Voyages vers les sommets (Introduction)

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La vie de saint Jean de la Croix (1542-1591)


Juan de Yepes naît en 1542 en Castille dans une famille de pauvres tisserands. Après la mort du père de Jean, la famille s'installe à Medina del Campo pour sortir de la misère. Jean y entre chez les carmes à l'âge de 21 ans sous le nom de frère Jean de Saint-Matthias. Il fait ensuite ses études de théologie à Salamanque où il est ordonné prêtre en 1567. De retour à Medina del Campo, il y rencontre Thérèse de Jésus qui vient d'y fonder un deuxième monastère de carmélites déchaussées après celui d'Ávila. En ce jeune religieux habité d'un grand désir spirituel, elle reconnaît l'homme providentiel que le Seigneur lui associe afin de susciter dans la branche masculine du Carmel un renouveau analogue à celui qu'elle a initié parmi les carmélites. C'est ainsi que, le 28 novembre 1568, à Duruelo, Jean et quelques compagnons fondent le premier couvent de carmes déchaux. Il se nomme dorénavant frère Jean de la Croix.

En 1572, Thérèse appelle Jean à Ávila comme confesseur des carmélites de l'Incarnation. Malheureusement, une opposition violente se fait jour et se déchaîne contre la Mère Thérèse et son œuvre. Dans ce contexte difficile, Jean est enlevé et séquestré pendant neuf mois au couvent des carmes de Tolède, dans des conditions terribles. Pourtant ce moment d'abandon est pour lui le creuset d'une expérience mystique qui devient source : alors qu'il est dépouillé de tout, Jean expérimente que le Christ crucifié et ressuscité devient son tout. En août 1578, il parvient à s'évader. Rapidement, il gagne l'Andalousie, où il vit dix années fécondes en missions, apostolat et écriture spirituelle.

 A 46 ans, Jean est envoyé à Ségovie avec de hautes responsabilités. Mais des rivalités émergent dans le Carmel déchaussé et il est dépouillé de toute charge. Jean demande à se retirer dans la solitude. Une infection l'emporte en quelques mois. A Ubeda, le 14 décembre 1591, il quitte ce monde. Canonisé en 1726, il est déclaré Docteur de l'Église en 1926. Ce grand poète a écrit quatre traités : le Cantique Spirituel, la Montée du Mont Carmel, la Nuit Obscure et la Vive Flamme d'Amour. Le « Docteur mystique » enseigne comment nous laisser embraser du feu de l'Esprit Saint pour participer de la vie divine ; il nous guide à travers nos nuits jusqu'à l'union d'amour de la Trinité.


La dynamique de la retraite : Vers l'union avec Dieu


 Jean de la Croix va nous aider pendant ce carême à nous recentrer sur l'essentiel. Car au fond, il n'y a qu'une chose essentielle : comprendre le but de notre vie et comment l'atteindre. Pour un chrétien, ce but devrait être clair : nous unir à Dieu, d'où nous venons et vers qui nous allons. Nous sommes créés par Dieu et destinés à partager la vie d'amour qui circule entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Mais ce but n'est pas à situer au-delà de notre mort, comme si notre vie n'avait que peu de rapport avec la vie éternelle. Jean de la Croix nous dit que l'union avec Dieu, c'est pour maintenant. Il décrit même ce que peut être cette expérience : « L'âme est devenue Dieu par participation de Dieu. » (Vive Flamme B 2,34) Le bonheur de cette intimité divine est un don déjà offert. Pourquoi donc s'en priver ?

Mais comment s'y prendre pour parvenir à ce « mariage spirituel », à cette union de notre volonté avec celle du Seigneur, à la sainteté ? Comment devient-on saint ? C'est là que Jean de la Croix fait un constat douloureux : il est bouleversé par « l'extrême nécessité où se trouve un grand nombre d'âmes1 [1] Quand Jean de la Croix parle d'âme, comme ici, ce n'est pas pour la distinguer du corps mais pour considérer la personne dans sa dimension spirituelle. L'âme, c'est le croyant dans sa relation avec Dieu.]

