Revue Le Très-Saint Sacrement : Janvier-mars-mai 1865

• Les catacombes et l'Eucharistie

1. L'Eucharistie comme sacrifice : 1. Les tombeaux-autels

L'Eucharistie comme sacrifice apparaît dans toutes les catacombes, puisqu'on y voit encore les chapelles et les basiliques, avec leurs cryptes et leurs autels, où l'on célébrait la sainte messe. Qui des pieux pèlerins à la Ville éternelle n'a admiré les gracieuses basiliques souterraines des catacombes de Sainte-Agnès, et leurs tombeaux-autels ? Qui n'a vénéré avec un profond respect le tombeau de saint Pierre dans sa crypte apostolique ? Qui n'a baisé pieusement les tombeaux-autels des cimetières de Saint-Calixte et de Saint-Sébastien, si riches en fresques admirables, et qui sont comme l'histoire peinte de toute la religion sous les figures typiques de l'ancienne loi, ou des faits évangéliques ? Qu'on est heureux de trouver là le beau sarcophage de la grande vierge et martyre sainte Cécile, et, dans la chambre voisine, le portrait des Papes des premiers siècles avec leurs noms !

Les tombeaux-autels nous révèlent donc l'usage primitif du sacrifice de la messe. L'histoire le confirme d'ailleurs d'une manière irréfragable. Saint Clément, troisième pape et disciple de saint Pierre, disait aux fidèles de Rome : “Rassemblez-vous dans les cimetières pour lire les livres saints, pour chanter des hymnes, et offrir dans nos églises et sur nos tombeaux, le saint sacrifice de l'Eucharistie, qui est agréable à Dieu.”

Nous lisons dans les actes de saint Étienne, pape et martyr : “que sous la persécution des empereurs Valérien et Gallien, le pape Étienne, retiré dans le cimetière de Lucine, avec son clergé, célébrait, assidûment la messe dans les cryptes des martyrs, y tenait des conciles, instruisait les fidèles sur les divins préceptes, et leur donnait le sacrement du corps du Christ ; et que ce fut là qu'en achevant le saint sacrifice, il fut surpris et décollé sur son siège pontifical.”

Nous lisons encore, dans les actes de saint Diodore, prêtre de l'Église romaine, que le jour de la fête du martyre de saint Chrysanthe et de sainte Dacie, une grande multitude de fidèles de tout âge et de tout sexe se rendit au cimetière de Sainte-Priscille, sur le tombeau de ces saints martyrs que Dieu rendait illustre par de grands miracles. L'empereur Numérien, l'ayant appris, ordonna de murer l'entrée des catacombes, et les fit étouffer sous une montagne de sable. Toute cette multitude de chrétiens venait alors de participer à la divine victime du sacrifice, et ce fut ainsi qu'en célébrant la gloire des martyrs de Jésus-Christ, elle obtint la même grâce qu'eux.

Les actes du martyre de saint Saturnin, dont on voit les monuments insignes et bien caractérisés au cimetière Saint-Calixte, nous révèlent aussi cette vérité du saint sacrifice offert dans les catacombes et le nom qu'on lui donnait. Accusé par le proconsul d'avoir, contre les édits des empereurs, célébré l'Eucharistie, qu'on appelait le Dominicum, Saturnin lui répond : Dominicum cum fratribus celebravi. “Oui, j'ai célébré le Dominicum, c'est-à-dire le sacrifice du Seigneur, parce que nous ne pouvons pas vivre sans ce sacrifice”, sine Dominico esse non possumus. Le proconsul demande au martyr s'il a célébré dans l'assemblée des chrétiens. Saturnin répond qu'un chrétien ne peut vivre sans le sacrifice du Seigneur, ni ce sacrifice être célébré sans l'assistance des chrétiens. Ce qui nous montre, dit Baronius, avec quelle foi ardente, en ces temps de persécution, les chrétiens se rendaient aux catacombes pour y participer au divin sacrifice, parce que, comme le dit si bien saint Saturnin, un chrétien ne peut pas être chrétien sans ce sacrifice.

Saint Pierre-Julien Eymard (PG 251,2)

Image : Peinture à fresque dans les Catacombes de Commodille, Rome, IVème siècle : Exemples de tombeaux-autels
(Cubiculum du lion. Considérés comme saints, Félix et Audacte sont représentés en compagnie de Jésus et de Pierre, son apôtre et premier évêque et martyr à Rome.)