La dévotion eucharistique du Sacré Cœur / 9e Élévation au Cœur Eucharistique

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Précédente publication : Le Sacré Cœur comme fête catholique (Eymard) / 8e Élévation sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus (Prouvier)

Rappel des circonstances
Le Père Eymard et Sophie Prouvier – cette dernière ayant reçu la révélation du Cœur Eucharistique de Jésus, à Besançon, en 1854 – sont indéfectiblement unis dans leur vocation propre d'abord sur la terre, et maintenant du haut du Ciel. L'une était venue à Paris rencontrer l'autre, en mai 1860. Elle lui raconte les révélations du Cœur Eucharistique de Jésus qu'elle reçut 6 ans plus tôt, dans la chapelle baroque Notre-Dame du Refuge de l'hôpital Saint-Jacques de Besançon.
Et en juillet 1861, le Père Eymard médite le « Cœur de Jésus instituant l'Eucharistie » dans une grande prédication de Neuvaine au Sacré Cœur à Saint-Sulpice (Paris). Aussi dans la communauté du Cœur Eucharistique de Jésus – De Besançon à Paray-le-Monial les publications sont constituées comme suit : 
• Point n°1 cette Neuvaine au Sacré Cœur du Père Eymard
• Point n° 2 les Élévations sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus de Sophie Prouvier.  

1° Neuvaine du Sacré Cœur à Saint-Sulpice de S. Pierre-Julien Eymard

La dévotion eucharistique du Sacré Cœur de Jésus

Pensées

Le cœur sensible, de chair de Jésus n'est qu'au ciel et au très saint Sacrement. Au ciel il y est pour les anges et les saints couronnés. Au très saint Sacrement, il n'y est que pour nous. Notre dévotion doit donc être eucharistique, se concentrer dans la divine Eucharistie comme dans l'unique centre personnel de la vie de l'amour et des grâces (dons) de son cœur divin pour les hommes.

Centre de vie

Le cœur de Jésus est vivant au très saint Sacrement. Il n'est vivant que là. Donc l'Eucharistie doit être le centre de notre culte d'adoration du Sacré Cœur. Ce serait une idolâtrie d'adorer, de regarder le cœur de Jésus, séparé de la divinité – une hérésie de l'y honorer mort ou séparé de son corps. On doit donc honorer le cœur comme partie de son corps, de son âme, et uni à sa divinité. 
1. Vivant : Le Christ une fois ressuscité ne meurt plus, la mort n'exercera plus de pouvoir sur lui [Rm 6,9]. 
[Étant toujours vivant pour intercéder en notre faveur [He 7,25].]
Qui mange [ce pain] aura la vie éternelle [cf. Jn 6,59]. 
Le divin cœur est donc là, vivant ; de quelle vie ? Ce n'est plus une vie de Sauveur, ce cœur ne souffre plus, ni ne peut souffrir la vie négative de l'amour, la douleur, la tristesse, l'angoisse. La vie ressuscitée n'est que dans le bien positif de l'amour parce qu'il est dans l'état de béatitude consommée, mais sa vie n'en est que plus parfaite.
Il est vrai, ce cœur divin n'est pas visible au très saint Sacrement, mais le cœur de l'homme ne l'a pas non plus. Ce principe de la vie doit être mystérieux (et sa visibilité ferait sa mort, elle n'est visible que par ses effets sensibles) et voilé. 
L'homme ne demande pas à voir le cœur d'un ami ; il suffit d'une parole de ce cœur, d'un sentiment. D'ailleurs qui de nous pourrait contempler la beauté, la bonté de ce cœur divin ? de son humanité ? Qui pourrait supporter l'éclat de sa gloire, les ardeurs dévorantes, consumantes de ce foyer divin d'amour ? 
Qui oserait regarder cette arche divine où est écrit son évangile d'amour, où sont glorifiées toutes ses vertus, où son amour a son trône et sa bonté tous ses trésors – ce sanctuaire de la divinité, mais le cœur glorifié de Jésus est le ciel du ciel même, corporel, vivant de sa divinité ? 
La vue de ce cœur adorable est réservée au ciel. Mieux de la posséder, mes frères, de l'avoir près de nous. 
La vie du cœur de Jésus au saint Sacrement a deux regards : un vers son Père, l'autre vers les hommes. 
Il adore son Père par ses abaissements ineffables, par son adoration profonde, il le remercie de ses grâces aux hommes, ses frères. Il s'y fait notre réparateur, notre médiateur perpétuel. Il y prie sans cesse pour nous. Voilà sa vie vers son Père. 
Oh ! Père céleste, regards de complaisance sur ce cœur. Ce cœur seul opérant, seul agissant dans l'Eucharistie, les autres membres de ce corps glorifié jouissant de leur vie ressuscitée, mais le cœur seul a sa vie active ; il y continue sa vie de Sauveur.

