2. Jésus-Christ, l'amour de Dieu personnifié en son cœur
Rappel des circonstances
Le Père Eymard et Sophie Prouvier – cette dernière ayant reçu la révélation du Cœur Eucharistique de Jésus, à Besançon, en 1854 – sont indéfectiblement unis dans leur vocation propre d'abord sur la terre, et maintenant du haut du Ciel. L'une était venue à Paris rencontrer l'autre, en mai 1860. Et en juillet 1861, le Père Eymard médite le « Cœur de Jésus instituant l'Eucharistie » dans une grande prédication de Neuvaine au Sacré Cœur à Saint-Sulpice (Paris).
Aussi la saison qui s'ouvre à nous dans la communauté du Cœur Eucharistique de Jésus – De Besançon à Paray-le-Monial aura pour point n°1 cette Neuvaine au Sacré Cœur du Père Eymard et pour point n° 2 les Élévations sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus de Sophie Prouvier.
1° Neuvaine du Sacré Cœur à Saint-Sulpice
de S. Pierre-Julien Eymard
5 juillet 1861 – Saint-Sulpice
- Introduction à la prédication & première publication : Sacré Cœur – Ouverture de la Neuvaine
- 1. L'amour humanisé
• 1. Jésus-Christ, l'amour de Dieu humanisé - 2. L'amour personnifié
• 2. Jésus-Christ, l'amour de Dieu personnifié en son cœur
Dieu a voulu en Jésus-Christ aimer l'homme avec un cœur de chair, avec un cœur d'homme.
Le cœur n'aime que le cœur, l'homme, il estimera l'esprit, la science, le génie, mais il ne lui donnera pas son cœur. Il honorera, respectera, servira les grandeurs humaines, la puissance souveraine, mais il ne lui viendra pas même en pensée de lui offrir son cœur…
Saint Jérôme : « L'amour veut l'égalité ou rend égaux ».
C'est donc pour avoir le cœur de l'homme que Dieu prendra un cœur comme le sien, qu'il l'aimera avec la sensibilité de l'affection, avec les émotions du sentiment, avec les passions de l'amour, par les impressions de la joie et de la tristesse, de la douleur et de la souffrance… Et quand Dieu aura ainsi aimé l'homme, il pourra lui dire avec plus de puissance : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur » [Mt 22,37].
L'homme saura aimer Dieu par le cœur, il ne fera que rendre l'amour reçu. L'homme comprendra le désir de Dieu demandant : « Mon fils, donne-moi ton cœur » [Pr 23,26]. Ainsi, Dieu élèvera l'homme jusqu'à son amour spirituel, divin, par l'amour sensible de son cœur.
Avant même l'incarnation, pour flatter l'homme et l'attirer à lui, Dieu s'appelle son Père ; et ce qui fait la paternité c'est le cœur : « Personne n'est un père comme lui » [Tertullien]. Dieu se compare aux mères : « Même si une femme oubliait son petit enfant, moi, je ne t'oublierai jamais » [Is 49,15] – « Personne n'a tant d'affection » [Tertullien].
Son cœur est la règle de son choix. « Le Seigneur s'est cherché un homme selon son cœur » (1 Reg. 10) [1S 13,14], David. Du temple de Salomon, il dit (Reg. 3 c. 9) : « Mes yeux et mon cœur y seront toujours » [1R 9,3].
Le Prophète nous montre l'amour de Dieu souffrant.
Ps. 21 : « Mon cœur est pareil à la cire, il fond au milieu de mes viscères » [Ps 21,15].
Ps. 68 : « J'espérais la compassion, mais en vain, des consolateurs, et je n'en ai pas trouvé » [Ps 68,21].
Voilà le Verbe dans la loi, la loi portant le Christ en son sein.
Que sera-ce donc que le Verbe incarné dans l'amour ? de ce cœur formé par le Saint-Esprit pour l'amour de l'homme ; de ce cœur, le roi des cœurs ; de ce cœur uni hypostatiquement à la personne divine du Verbe, et par conséquent à sa bonté infinie, à son amour incréé, à cet amour substantiel du Verbe ?
2. Quelle sera la puissance de l'amour de ce cœur divin ? de ce foyer d'amour que quatre mille ans d'attente ont préparé ; de cet amour céleste, « je suis venu jeter un feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fût allumé ! » [Lc 12,49] ; de la violence de cet amour comprimé par l'amour d'un plus grand sacrifice, celui de la croix, « je dois être baptisé d'un baptême… » [Lc 12,50].
