2e jour – 3e méditation : Seigneur, que veux-tu que je fasse ?
Grande retraite de Rome du Père Eymard – 65 jours en 1865
– Notes de Retraite 44 (NR 44 dans les Œuvres complètes) déjà parues ici :
- Présentation
- C H E M I N E M E N T D' U N E E X P É R I E N C E – Jour 0 - Mercredi 25 janvier 1865 – Résolutions nécessaires – 1 – L'objet de sa retraite
- 1er jour - jeudi 26 janvier 1865 - 1re méditation – Sur saint Paul
- 2e jour - vendredi 27 janvier 1865 - 1re méditation – 2e méditation – Sur saint Paul (suite)
2e jour – vendredi 27 janvier 1865 (suite)
3e méditation – Sur ces paroles : Domine, quid me vis facere ? Seigneur, que veux-tu que je fasse ?
J'ai laissé le "stimulus" (l'aiguillon), parce que mon âme n'est pas encore capable de le comprendre. Je sens le "durum" (le dur) et voilà tout.*
J'ai vu dans ma méditation souffrante de corps et d'âme, une grande et lumineuse vérité, qui est la clé de ma vie, que j'avais aperçue quelquefois, mais en courant et comme en en ayant peur. C'est que je n'ai dit le ”Domine quid me vis facere ?” – ”Seigneur, que veux-tu que je fasse ?” [Ac 9,6] que pour la grandeur, la gloire du service de Dieu, que pour l'amour de gloire de Notre Seigneur, que pour son triomphe par le zèle, par le succès de son culte.
Pour mieux dire ma pensée, j'ai aimé Notre Seigneur et son service comme le serviteur d'un grand roi, comme l'ami bien-aimé du bon Maître, comme le favorisé de ses grâces, de la confiance des âmes de Dieu, comme le confident des opérations merveilleuses de sa grâce, c'est-à-dire un amour de Dieu de vanité.
Si je considère mes péchés ordinaires et extraordinaires, tous viennent de la vanité, ou la vanité s'y est glissée.
Le moi s'est glissé en tout, est devenu mon langage, mon sentiment délicat jusque dans le soin des âmes, dans les œuvres de Dieu.
J'ai suivi Notre Seigneur, Roi de gloire et même Roi d'amour, mais d'un amour de gloire, et de privilégié.
Il est vrai, Notre Seigneur y a donné prise en me faisant réussir, en m'envoyant, en me donnant des sympathies spirituelles. Mais infidèle, ingrat que j'ai été, était-ce une raison pour lui voler sa gloire ? pour partager les cœurs ? et se montrer trop son disciple – Sœur Benoîte ?
Pourquoi me servir du surnaturel ? Pourquoi trop chercher une prédication ou une direction marquées au coin de la personnalité ? Je pourrais faire tout cela, mais en m'éclipsant. Il faut que lui grandisse [Jn 3,30].
Ô Dieu ! que de péchés de fumée ! que de brouillards, que de bonnes grâces gâtées ! que d'âmes souffrantes !
Et cependant : ”abneget” – ”Qu'il se renie lui-même” [Mt 16,24] – ”absque sui proprio” – ”Sans propre personnel”**. Notre Seigneur qui m'attire à cet anéantissement. Mon don du 1er jour de l'an. Les humiliations qui m'accompagnent comme des grâces de salut.
Voilà le "stimulum" (l'aiguillon). Il faut que je meure à moi. Ou plutôt que je me donne totalement à Notre Seigneur par la vertu naturelle d'un fidèle serviteur. Serviteur, voilà sa loi, sa vertu, sa récompense. Il n'a pas de nom. La gloire est pour son maître !
S. Pierre-Julien Eymard (NR 44,4)
* Pour l'emploi des mots en latin du Père Eymard, se référer à la méditation du 1er Jour, jeudi 26 janvier : 1re méditation – Sur saint Paul
** doc. RR 77, Constitutions de la Congregation du Saint-Sacrament, 1864, c. 2, n.1]
1- L'objet de sa retraite :
Le P. Eymard ouvre sa retraite avec la question de l'Apôtre : Que veux-tu que je fasse ? L'objet de la question n'est pas le Cénacle, mais lui-même : Ne travailler qu'à ma sanctification personnelle, par exclusion absolue de toutes personnes et choses – Être tout entier à la grâce du moment et à elle seule. – La retraite constitue une extraordinaire quête de lui-même, sous l'action de l'Esprit Saint. Il se met dans une disponibilité totale à l'action de Dieu en lui. Il n'y a pas de plan préconçu. Les thèmes surgiront selon les temps liturgiques et les inspirations du moment.
Ce thème de la recherche de la volonté de Dieu est développé dans la 3e méditation du 2e jour. On peut noter l'expression qui revient en de multiples occasions : J'ai vu – dans une grande ET lumineuse vérité, qui révèle que c'est sous l'action de l'Esprit Saint qu'il se découvre lui-même. Voici ce texte :
J'ai vu dans ma méditation souffrante de corps et d'âme, une grande et lumineuse vérité, qui est la clé de ma vie, que j'avais aperçue quelquefois, mais en courant et comme en en ayant peur. C'est que je n'ai dit le Domine quid me vis facere [Ac 9,6] que pour la grandeur, la gloire du service de Dieu, que pour l'amour de gloire de Notre Seigneur, que pour son triomphe par le zèle, par le succès de son culte. - Pour mieux dire ma pensée, j'ai aimé Notre Seigneur et son service comme le serviteur d'un grand roi, […] un amour de Dieu de vanité. – […] Le moi s'est glissé en tout, est devenu mon langage, mon sentiment délicat jusque dans le soin des âmes, dans les œuvres de Dieu [NR 44, 4 : V,253].
Telle est l'ouverture de la retraite, comme le prélude, qui va se développer avec une grande liberté.
Père André Guitton, sss – Le Don de soi - à la suite de S. Pierre-Julien EYMARD
La Conversion de saint Paul sur le chemin de Damas du Caravage, 1602
Huile sur toile, 2m30 x 1m75 – église Santa-Maria del Popolo – Rome
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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6