Elles ont commencé à marcher sur le chemin de la vertu, mais quand Notre-Seigneur cherche à les mettre dans cette nuit obscure pour les amener à l'union divine, elles ne font pas un pas de plus, soit parce qu'elles ne veulent pas entrer dans cette nuit ni s'y laisser conduire, soit parce qu'elles ne comprennent pas ce qui leur arrive et manquent de guides expérimentés, capables de les mener jusqu'au sommet. » (Montée du Mont Carmel Prologue 3) 2  [2]Pour les traductions des œuvres de Jean de la Croix, nous utiliserons principalement la plus récente initiée par notre frère J.-P. Thibaut, ocd, et des sœurs de la Pommeraye et publiées au Cerf en volumes séparés.


Nous avançons peu dans notre chemin de sainteté car nous ne laissons pas vraiment le Seigneur agir dans notre vie. Et en plus, nous manquons de ces « guides expérimentés, capables de [nous] mener jusqu'au sommet. » Voilà pourquoi Jean de la Croix écrit La Montée du Mont Carmel qui sera notre principal ouvrage de carême. Il va nous aider à mieux comprendre comment laisser Dieu agir dans nos vies. Nous qui vivons tellement à l'extérieur de nous-mêmes, nous avons besoin de fermer les yeux pour voir notre « Père qui voit dans le secret » et qui œuvre secrètement dans le fond de notre cœur : seule la foi discerne cette secrète présence intérieure. En ce carême, faisons donc d'abord attention à notre vie intérieure pour la prière, le jeûne et le service. Que tout soit recentré à partir de notre cœur, de nos intentions profondes.

Ce n'est qu'à partir de là que nous pourrons vivre une vraie réconciliation avec Dieu et avec nous-mêmes. Faisons attention aux fameux ‘efforts de carême' parfois plus centrés sur l'image de nous-même (me prouver que je peux y arriver) que sur la recherche de Dieu. Choisissons peut-être de faire moins de choses mais de le faire avec un engagement profond et déterminé. Jean de la Croix nous invite à une « heureuse aventure ». Nous partons pour une marche en montagne. Il est temps de quitter nos spiritualités de canapé et de prendre celle des crampons (cf. Pape François, Homélie finale des JMJ 2016 à Cracovie) ! Que mettre dans notre sac à dos pour ce voyage vers l'inconnu ? L'important, nous dit Jean, est d'avoir « d'ardents désirs » et d'être embrasé et blessé d'amour pour le Seigneur. Ce n'est que dans cet amour fort que nous puiserons « courage et constance pour rejeter facilement tout le reste » (I MC 14, 2) et ne pas nous perdre en chemin. Tout l'enjeu est donc dans le mouvement, dans cette dynamique amoureuse qui nous fait sortir de nous-même, en pleine nuit, pour une aventure fabuleuse avec le Christ. Demandons donc la grâce que l'Esprit Saint vienne renouveler nos cœurs et réveiller en nous l'amour de Dieu. Seul ce puissant amour peut nous donner l'impulsion de départ pour nous élancer en avant.


Pour nous aider à réveiller l'amour, Jean de la Croix place au début de la Montée du Carmel le poème Dans une nuit obscure dont ce livre est un essai de commentaire :

Cantique où l'âme chante l'heureuse aventure qu'elle a eue de traverser l'obscure nuit de la foi, par le dénuement et la purification, jusqu'à l'union avec le Bien-aimé.

 
 

I. Dans une nuit obscure,
D'ardents désirs embrasée,
Oh! l'heureuse aventure!
Je sortis sans être remarquée,
Ma maison étant apaisée.

II. À l'obscur et très sûre,
Par l'échelle secrète, déguisée,
Oh! l'heureuse aventure!
À l'obscur et cachée,
Ma maison étant apaisée.