Saint Pierre-Julien Eymard (PO 6,12)

2° Élévation sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus de Sophie Prouvier

Neuvième Élévation
Cœur méconnu des hommes
Septième plainte du Cœur Eucharistique de Jésus 
à tous les fidèles

I

            Réflexion – Quand on porte un nom célèbre, être méconnu et passer pour rien est simplement une erreur, qui ne peut blesser sue la vanité. Mais être méconnu dans la droiture de ses pensées ou la pureté des sentiments de son cœur, c'est une souffrance légitime parce qu'elle blesse la justice et une vérité à laquelle on a droit. Mais si l'être méconnu est un bienfaiteur insigne dont les actes généreux ont inondé la vie d'un être aimé, la souffrance est plus profonde parce que la blessure est dans le cœur en même temps que dans la justice et la vérité. Pour le cœur méconnu, il est encore une autre peine : forcé de mésestimer ceux qu'il aime, il est exposé à ne plus les aimer.

II

            Jésus – Je suis venu à vous comme un Roi plein de douceur [i]. J'espérais être compris et trouver des cœurs ouverts dans lesquels il me fût possible de répandre toute la richesse de mon amour, l'avant-goût des joies du ciel et les contentements purs de la terre promis aux âmes de bonne volonté [ii]. Pour cela, je me suis donné comme nul ami, nul époux ne se donnera jamais ; je me suis livré en nourriture, je vous ai faits mes maîtres dans l'Eucharistie où vous disposez de moi, à toute heure, je me suis laissé confiner dans d'obscures retraites [iii], et là, au fond de vos pauvres tabernacles de pierre ou de bois, je suis demeuré, attendant que, touchés de tant d'amour et pénétrés de reconnaissance, vous veniez comme réchauffer mon cœur avec l'ardeur des vôtres ; et voilà que je n'en suis pas moins au milieu de vous presque comme un inconnu. Lorsque vous rendez vos hommages à mon corps sacramentel, mon Cœur Sacré, heureusement aimé dans ses autres demeures, est oublié dans l'Eucharistie, comme on oublie un mort enseveli depuis longtemps. Depuis longtemps en effet, je l'avais découvert aux miens, ce Cœur Hostie, mais il ne l'ont pas reçu avec l'amour que j'avais lieu d'attendre. Cependant mes soupirs ont été entendus, et, connaissant tout le mal que vous vous êtes fait à vous-mêmes, mon cœur s'attendrit et il cherche quelque raison pour être indulgent…
            Puisque je suis un Dieu caché, un Cœur voilé, me dis-je, n'ai-je pas dû m'attendre à être quelquefois méconnu ?… ne vous pardonnerai-je pas ce long oubli de vos cœurs pour le mien, lorsque vous m'avez aimé de quelque autre manière ? Oui, je vous pardonnerai, mais puisqu'aujourd'hui vous le connaissez, aimez-le et apportez-lui votre amour au lieu qu'il a choisi pour se donner à vos âmes. Vous, adorateurs zélés de l'Eucharistie, vous, amis de mon Sacré Cœur, venez accroître encore, dilater, réjouir, compléter ici le culte que déjà vous me rendez ; venez fervents, venez tièdes, venez pécheurs, venez tous, et venez avec confiance si vous venez avec amour. Tout n'est pas perdu pour vous être un moment égarés, fussiez-vous même, hélas ! allés loin dans la voie du mal ; je sais le limon dont vous êtes formés, et puisque c'est mon cœur qui vous appelle, ne craignez point : ce qui est perdu, je le rechercherai ; ce qui est égaré, je le ramènerai ; ce qui est faible, je le fortifierai [iv]. Venez donc, et si vous apportez un esprit de paix pour me faire oublier votre ingratitude, je n'aurai qu'un même cœur avec vous [v]. Or, maintenant que vous avez reçu mes plaintes et vous êtes humiliés, mon cœur va s'ouvrir à l'espérance et vous confier ses désirs. »

