ALPHONSE RATISBONNE : "Tu t'es levé juif, tu te coucheras chrétien"

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Alphonse Ratisbonne

(1er mai 1814, Strasbourg 

6 mai 1884, Ein Kerem, Palestine)


Tel Saul, l'anti-chrétien acharné foudroyé sur la route de Damas par le Christ qui en fit l'apôtre Saint Paul, Alphonse Ratisbone, anti-chrétien lui aussi, sera foudroyé par la Vierge Marie, le conduisant au baptême, puis à la prêtrise et enfin jusqu'à Jérusalem où il sera le berger avisé de la Congrégation de Notre-Dame de Sion, celle qu'avait choisie... Sœur Emmanuelle !


Né à Strasbourg dans une famille juive aisée dont il est le neuvième et dernier enfant, Alphonse Ratisbonne est avocat, libre penseur, athée et épicurien.


Et surtout, il a les chrétiens en horreur, en particulier les catholiques, depuis qu'en 1825, alors âgé de 11 ans, il a assisté à la conversion surprise au catholicisme de son frère, Théodore, devenu prêtre et exerçant son ministère à Strasbourg même. Pour Alphonse, c'est la désolation : « Tout jeune que j'étais, cette conduite de mon frère me révolta, et je pris en haine son habit et son caractère. Élevé au milieu de jeunes chrétiens, indifférents comme moi, je n'avais éprouvé jusqu'alors ni sympathie ni antipathie pour le christianisme ; mais la conversion de mon frère, que je regardais comme une inexplicable folie, me fit croire au fanatisme des catholiques, et j'en eus horreur (…) son habit me repous­sait, sa présence m'offusquait ; sa parole grave et sérieuse excitait ma colère ».


Plus tard, sa haine devient presque phobie : « Je nourrissais une haine amère contre les prêtres, les églises, les couvents, et surtout contre les Jésuites, dont le nom seul provoquait ma fureur. »


Devenu orphelin de mère, puis de père, il hérite d'une importante fortune qu'il dépense sans compter, les plaisirs et les frivolités étant le centre de son monde  : « Je n'aimais que les plaisirs : les affaires m'impatientaient, l'air des bureaux m'étouffait ; je pensais qu'on était au monde pour en jouir ; et, bien qu'une certaine pudeur naturelle m'éloignât des plaisirs et des sociétés ignobles, je ne rêvais cependant que fêtes et jouissances, et je m'y livrais avec passion. »


Il se fiance à une jeune femme seulement âgée de 16 ans qui est la première à l'émouvoir en profondeur et à lui faire pressentir la dignité humaine et l'existence possible de Dieu.


Étant donné le jeune âge de sa fiancée, on l'éloigne provisoirement, aussi décide-t-il d'effectuer un long voyage de plusieurs mois en Orient. C'est tout d'abord l'Italie, et Rome, où il visite les édifices mais aussi le Ghetto, qui renforce son anti-catholicisme : « Quoi ! Est-ce donc là cette charité de Rome qu'on proclame si haut ! Je frissonnais d'horreur (…) Jamais de ma vie je n'avais été plus aigri contre le christianisme que depuis la vue du Ghetto. Je ne tarissais point en moqueries et en blasphèmes (…) ».


Heureuse "coïncidence", il  rencontre un ami de collège, Gustave de Bussières, qui lui propose de lui présenter son frère Théodore de Bussières car ce dernier a voyagé en Orient et pourra lui donner de précieuses informations à ce sujet. Alphonse Ratisbonne, dont le second prénom est Tobie, ne sait pas qu'il va rencontrer l'équivalent, en quelque sorte, de l'Ange Raphaël – qui a guidé Tobie  (Livre de Tobie 5, 04 - 7, 05) –  en la personne de ce Théodore de Bussières, fervent catholique et très marial, qui va le conduire aux pieds de la Vierge Marie.


Au cours de la conversation entre Alphonse Ratisbonne et Théodore de Bussières, le premier nommé ne rate aucune occasion pour faire preuve de toute la malveillance possible envers la foi catholique. M. de Bussières lui propose alors une sorte de défi : porter une médaille de la Vierge Miraculeuse de la rue du Bac, et dire matin et soir la prière de Saint Bernard*. Alphonse Ratisbonne accepte ce jeu étrange sans trop sourciller. Pendant plusieurs jours, les deux hommes se rencontrent à nouveau, sans qu'il ne se passe rien de particulier. De son côté, M. de Bussières a mis un ami, le comte de Laferronnays,  dans la confidence de sa tentative de conversion d'un juif et tous deux prient ardemment. Ils ne sont pas les seuls. Depuis sa conversion au catholicisme, le prêtre Théodore Ratisbonne, frère d'Alphonse, prie pour la conversion de son cadet. Sans compter les millions de personnes – laïcs ou religieux – qui prient pour la conversion des pécheurs, sans savoir sur quel inconnu à l'autre bout du monde ou au coin de la rue la grâce sera faite de rencontrer le Seigneur ou Notre-Dame.


Le comte de Laferronnays étant décédé subitement, Théodore de Bussières se rend en ami auprès de la famille de ce dernier. Une bataille morale débute dans sa conscience : il souhaite rester auprès de ses amis éprouvés par le deuil, mais il pense sans arrêt à Ratisbonne et pressent qu'il doit continuer à le rencontrer pour obtenir la conversion tant désirée. Un prêtre le rassure : qu'il quitte la famille en deuil et vole vers Ratisbonne puisqu'en cela il respectera le vœu de feu le comte de Laferronnays qui a ardemment prié pour cette conversion.


