Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu'il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C'est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n'auras pas de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n'a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c'est pourquoi il disait : « Vous n'êtes pas tous purs. » Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m'appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. (Jean 13, 6-15)

Deux Eglises, deux rites différents

Les églises catholiques syro-malabare et syro-malankare célèbrent les offices selon le rite syriaque mais sous des formes différentes. Le syriaque est une langue de la famille de l'araméen. Il s'est diffusé sur une partie des territoires actuels de la Syrie et de l'Irak, où il est encore utilisé quotidiennement par quelques minorités. Son usage reste toutefois aujourd'hui principalement liturgique. La distinction entre les formes orientales et occidentales de la langue syriaque remonte au temps des querelles christologiques, où deux courants vont notamment émerger : les monophysites et les nestoriens. Les Eglises syriaques orientales décident en partie adopter le nestorianisme, tandis que les Eglises syriaques occidentales choisissent majoritairement d'adopter la doctrine monophysite. De cette séparation, le syriaque classique va se scinder en deux : oriental et occidental.

Latinisée sous l'impulsion de l'union avec Rome, l'Eglise syro-malabare célèbre toutefois sa liturgie selon le rite syriaque oriental. La particularité de cette liturgie réside dans l'usage d'anaphores (prières eucharistiques) héritées des églises nestoriennes mais corrigées pour être en conformité avec l'enseignement de l'Eglise romaine.

L'Eglise catholique syro-malankare quant à elle officie selon le rite syriaque occidental du fait de sa séparation d'avec l'Eglise syro-malankare orthodoxe, dont elle a gardé cette tradition occidentale en vigueur depuis le XVIIe siècle. Aussi appelé « rite antiochien », il utilise principalement l'anaphore de Saint Jacques.

Qui sont les chrétiens orientaux en Inde ?

Principalement situées au Kérala, région du sud du pays, l'Eglise syro-malabare et l'Eglise syro-malankare connaissent deux histoires différentes. Toutefois les racines de ces communautés chrétiennes dites « de Saint Thomas » sont communes. Une première évangélisation se diffuse par le littoral méridional du continent (Malabar). L'Eglise de Malabar voit alors rapidement le jour et partage son histoire avec les autres églises orientales, unions comme schismes. Avec l'arrivée des colons portugais, une partie du clergé du Kérala accepte en 1599 de rejoindre Rome et fonde l'Eglise catholique syro-malabare, qui dénombre à ce jour environ 3,5 millions de fidèles. Le chef de l'Eglise syro-malabare est appelé « archevêque majeur d'Ernakulam-Angamaly des Syro-Malabares », place occupée aujourd'hui par SB le cardinal George Alencherry.

L'Eglise catholique syro-malankare quant à elle ne voit le jour qu'en 1930, avec le rattachement à l'Eglise Catholique d'un archevêque orthodoxe. Pour préserver l'unicité des liturgies orientales indiennes, le Vatican décide alors de consacrer l'existence d'une deuxième communauté catholique orientale en Inde. Elle compte aujourd'hui environ 300.000 fidèles. Le chef de l'Eglise syro-malankare porte le titre de « Catholicos-Archevêque majeur de Trivandrum des Syro-Malankares », représenté depuis 2007 par SB le cardinal Baselios Cleemis.

"Il les aima jusqu'au bout"

L'épisode du lavement des pieds dans l'Evangile peut nous paraître en décalage avec celui de l'institution de l'Eucharistie qu'il précède. Pour autant, ce geste qui avait tout son sens dans la vie quotidienne de l'époque en Orient est complémentaire de la Sainte Cène. Le Christ, maître et Seigneur, se fait serviteur. La réaction de Pierre est ici aussi une réaction d'incompréhension, de refus. Il nous représente une fois de plus, tant il est difficile de percer le mystère de l'abaissement de Jésus. C'est le mystère du sacerdoce, qui est traditionnellement fêté le Jeudi Saint, en ce sens qu'il met en lumière l'importance de l'humilité et du service des autres. Nombreux sont les saints et bienheureux qui portent ce témoignage, à l'instar d'Augustin Thevarparampil, prêtre catholique syro-malabar, qui a passé sa vie à s'occuper des « intouchables » en Inde. Mettant en pratique l'évangile, il s'est fait serviteur de ceux dont personne ne s'occupe. Dans son testament, il écrit « Depuis près de 50 ans, je vis aux côtés des chrétiens intouchables. J'ai désiré être à leur service jusqu'à maintenant, et même après ma mort, je désire être avec eux. »

En ce Jeudi Saint, prions pour les vocations et les prêtres des communautés d'Orient. Malgré la maladie et le confinement, que leurs œuvres au service des plus petits soient fécondes.

Dans cette marche vers Pâques, par la prière et la rencontre, nous rendons grâce pour ce que notre Église doit à l'Orient : les premières évangélisations, la tradition monastique, les Pères de l'Église... et leur témoignage qui revivifie notre foi.