Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, comme les foules s'amassaient, Jésus se mit à dire : « Cette génération est une génération mauvaise : elle cherche un signe, mais en fait de signe il ne lui sera donné que le signe de Jonas. Car Jonas a été un signe pour les habitants de Ninive ; il en sera de même avec le Fils de l'homme pour cette génération. Lors du Jugement, la reine de Saba se dressera en même temps que les hommes de cette génération, et elle les condamnera. En effet, elle est venue des extrémités de la terre pour écouter la sagesse de Salomon, et il y a ici bien plus que Salomon. Lors du Jugement, les habitants de Ninive se lèveront en même temps que cette génération, et ils la condamneront ; en effet, ils se sont convertis en réponse à la proclamation faite par Jonas, et il y a ici bien plus que Jonas. » (Lc 11, 29-32)

Voir avec un cœur pur

Les racines de l'œil sont dans le cœur, dans cette prise de position la plus intérieure qui s'accomplit au centre le plus personnel de l'homme vis-à-vis d'une autre personne, vis-à-vis de l'existence comme tout. En dernier ressort, c'est à partir du cœur que l'œil voit. C'est à quoi pensait saint Augustin quand il disait que seul l'amour est capable de voir. Le « cœur pur », c'est le cœur qui aime droitement. Cet amour ne commence pas par le désir mais par le respect. Son premier acte n'est pas un mouvement vers, mais un mouvement de recul. Il renonce à faire de l'aimé une pièce de son univers, il reconnaît le champ de son existence propre et se montre prêt à le recevoir pour ce qu'il est en lui-même. Il faut au moins le commencement de ce mouvement pour que l'œil soit capable de voir l'autre. Le destin d'un homme peut très bien croiser le mien chaque jour, si je ne lui reconnais pas le droit à une existence autonome, je ne le vois pas. Les choses les plus effrayantes peuvent se passer sous mes yeux, je reste aveugle. Il en va de même et d'une manière plus décisive encore pour la connaissance de Dieu. Dans le regard que l'on accorde aux choses de ce monde, on peut voir qu'elles sont créées : le fait de la création apparaît à la manière même dont elles existent. Et cependant l'homme peut ne pas le voir si son cœur n'est pas pur, n'est pas prêt à l'amour et à l'obéissance.

Romano Guardini

Romano Guardini († 1968), théologien allemand, a marqué de son empreinte exceptionnelle tous les courants théologiques du xxe siècle, préparant le concile Vatican II. Il a considérablement influencé la pensée de Benoît XVI. / Les Sens et la Connaissance de Dieu, Paris, Cerf, 1954, p. 50-51.

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