Jour 7 - Samedi Saint

Chaque jour, depuis l'entrée de Jésus dans sa Passion jusqu'à l'apparition du Ressuscité aux disciples Emmaüs, l'église Saint-Ignace vous propose de prendre un temps d'écoute, de prière et de silence avec l'évangile. Quelques jésuites ouvriront l'office en chantant une hymne liturgique, puis nous proclamerons l'évangile du jour. Nous proposons ensuite une courte homélie, et ensuite quelques « points de prière » à la manière des Exercices spirituels de Saint Ignace. Ces points guideront votre prière personnelle. Consacrez-y le temps qui conviendra, dix minutes, une demi-heure ; suffisamment pour que l'Esprit ait le temps de faire son travail dans vos cœurs. 


En ce septième jour de la retraite, il n'y a pas d'évangile. En effet le Samedi Saint est, selon la Tradition, "vide" liturgiquement. Jésus est mort, il descend aux enfers. "Dieu est mort", c'est ce silence de Dieu que les pères Miguel Roland-Gosselin sj et Michel Fédou sj nous invitent à méditer :


Vous pouvez retrouver ci-dessous les différents éléments de la vidéo, en format écrit et audio :   

Pour introduire à la prière


Hymne - POUR INVENTER D'AUTRES ESPACES

Parole : D. Rimaud — CNPL

Pour inventer d'autres espaces
Où se relèveront les corps,
Il étendit les bras :
Tout homme est libéré,
Le mur s'est écroulé
Où l'on avait gravé
Que Dieu est mort !
Pourquoi vous désoler encor ?
Depuis le jour du sang versé,
Vous savez bien que tout est grâce.

Pour vous tenir hors des impasses
Et vous guider aux lieux déserts,
Il étendit les bras :
Les flots se sont dressés,
Son peuple a traversé
Au merveilleux sentier
Qu'il a rouvert.
Pourquoi ne pas franchir la mer ?
Depuis le jour du sang versé,
Vous savez bien que tout est grâce.

Pour embrasser toutes les races
Dans sa bénédiction de feu,
Il étendit les bras :
Le monde est attiré
Au centre du foyer
Où l'on peut voir brûler
Le cœur de Dieu.
Pourquoi ne pas lever les yeux ?
Depuis le jour du sang versé,
Vous savez bien que tout est grâce.

Pour vous garder près de sa face
Et vous transfigurer d'Esprit,
Il étendit les bras :
Le voile est déchiré,
Le livre, descellé,
Qui retenaient caché
Le Dieu de vie.
Pourquoi ne pas courir à lui ?
Depuis le jour du sang versé,
Vous savez bien que tout est grâce.


Arcabas, Descente de Croix


Commentaire


Mystère terrible du Samedi saint : Jésus, Dieu né de Dieu, « est descendu aux enfers ». Stricto sensu, dire que Jésus « est descendu aux enfers », dans le shêol des Hébreux, cela signifie qu'il a été englouti dans la profondeur de la mort, qu'il est réellement mort et a participé à l'abîme de notre destin de mort. Terrible mystère du silence de Dieu. Dieu absent.

Encore pouvions-nous, la veille, porter nos regards sur le Crucifié. Mais aujourd'hui, plus rien. La lourde pierre du sépulcre s'est refermée sur le cadavre d'un supplicié, aucun Dieu n'a sauvé ce Jésus qui prétendait être son Fils. Les prudents peuvent se tranquilliser : s'ils avaient craint un instant d'être ébranlés par la vigueur de l'évangile, les voilà rassurés ; l'affaire est terminée.

Samedi saint : c'en est fini du Dieu vivant. Dieu est mort et enterré.


