaient souvent de malentendus terminologiques, plus que d’oppositions irréconciliables. La foi en l’unique personne du Christ, vrai Dieu et vrai homme, est désormais confessée ensemble, sans équivoque.
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- www.britannica.com/biography/Nestorius
- www.newadvent.org/cathen/10755a.htm
- https://www.universalis.fr/encyclopedie/nestorius/

