Débuts difficiles (1)
Publié en août 1864 dans la revue Le Très-Saint Sacrement, 1re année (1864-1865), n° 2 p. 60-68.
« C'est grâce à l'Œuvre de la Première communion des adultes que le P. Eymard avait obtenu le 13 mai 1856 l'approbation de sa Société, lors de son entrevue avec Mgr M.-D. Sibour, archevêque de Paris. Dès le début, il chercha à créer cette œuvre. Mais c'est à partir d'avril 1858, où il installe sa communauté au 68 rue du Faubourg Saint-Jacques, qu'il va la développer avec l'aide de laïcs. Le récit savoureux qu'il fait des débuts de l'œuvre et de sa croissance met en relief la situation des “enfants pauvres de Paris” confrontés aux dures conditions de travail de l'époque et l'abandon religieux de “ce Paris de la misère et de l'indifférence”. – “Paris a son côté de missions étrangères”, note-t-il avec beaucoup d'à-propos. »
Débuts difficiles (1)
L'établissement de cette belle œuvre eut bien ses difficultés. On commença d'abord par un très petit nombre, et pendant deux ans l'œuvre languit. Enfin on pensa qu'une visite dans les fabriques et les différents ateliers des barrières de Fontainebleau, de la Maison-Blanche, du Petit-Montrouge et de Plaisance, ainsi que parmi les chiffonniers du quartier Mouffetard, amènerait de bons résultats.
En effet, une trentaine de jeunes ouvriers donnèrent leurs noms et promirent de venir au catéchisme de la rue du Faubourg Saint-Jacques, 68.
L'heure du rendez-vous arrive, le Père les attend encore ; l'heure passe, il est toujours seul. Ces petits sauvages s'étaient cependant réunis dans la rue ; mais personne n'osait entrer. Le Père va droit à eux ; il leur parle avec douceur, il les encourage, il les décide enfin à entrer dans la salle.
Là, ce fut un curieux et risible spectacle : ils le regardent comme s'ils n'avaient jamais vu de prêtre ; quelques-uns même commencent à plaisanter. Le Père, se mettant au milieu d'eux, leur dit quelle est sa joie de les voir, combien il sera heureux de les préparer à une bonne première communion. Il n'a pas achevé que les plus grands se mettent à rire aux éclats et s'enfuient. Les autres, soit par influence, respect humain ou peur, se sauvent aussi à toutes jambes en criant et en regardant si on les poursuit.
Le religieux reste donc seul. Que faire ? En demeurer là, l'œuvre est perdue ; les attendre, ils ne reviendront pas. Il se jette à genoux, se recommande à Dieu et à la très sainte Vierge, et sort. Il veut rejoindre les premiers groupes, mais à mesure qu'il s'approche, on s'éloigne. Il atteint cependant quelques-uns des plus jeunes. “Venez, mes enfants, leur dit-il, je ne veux pas vous faire du mal ; je veux vous donner une jolie médaille, et faire connaissance avec vous. Vous verrez que vous serez contents.”
Ils rentrent. Les autres reviennent à pas de loup, le long des murs, pour voir, à travers le portail, ce qui arriverait. Le prêtre les y attendait. Il les invite à reprendre leurs places, et les voilà tous de nouveau réunis.
S. Pierre-Julien Eymard (PG 243,3a)
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Image : Cases de la BD de 1982, Éditions Univers Media :
Pierre-Julien Eymard — quand l'Eucharistie devient vie.
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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6