9AINE EUCHARISTIQUE À S. EYMARD - 6e jour : 30 Juillet
1_Les derniers jours du Père Eymard
Frère Albert écrit :
Jeudi 30 juillet
Dès le matin on installa dans la chambre tout ce qu'il fallait pour dire la Messe. Le père Chanuet n'avait pu obtenir de Monseigneur de Grenoble la permission que pour une fois la semaine. L'autel était dressé sur la commode en vue du Père qui put suivre la Messe, quelques personnes y assistèrent. Le Père communia.
Pendant l'action de grâce il me fit signe de lui donner à boire le vin qui restait dans la burette avec l'eau du sacrifice. Sa figure était radieuse de paix et de calme. Je m'approchai et l'embrassai. C'était la première fois depuis mon arrivée. Après l'action de grâces le père Chanuet vint au pied du lit et le Père lui dit assez distinctement : « Vous êtes bien drôles d'être venus. Pour quoi faire ? - Eh bien, mon Père, ne le méritez-vous pas. - Ah ! bah ! dit le Père ! » Et le père Chanuet de reprendre : « Vous alliez bien voir les autres, vous mon Père ! » Le Père se tut, content de cette raison.
Il parla quelques minutes avec Mlle Thomas, lui demanda des détails minutieux sur les affaires d'une succession qui l'embarrassaient. Ce qui prouve sa grande présence d'esprit.
Vers neuf heures je lui demandais de lui passer autour du corps une ceinture de soie qui avait servi à revêtir sa chère Notre-Dame du Laus. Il voulut bien et me dit : « C'est pour elle (ou à elle) que je l'offre (ou que je souffre) ». La difficulté que le Père avait de s'exprimer m'empêcha de saisir laquelle des deux phrases il prononça, mais leur sens est identique. (Il mourut avec cette ceinture autour du corps. N.-Dame du Laus avait été son premier désir, son premier amour. Elle vint occuper sa dernière pensée. Je l'avais passée moi-même. Après la mort, Mlle Thomas la prit et me la donna). Je lui demandai alors s'il ne voulait pas que j'allasse demander sa guérison à Notre-Dame de La Salette. Une neuvaine de messes s'y terminait le lendemain. Il me dit : « Oui, je veux bien ». – J'obtiendrai votre guérison, mon Père. – « Je veux bien ». Au moment de partir vers onze heures il me dit : « Restez demain, samedi et dimanche ». – C'est trop, lui dis-je, je veux vous revoir avant. « Eh bien ! revenez samedi ». Je me mis à genoux. Le Père me bénit. Il me fit sur le front avec sa main une croix. Et je partis croyant bien le revoir plein de santé – hélas !
Pour montrer comment le Père pensait à tout il voulut que je prisse son parapluie. Il ne put venir à bout de dire ce mot. Il me montrait du doigt le fond de sa chambre et me disait : Prenez mon… mon… Et moi qui ne pouvais, par le beau temps qu'il faisait, songer à un parapluie, je désignai tous les objets. Le Père disait : non, avec un petit air aimable et agacé. Il souriait de son impuissance. Mais pour nous quelle souffrance de voir muette cette bouche toujours ouverte pour annoncer Notre Seigneur ! ou pour dire une parole d'affection ou de bienveillance.
Je partis. Depuis ce temps jusqu'à sa mort il s'est écoulé 50 heures. Je serais revenu plus tôt de La Salette. Mais j'attendais une personne qui devait y arriver le vendredi soir à 2 heures et me donner des nouvelles du Père. Elle n'arriva pas, je résolus de l'attendre. Au fond du cœur je croyais invinciblement que le Père guérirait vite et bien. Je le croyais et ma conscience me faisait verser d'avance des larmes de reconnaissance. Hélas ! Notre Seigneur ne l'a pas voulu ! J'ai toujours regardé cette absence comme une punition de mes péchés. Oui, Seigneur, vous jugez toutes choses avec équité. Je vous remercie de la faveur inestimable d'avoir vu mon Père dans ses derniers jours, de l'avoir soigné, d'avoir vu un saint sous le coup de la douleur, laissant une œuvre à peine établie, sans regrets, sans récriminations, mourant parce que vous jugiez à propos qu'il mourut, ne se croyant pas nécessaire une minute de plus que vous le vouliez, allant à la mort comme à l'adoration, ne voulant rien dire pour plus tard afin de vous laisser à vous seul maître, seule personnalité dans la Société votre pleine liberté de direction, votre autocratie ! O ! quel spectacle. Et peut-être aussi, Seigneur, que vous m'avez éloigné de peur que je ne forçasse par mes instances toujours écoutées dans ces matières-là notre Père à parler. Tout ce que vous avez fait est bien, et mieux que tout ce qui aurait pu être.