III. En cette nuit bienheureuse,
En secret, car nul ne me voyait,
Ni moi, rien je ne regardais 
Sans autre lumière pour guide
Que celle qui en mon cœur brûlait.


IV. Celle-ci me guidait,
Plus sûre que celle de midi,
Là où m'attendait
Celui que, moi, je connaissais,
En un lieu où nul ne paraissait.

 V. O nuit qui m'as guidée,
O nuit plus aimable que l'aurore,
O nuit qui as uni
Le Bien-Aimé avec l'aimée,
L'aimée en son Bien-Aimé transformée !
 
VI. Sur mon cœur couvert de fleurs,
Qui se gardait, entier, pour lui seul,
Là, il resta endormi
Et moi, je le caressais,
de l'éventail des cèdres l'air venait.
 
VII. Le souffle qui venait du créneau,
Quand je lui caressais les cheveux,
De sa douce main
A mon cou me blessait,
Et tous mes sens saisissait.

 VIII. Je restai là, je m'oubliais,
Le visage penché sur le Bien-Aimé.
Tout cessa et je cédai,
Abandonnant mon souci,
Parmi les lis, oublié.


Au cours du carême, il sera bon de revenir régulièrement sur ce poème qui est un petit chef d'œuvre littéraire et mystique.

Le programme de la retraite 


Au long des semaines du carême, Jean de la Croix nous conduira sur des chemins étonnants pour nous préparer à vivre la grande nuit de Pâques où l'obscurité laisse place à la lumière divine :

  • 1ère semaine : l'obstacle en nous
  • 2ème semaine : Jésus seul
  • 3ème semaine : jusqu'au cœur
  • 4ème semaine : une marche de nuit
  • 5ème semaine : revivre
  • Semaine sainte : « le vrai spirituel »
  • Pâques : « en cette nuit bienheureuse »


Indications pratiques

Vous recevrez chaque dimanche de carême :

  • une méditation à partir de l'évangile du dimanche et de textes de Jean de la Croix
  • 3 pistes de mise en pratique

Du lundi au samedi, vous recevrez chaque jour : 

  • une image de méditation , 
  • une courte citation de l'évangile et de textes carmélitains, 
  • une piste de mise en pratique

           

Que l'Esprit Saint vous conduise au long de ce carême ; qu'il vous entraîne à la suite de Jésus vers les sommets du Carmel ! Bon carême en Église !

fr. Jean-Alexandre de l'Agneau, ocd (couvent d'Avon)


Prière de la communauté

poème de Jean de la Croix (une nuit obscure)

I. Dans une nuit obscure, D'ardents désirs embrasée, Oh ! l'heureuse aventure ! Je sortis sans être remarquée, Ma maison étant apaisée. II. À l'obscur et très sûre, Par l'échelle secrète, déguisée, Oh ! l'heureuse aventure ! À l'obscur et cachée, Ma maison étant apaisée. III. En cette nuit bienheureuse, En secret, car nul ne me voyait, Ni moi, rien je ne regardais Sans autre lumière pour guide Que celle qui en mon cœur brûlait. IV. Celle-ci me guidait, Plus sûre que celle de midi, Là où m'attendait Celui que, moi, je connaissais, En un lieu où nul ne paraissait. V. O nuit qui m'as guidée, O nuit plus aimable que l'aurore, O nuit qui as uni Le Bien-Aimé avec l'aimée, L'aimée en son Bien-Aimé transformée ! VI. Sur mon cœur couvert de fleurs, Qui se gardait, entier, pour lui seul, Là, il resta endormi Et moi, je le caressais, de l'éventail des cèdres l'air venait. VII. Le souffle qui venait du créneau, Quand je lui caressais les cheveux, De sa douce main A mon cou me blessait, Et tous mes sens saisissait. VIII. Je restai là, je m'oubliais, Le visage penché sur le Bien-Aimé. Tout cessa et je cédai, Abandonnant mon souci, Parmi les lis, oublié.

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16 commentaires

Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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Carême 2020 avec Saint Jean de la Croix

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