N'est-ce pas d'ailleurs, et de façon impressionnante, ce que vit notre époque ? Notre siècle ne devient-il pas un grand Samedi saint, quand on nous dit que Dieu est mort, quand le cœur des disciples s'affole devant un vide effrayant et que, remplis de honte et d'angoisse, ils se retirent en silence ? Ne sommes-nous pas à ce jour où s'éloignent tant de disciples d'Emmaüs, sombres et désemparés ? Oui, ce mystère est bien celui de notre époque : Dieu semble se cacher aujourd'hui, absent de ce monde qui lui appartient et qui devrait, en mille langues, chanter sa gloire et annoncer son nom. L'abîme de silence est devenu une réalité écrasante.


« Dieu est mort, et nous l'avons tué. » Ainsi parle la sagesse du temps. Mais sait-il, notre temps, que ces mots-là qu'il prononce constituent précisément, de façon presque littérale, ce qu'affirme la tradition chrétienne ? N'est-ce pas là ce que répètent tous les ans nos chemins de croix, avec des mots d'une sombre gravité ?

Oui, « Dieu est mort et nous l'avons tué ». Il est mort en Jésus Christ, et le drame n'est pas fini. Nous-mêmes qui sommes chrétiens connaissons mille façons de le tuer encore, quand nous l'enfermons dans l'enveloppe usée des pensées habituelles, quand nous l'exi­lons dans une piété qui se perd en phrases toutes faites. Nous tuons Dieu de bien d'autres façons, par l'ambiguïté de notre vie qui étend sur lui un voile d'obscurité. Nous le mettons à mort par notre péché. Qu'est-ce qui porte atteinte au Dieu vivant, sinon d'abord le manque de foi et d'amour de ceux qui croient en lui ? Si en effet notre siècle devient un Samedi saint, alors cette obscurité divine parle à notre conscience de chrétiens.


Pourtant, ce drame n'est-il qu'angoisse et désolation ? Le Samedi saint n'est-il pas aussi une « Bonne nouvelle », une heureuse page d'évangile ? Ne porte-t-il pas sa consolation ? Dieu se fait solidaire de notre condition humaine jusqu'à partager les affres de notre mort. Voilà une vérité qui nous découvre un abîme d'éblouissements pour le cœur et pour l'intel­ligence. Le mystère le plus obscur de la foi devient le signe que notre espérance n'aura plus de limites. Dieu n'est plus celui que nous imaginions. Il nous faut supporter l'épreuve du silence de Dieu pour accéder à une expérience toute nouvelle de son immense grandeur et de notre infinie petitesse. Dieu meurt en Jésus-Christ, mais c'est pour vivre en nous. Dieu nous rejoint et nous accompagne dans notre mort, afin qu'elle devienne un mystère de ger­mination, une ouverture à la vie. « Si le grain tombé en terre ne meurt pas… » (Jn 12,24)


Qu'était donc la mort, avant que Jésus ne vienne la visiter ? Elle était « enfer », précisé­ment, autrement dit affreuse solitude. La mort, pensée en dehors du mystère de Jésus, est séparation d'avec le pays des vivants, rien d'autre que solitude glaciale, ténèbre impéné­trable. Or Celui qui est la vie s'est fait le compagnon de notre solitude ultime. Le Crucifié criait : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? », et il a consenti à cet aban­don jusqu'à partager la solitude de la mort. Aurons-nous peur désormais de la mort, puisqu'Il est venu l'habiter ?

Voyez un enfant qui s'aventurerait seul dans la nuit noire au fond d'un bois : nous pour­rions lui expliquer cent fois que le sentier est sans danger, l'enfant aurait encore peur. Il ne redoute pas quelque chose de précis, mais il expérimente l'insécurité, la condition d'orphe­lin, le caractère sinistre de l'existence en soi. Seule une voix humaine pourrait le consoler ; seule la main d'un proche pourrait chasser l'angoisse. Il existe une angoisse – la vraie, celle qui est nichée dans la profondeur de nos solitudes – qui ne peut être surmontée que par la présence d'une personne qui nous aime. Lorsqu'on se trouve devant une solitude telle qu'elle ne peut plus être atteinte par la parole transforma­trice de l'amour, alors nous parlons de l'enfer.