Les deux lettres ci-jointes donnent les détails sur les deux derniers jours Jeudi et Vendredi. La dernière a été écrite vendredi vers trois ou quatre heures. On y remarquera cette annonce de sa mort faite par le Père à une personne de La Salette. Elle m'a été confirmée en ces termes par la personne elle-même : « Le Père m'a dit : Eh ! bien c'est la fin ». Je ne veux pas juger de l'autorité de cette personne à se faire croire. Ce n'est que plus tard que l'on pourra obtenir là-dessus des données certaines.
Fr. Albert Tesnière Les derniers jours de la vie de st P.-J. Eymard (Édition du Centre de spiritualité "Eymard", La Mure d'Isère, 2018)
Voir la Présentation générale de la Neuvaine Eucharistique.
2_Prédication : Triduum du Saint Sacrement
Vie cachée de Notre Seigneur
Vous êtes vraiment le Dieu caché, Dieu Sauveur d'Israël [Is 45,15].
Quand Notre Seigneur épouse la pauvreté, la misère, je le comprends : comme il est impossible que je m'élève jusqu'à Dieu, il descend à moi pour égaliser la distance qui me sépare de lui ; l'anéantissement s'explique par l'amour. Je comprends encore le Calvaire : il fallait que le Christ souffrît et qu'il entrât ainsi dans sa gloire [Lc 24,26]. Mais ce que nous ne comprendrons jamais, c'est que Jésus-Christ après être remonté dans les splendeurs célestes, daigne encore habiter parmi nous, adopter un néant comme celui du tabernacle ! Voilà ce qui scandalise l'impie, ce que le païen traite de folie, ce qui éloigne le chrétien qui n'a que la foi des sens et ce qui, pour vous mes frères, doit être la plus grande preuve d'amour que vous ait donnée Jésus-Christ. Jésus-Christ caché par amour, quel doux mystère ! Qu'il est difficile de (briser) déchirer ce voile ! Je vais essayer aujourd'hui cependant de le soulever un peu pour vous faire comprendre l'excès d'amour que nous y montre le Seigneur.
Pourquoi Jésus-Christ choisit-il un état caché ? Parce que cet état est plus glorieux à son Père, plus aimable pour nous.
S. Pierre-Julien Eymard (PO 20,9)
Cet état glorifie son Père
La gloire est naturelle à Jésus-Christ. Assez longtemps pendant sa vie mortelle, il subit l'humiliation ; sur la croix, il éprouva assez d'amertumes ; il est temps qu'il reprenne son état glorieux et éternel. Jésus-Christ dans son anéantissement eucharistique continue la glorification de son Père céleste ; cette pensée fut le mobile de sa vie mortelle : c'était un Dieu adorant un Dieu ; son humanité, il la lui offrait comme un tribut d'hommage. Et ici, voyez-le, que fait-il ? Dans son Fils pauvre, victime, le Père éternel trouve encore toujours l'adoration, l'anéantissement divins. Oh ! si Notre Seigneur n'était pas au tabernacle, Dieu n'aurait plus que de pauvres enfants pleins de misères : ses yeux paternels ne sauraient où se reposer ! Mais, grâce à l'Eucharistie, toujours il peut abaisser ses regards sur l'autel et dire : “C'est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ; c'est mon Fils en qui j'ai mis toutes mes complaisances” [Mt 3,17]. Sans ce sacrement d'amour, le feu de l'Enfer aurait déjà passé sur cette terre ; mais Jésus-Christ obtient toujours miséricorde ; sa voix s'élève toujours vers le ciel pour dire à son Père : “Pardonnez-leur, pardonnez-leur” [Lc 23,34].
Oh ! que la sainte Trinité doit bénir l'Eucharistie ! Les anges du ciel sont dans une admiration perpétuelle devant le saint Sacrement, ils nous portent presque envie ! De quoi nous plaignons-nous, pauvres exilés de notre patrie, n'avons-nous pas le ciel sur cette terre ? Qu'est-ce que le ciel, n'est-ce pas Dieu ? Mais ce même Dieu nous l'avons sur l'autel ; ce n'est pas Dieu manifesté, il est vrai ; mais c'est le même Dieu caché, et caché pour mon amour, caché pour m'apprendre à vaincre mon orgueil ! Jésus-Christ par l'Eucharistie n'a pas anéanti l'orgueil, mais il a donné la grâce de devenir un saint. Il veut qu'au lieu de notre orgueil humain, nous prenions l'orgueil du Christ, que nous devenions orgueilleux de sa couronne, de la gloire de son Père !
S. Pierre-Julien Eymard (PO 20,10)
3_Prière
Dieu nous l'avons sur l'autel ; ce n'est pas Dieu manifesté, il est vrai ; mais c'est le même Dieu caché, et caché pour mon amour, caché pour m'apprendre à vaincre mon orgueil ! Jésus-Christ par l'Eucharistie n'a pas anéanti l'orgueil, mais il a donné la grâce de devenir un saint. Il veut qu'au lieu de notre orgueil humain, nous prenions l'orgueil du Christ, que nous devenions orgueilleux de sa couronne, de la gloire de son Père !
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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6