La parabole des cent brebis se trouve aussi dans l’évangile de Luc (Luc 15), mais dans un autre contexte, celui du pardon de Dieu : Jésus est venu “chercher et sauver ce qui était perdu” (Luc 19.10). Matthieu, lui, rapporte cette parabole dans le cadre d’un “discours” sur l’Église. Il reprend cette comparaison de Jésus pour nous montrer le souci particulier que la communauté et ses responsables doivent avoir pour les plus humbles et les plus éprouvés. Comme pour le Père des Cieux, chacun des membres de la communauté est unique et doit être aimé et soutenu comme tel : comment le Père, comment la communauté, pourraient-ils accepter qu’un seul des plus petits de ses membres se perde ?
v 18.12
La parabole qu’on lit ici est la même que Luc rapporte en 15.3, avec cette différence qu’ici la brebis n’est pas perdue mais égarée. La parabole nous parle, non des pécheurs, mais des petits égarés dans les ambiguïtés de ce monde (24.4 ; 24.11) et Jésus veut les rassembler. Il faut donc les chercher au lieu de les mépriser. L’Église risque constamment d’oublier tous les petits qui ne viennent pas à elle ou d’attendre qu’ils fassent le premier pas.
On ne veut pas (14). Cette forme impersonnelle est un moyen de ne pas nommer Dieu directement.
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Dieu est amour (1Jean 4.8), et dans son amour infini, il créa l’homme à son image et l’adopta pour fils. Saint Jean écrit dans sa lettre : Voyez quel amour nous a donné le Père : nous sommes appelés enfants de Dieu et nous le sommes (1Jean 3.1). Saint Paul affirme que nous avons reçu un esprit de fils, c’est lui qui nous pousse à l’appeler Abba, Père (Romains 8.14). Mais de son côté, l’homme a tendance à s’esquiver de la paternité divine pour se tourner vers les créatures. Ce qui s’est passé dès le commencement se répète continuellement au cours de l’histoire : après avoir péché, Adam et Ève se cachèrent de Dieu parmi les arbres du jardin. Mais, dans son amour miséricordieux, Dieu alla à la rencontre de l’homme comme le berger à la recherche de la brebis égarée (Matthieu 18.12-14).
L’amour de Dieu est sans exclusion, embrasse tous les hommes, mais en premier lieu les pauvres et les petits. Jésus l’a rappelé en conclusion de la parabole de la brebis perdue : Ainsi, on ne veut pas chez notre Père qui est aux cieux, qu’un seul de ces petits ne se perde (Matthieu 18.14).
Le Christ qui s’était fait pauvre, a voulu s’identifier à tout pauvre. Au jugement dernier, il dira aux justes : Tout ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait (Matthieu 25.40).
On est pauvre, quand on manque de biens matériels, mais on l’est également quand on a faim de Dieu, quand on a soif de sa Parole, qui est la source de la vie spirituelle, comme l’a dit le Pape Jean Paul II : « Il existe une autre pauvreté, tout aussi grave ; elle consiste dans le manque non de moyens matériels, mais de nourriture spirituelle, de réponses aux questions essentielles d’espérance pour l’existence. Cette pauvreté qui affecte l’esprit, provoque de très vives souffrances. Nous avons sous les yeux les conséquences souvent tragiques d’une existence vidée de son sens... La réponse à cette pauvreté, nous dit encore le Pape, c’est l’annonce traduite par des actes, de l’Évangile qui sauve, parce qu’il répand amour et miséricorde de Dieu. C’est en dernière analyse, la faim de Dieu qui dévore l’homme. Dans cette œuvre d’évangélisation, comme disciples de Jésus, nous devons laisser la priorité aux pauvres “harassés et prostrés comme des brebis qui n’ont pas de berger”, porter notre attention sur tout ce qui menace, affaiblit, diminue et détruit la vie matérielle et spirituelle des individus, des groupes et des peuples. Tout comme Jésus, en son temps, s’opposa aux forces du péché et de la servitude, l’Église d’aujourd’hui a pour tâche de lutter en permanence contre tout ce qui asservit l’homme ».
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Saint Bernard (1091-1153), moine cistercien et docteur de l'Église
Sermon 1 pour l'Avent, 7-8 (trad. Orval)
« Votre Père qui est aux cieux ne veut pas qu'un seul de des petits soit perdu »
« Voici que le nom du Seigneur vient de loin » dit le prophète (Is 30,27). Qui pourrait en douter ? Il fallait à l'origine quelque chose de grand pour que la majesté de Dieu daigne descendre de si loin en un séjour si indigne d'elle. Oui, effectivement, il y avait là quelque chose de grand : sa grande miséricorde, son immense compassion, sa charité abondante. En effet, dans quel but croyons-nous que le Christ est venu ? Nous le trouverons sans peine puisque ses propres paroles et ses propres œuvres nous dévoilent clairement la raison de sa venue. Il est venu en toute hâte des montagnes pour chercher la centième brebis égarée.
Il est venu à cause de nous pour que les miséricordes du Seigneur apparaissent avec plus d'évidence, ainsi que ses merveilles à l'égard des enfants des hommes (Ps 106,8). Admirable condescendance de Dieu qui nous cherche, et grande dignité de l'homme ainsi recherché ! Si celui-ci veut s'en glorifier, il peut le faire sans folie, non que de lui-même il puisse être quelque chose, mais parce que celui qui l'a créé l'a fait si grand. En effet, toutes les richesses, toute la gloire de ce monde et tout ce qu'on peut y désirer, tout cela est peu de chose et même n'est rien en comparaison de cette gloire-là. « Qu'est-ce donc que l'homme, Seigneur, pour en faire si grand cas, pour fixer sur lui ton attention ? » (Jb 7,17)
Union de prières en Marie, Mère Céleste du Carmel