III

            L'âme – Quoi Jésus, vous m'appelez encore sur votre cœur, au lieu de me punir ? voilà où vient aboutir la juste indignation que nous avons méritée !… Nous avons péché contre le ciel et contre vous, Seigneur, et parce que repentant, je retourne à mon Père, vous m'ouvrez aussitôt vos bras. 
            Ah ! quel Cœur incompréhensiblement bon et tendrement généreux que le vôtre, Seigneur ! Sur la terre, vous aviez encore de saintes colères, de justes châtiments : dans l'Eucharistie, vous n'êtes plus que douceur. Ah ! pourquoi trop tard vous ai-je connu, trop tard vous ai-je aimé ! Comment se fait-il qu'en adorant votre auguste présence réelle, je n'aie pas senti que ce trésor du ciel donné à la terre ne pouvait être qu'un don de votre Cœur et son domaine ? Celui qui aime avec discernement, dit l'auteur de l'Imitation, fait plus attention au cœur de celui qui donne, qu'au don lui-même…
            Ici, à la vérité, le don et le donnant sont un, l'attention ne saurait donc être moindre pour l'un et pour l'autre ; mais cette attention de nos âmes, elle doit être éveillée néanmoins, pour doubler, centupler notre amour, notre reconnaissance, nos retours envers un tel Donateur pour un pareil Don. Ah ! Cœur Eucharistique de Jésus, je ne vous ai pas seulement méconnu, je vous ai repoussé sous ce titre, sous de puérils prétextes, invoquant la loi comme si la loi pouvait condamner ce qui la confirme, comme s'il ne fallait pas accomplir la loi et ne point rejeter ce qui est juste et bon avec elle [vi] ! Je vous ai donc aussi, ô Cœur de mon Jésus, laissé seul et sans consolation dans vos tabernacles, oublié, délaissé, humilié, outragé et méconnu des hommes ! Malheureux que je suis, où irai-je pleurer mes ingratitudes, comment les réparer, dans quelle obscurité les expier ? Ah ! je le sais où j'irai : j'irai dans l'obscur sanctuaire où vous êtes seul comme un prisonnier, je me riverai à vos chaînes, je les couvrirai de baisers et ne vous quitterai plus, ô mon Maître adoré. Alors, peut-être jetterez-vous un regard de pitié sur moi, et ce regard sera mon salut, mon pardon, ma justification, ma réhabilitation ! Seigneur, vous avez dit une fois à l'épouse infidèle : Reviens à moi et je te recevrai [vii]. 
            Me voici, ô miséricordieux Jésus, je reviens, que voulez-vous que je fasse ?

 

(Neuvième Élévation – Cœur méconnu des hommes – Septième plainte du Cœur Eucharistique de Jésus à tous les fidèles) 

 

[i] Cf. Mt 21,5.  

[ii] Cf. Lc 11,4.

[iii] Cf. Ps 142,3.

[iv] Cf. Ez 34,16.

[v] Cf. 2 Cor 13,11.   

[vi] Cf. Lc 11,42.

[vii] Cf. Jr 3,1.


Prière de la communauté

ÉLÉVATIONS de SOPHIE PROUVIER (1817-1891) – Mère Marie de l'Eucharistie

ÉLÉVATIONS SUR LA PRIÈRE AU CŒUR EUCHARISTIQUE DE JÉSUS Cœur Eucharistique de Jésus, doux compagnons de notre exil, je vous adore. Cœur Eucharistique de Jésus, Cœur solitaire, Cœur humilié, Cœur délaissé, Cœur oublié, Cœur méprisé, Cœur outragé, Cœur méconnu des hommes, Cœur aimant nos cœurs, Cœur suppliant qu'on l'aime, Cœur patient à nous attendre, Cœur pressé de nous exaucer, Cœur désirant qu'on le prie, Cœur foyer de nouvelles grâces, Cœur silencieux voulant parler aux âmes, Cœur doux refuge de la vie cachée, Cœur maître des secrets de l'union divine, Cœur de Celui qui dort, mais qui veille toujours. Cœur Eucharistique de Jésus, ayez pitié de nous. Jésus-hostie, je veux vous consoler, Je m'unis à vous, je m'immole avec vous, Je m'anéantis devant vous, Je vais m'oublier pour penser à vous, Être oublié et méprisé par amour pour vous, N'être compris, n'être aimé que de vous. Je me tairai pour vous entendre et me quitterai pour me perdre en vous. Faites que je soulage ainsi votre soif de mon salut, votre soif ardente de ma sainteté, et que, purifié, je vous donne un pur et véritable amour. Je ne veux plus lasser votre attente : prenez-moi, je me donne à vous. Je vous remets tout mon agir, mon esprit pour l'éclairer, mon cœur pour le diriger, ma volonté pour la fixer, ma misère pour la secourir, mon âme et mon corps pour les nourrir. Cœur Eucharistique de mon doux Jésus dont le sang est la vie de mon âme, que je ne vive plus, mais que vous viviez seul en moi. Ainsi soit-il.