Le Christ « est descendu aux enfers ». L'amour a pénétré dans la région de la mort, dans le no man's land de la solitude insurmontable de l'homme. La voilà surmontée désormais. L'amour s'est rendu présent à la mort même, la vie a pénétré la mort. « À tes fidèles, ô Seigneur – dit l'Eglise dans la liturgie funèbre, la vie n'est pas enlevée, elle est transformée. »


En définitive, le travail du Christ dans la mort, la portée de ce séjour dans les profondeurs de la solitude pour y être la présence de l'amour, ce grand mystère du Samedi saint, quand y accèderons-nous ? Au dernier jour. Pour chacun de nous viendra un jour cette heure d'ex­trême solitude. Alors, tout étonnés et émerveillés, nous découvrirons l'amour. Et dès-à-présent, au milieu de notre protestation contre l'obscurité de la mort de Dieu, nous laissons poindre un commencement d'action de grâce pour la lumière qui vient, qui vient précisé­ment de cette obscurité.

Miguel Roland-Gosselin, s.j., d'après J. Ratzinger

 (Cf. http://benoit-et-moi.fr/2015-I/benoit-xvi/langoisse-dune-absence.html.)


Points pour la prière


Nous proposons maintenant quelques points pour une prière de Samedi saint. Je me mets en présence de Dieu. Je rejoins mentalement le tombeau de Jésus, un « tombeau neuf » dans un jardin. Je formule une demande de grâce. Elle pourrait être par exemple : « Seigneur Jésus, toi qui as traversé et vaincu la mort, aide-moi à vivre avec force et courage dans les difficultés ». Peut-être aurai-je une autre idée de grâce à demander.

Et voici trois points pour prier ; tel ou tel peut me convenir davantage.

1. « C'est là qu'ils déposèrent Jésus », dit l'Évangile (Jn 19,42). J'imagine la scène : tout le monde se retire, le tombeau est enveloppé de silence. Je partage les sentiments de ceux qui restent seuls : les femmes, les disciples, Joseph d'Arimathie qui a offert sa propre tombe… Et je vois l'humanité qui continue son existence bruyante et agitée, tandis que Jésus repose. Sensible à ce contraste, je me tais et je réfléchis.

2. « Il descendit aux enfers », dit le Credo. Je me laisse habiter par ce mystère du Christ au tombeau. J'imagine le travail qu'opère le Christ dans les profondeurs de la mort, sa visite à tous les hommes de tous les temps, ceux d'hier, ceux de demain. Il les rejoint dans leur solitude, chacun dans le fond de son propre mystère. Je médite.

3. « Même aux morts la bonne nouvelle a été annoncée », dit encore saint Pierre dans une épître (1 P 4, 6). En ce Samedi saint, je peux me rappeler les personnes que j'ai connues, proches ou moins proches, qui sont aujourd'hui en Dieu. Je les confie à la bonté du Christ, à sa justice, à son amour. Et pourquoi n'aurais-je pas une pensée aussi pour le mystère de ma propre mort, qui viendra en son temps ? Regarder en face cette perspective, et réfléchir.

Pour terminer ma prière, je peux prier soit avec le Je vous salue Marie, soit avec cette vieille prière qui est de circonstance :

« Âme du Christ, sanctifie-moi,
Corps du Christ, sauve-moi
Sang du Christ, enivre-moi.
Eau du côté du Christ, lave-moi.

Passion du Christ, fortifie-moi.
Ô bon Jésus, exauce-moi.
Dans tes blessures, cache-moi.
Ne permets pas que je sois séparé de toi. »

 Père Michel Fédou sj



 

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Prière de la communauté

Prends Seigneur et reçois (Saint Ignace de Loyola)

“Prends Seigneur, et reçois toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté. Tout ce que j'ai et tout ce que je possède. C'est toi qui m'as tout donné, à toi, Seigneur, je le rends. Tout est à toi, disposes-en selon ton entière volonté. Donne-moi seulement de t'aimer et donne-moi ta grâce, elle seule me suffit.”

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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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