S. Pierre-Julien Eymard (PO 7,3)
2° Élévation sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus
de Sophie Prouvier
Troisième Élévation
Cœur Solitaire
Première plainte du Cœur Eucharistique de Jésus
à l'âme indifférente
I
Réflexion. – Malheur à celui qui est seul, a dit l'Esprit Saint : « Vae Soli » : « Malheur à l'homme seul »[i]. L'isolement n'est pas dans l'ordre de la Providence. Dieu, la perfection infinie, a des relations divines, trois personnes sont dans l'Unité, par essence : « En effet, ils sont trois qui rendent témoignage »[ii]. Le cœur solitaire est donc toujours un cœur blessé, trompé dans ses affections, dédaigné dans ses dévouements, ou déçu dans ses espérances ; il s'est retiré des hommes, ou bien les hommes se sont éloignés de lui, et il est seul !
II
Jésus. – Je ne me suis pas retiré, c'est vous qui m'avez laissé ; « mes délices sont d'être avec les enfants des hommes »[iii], et ils m'ont abandonné, moi qui suis la source d'eau vive et ils se sont creusés des citernes sans eaux[iv]. J'étais venu vivre avec eux sur la terre, et ils m'ont fait mourir ; j'ai répandu sur eux pour les sauver tout le sang de mon cœur : ils l'ont foulé aux pieds ; – j'ai voulu les vaincre à force d'amour, je leur ai rendu ce même cœur ressuscité du tombeau ; et de nouveau, je l'ai laissé sur la terre, non plus comme autrefois dans la Judée seulement ; non plus sur un seul point du globe où il faille venir de loin me rendre les hommages qui me sont dus, mais, à côté de chacun des miens, à la porte de leur demeure ; non dans une arche d'or mais captif dans leurs humides et froids tabernacles, moi le Seigneur votre Dieu, le Très-Haut, le Puissant Roi du ciel et de la terre ! Et c'est là que depuis dix-huit siècles je tends vainement les bras, à un peuple rebelle que ses passions emportent loin de moi.
Je suis seul dans mon temple ; non seulement l'église où je réside est souvent déserte, mais quelques fois les portes en sont fermées. Qui pense à moi avec amour ?… mon cœur est seul !…
III
L'âme. – « Vae soli » (« Malheur à l'homme seul ») ! Et c'est sur vous, ô Jésus, que nous-mêmes, en échange de votre incomparable amour, avons fait retomber cet anathème, quand votre cœur vous avait fait amené dans les tabernacles de l'Eucharistie à demeurer avec nous, pour nous l'épargner !…
Et nous ne vous avons rendu qu'amère ingratitude !…
Beaucoup d'âmes, il est vrai, comme des lampes luisantes et ardentes, vous tiennent jour et nuit fidèle compagnie ; mais qu'est-ce, hélas ! auprès du grand nombre de celles qui devraient vous entourer ? Et encore, toutes vous portent-elles la consolation que votre cœur désire ? La solitude qui fait souffrir n'est pas tant l'absence des créatures que l'isolement du cœur : qui ne préfère être seul plutôt que de vivre avec un ennemi, ou seulement un indifférent ? Et c'est avec des ennemis, avec des indifférents, qu'indifférent moi-même, je vous ai laissé, ô Jésus, pendant que votre Cœur, comme en deuil sous ses voiles eucharistiques, restait seul dans sa prison d'amour. Ah ! ce qui me console, c'est que votre prison, ô Jésus, en dépit de notre cruauté à la rendre indigne de vous, a, dans ses ténèbres et ses isolements, des avenues sur le ciel, où des myriades d'anges viennent vous louer ; que dis-je, elle est le ciel même, puisqu'elle vous contient. Les âmes qui ne vous ont pas laissé, en connaissent aussi les sentiers que je ne sais plus. Hélas ! pourquoi en ai-je perdu la trace. Malheur à ceux qui manquent de cœur auprès du Cœur de Jésus ; ils méritent cet anathème : La Lumière de son tabernacle se couvrira d'obscurité, et la lampe qui éclairait au-dessus s'éteindra. Seigneur, Seigneur ! non, de grâce, ne laissez pas s'éteindre la mèche qui fume encore, je me réveillerai de mon assoupissement ; et désormais j'entretiendrai le feu perpétuel que vous demandez devant votre autel, c'est-à-dire la prière continuelle devant votre Cœur Eucharistique, ô Jésus, dans le sens que vous-même commandez.
(Troisième Élévation – Cœur solitaire – Première plainte du Cœur Eucharistique de Jésus à l'âme indifférente – I-II-III – pp.40-43)
[i] Cf. Ec. 4,10 : « Malheur à l'homme seul : s'il tombe, personne ne le relève ».
[ii] Cf. 1Jn 5,7.
[iii] Cf. Pr. 8,31.
[iv] Cf. Jr 2,13.
Image : thelivingheartco – L'art catholique contemporain enraciné dans la Tradition Sacrée – Michigan, États-Unis
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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6