Pour les besoins des obsèques du comte de Laferronnays, Théodore de Bussières doit se rendre en l'église Saint-André delle Fratte. Contre toute attente, Alphonse Ratisbonne l'accompagne dans l'église puis le laisse poursuivre à l'intérieur de l'édifice, Théodore de Bussières devant rencontrer le prêtre au sujet des funérailles de Monsieur de Laferronnays.


Dix minutes plus tard, Théodore de Bussières a terminé et retourne dans l'église. Dans un premier temps, il ne voit pas Alphonse Ratisbonne et se demande sans doute où celui-ci a bien pu passer lorsqu'il l'aperçoit prosterné dans la chapelle Saint Michel, en larmes, comme en extase, le visage baigné de larmes, les mains jointes et visiblement bouleversé, transporté, transfiguré. Incapable de parler, Alphonse Ratisbonne est conduit hors de l'église par Théodore de Bussières . Il souhaite voir immédiatement un prêtre qui lui permettra d'expliquer ce qu'il s'est passé :

« J'étais depuis un instant dans l'église lorsque tout d'un coup, je me suis senti saisi d'un trouble inexprimable ; j'ai levé les yeux, tout l'édifice avait disparu à mes regards. Une seule chapelle avait pour ainsi dire concentré la lumière et au milieu de ce rayonnement parut, debout sur l'autel, grande, brillante, pleine de majesté et de douceur, la Vierge Marie, telle qu'elle est sur ma médaille ; elle m'a fait signe de la main de m'agenouiller, une force irrésistible m'a poussé vers elle…elle a semblé me dire : C'est bien ! Elle ne m'a point parlé, mais j'ai tout compris.

Je saisis la médaille que j'avais laissée sur ma poitrine ; je baisai avec effusion l'image de la Vierge rayonnante de grâce… Oh ! C'était bien elle ! Je ne savais où j'étais ; je ne savais si j'étais Alphonse ou un autre ; j'éprouvais un si total changement, que je me croyais un autre moi-même… Je cherchais à me retrouver et je ne me retrouvais pas… La joie la plus ardente éclata au fond de mon âme; je ne pus parler ; je ne voulus rien révéler ; je sentais en moi quelque chose de solennel et de sacré… Le bandeau tomba de mes yeux ; non pas un seul bandeau, mais toute la multitude de bandeaux qui m'avaient enveloppé disparurent successivement et rapidement, comme la neige et la boue et la glace sous l'action d'un brûlant soleil ».

 

Plaque commémorant l'apparition de la Vierge Marie à Alphonse Ratisbonne, église Saint-André delle Fratte, Rome

Onze jours plus tard, le 31 janvier 1842, Alphonse Ratisbonne est baptisé, il fait aussi le même jour sa première communion et reçoit la confirmation. Théodore de Bussières est son parrain.

Le 20 juin de la même année il devient Frère Marie de la Compagnie de Jésus, dans laquelle il sera ordonné prêtre en 1848. Après plusieurs nominations, à Brest notamment, il quitte les Jésuites et  rejoint son frère à Paris dans la Congrégation Notre-Dame de Sion que celui-ci a fondée en 1843, car il souhaite se consacrer à la conversion des juifs.


En 1855, c'est en Palestine qu'il emmène les religieux de Notre-Dame de Sion où il :

  • bâtira, en pleine vieille ville de Jérusalem, au-dessus du Lithostrotôs (« Pilate, ayant entendu ces paroles, s'assit sur son tribunal, au lieu appelé Lithostrotôs, et il le leur livra pour être crucifié.). (https://fr.wikipedia.org/wiki/Lithostr%C3%B4tos ), le couvent de l'Ecce Homo** pour les Sœurs de Sion.
  • fondera le monastère Saint-Pierre de Sion alias monastère Ratisbonne, à l'ouest de la vieille ville (a été repris en 2004 par les Salésiens de Saint-Jean-Bosco de Crémisan et le monastère devient le Studium Theologicum Salesianum (STS).
  • bâtira le monastère Saint-Jean à Ein Kerem
  • ouvrira l'orphelinat Saint-Pierre pour les garçons, près de la porte de Jaffa/vieille ville, et une école d'apprentissage pour les arts mécaniques de la ville (n'existe plus, à ma connaissance)


À Jérusalem comme dans les environs, il convertira de très nombreux juifs et musulmans au catholicisme.



Sœur Emmanuelle, célèbre, comme Mère Theresa, pour sa grande charité et son action envers les pauvres, s'est dévouée de nombreuses années pour les chiffonniers du Caire. Mais auparavant, le 6 mai 1929, elle était reçue comme postulante, sous le nom de Sœur Emmanuelle, dans la congrégation de Notre-Dame de Sion, créée en 1843 par les Frères Ratisbonne…

Pour en savoir plus sur Sœur Emmanuelle :

https://www.notrehistoireavecmarie.com/fr/esc/soeur-emmanuelle-religieuse-de-notre-dame-de-sion/

Pour faire un don déductible des impôts à l'association de Sœur Emmanuelle au bénéfice des enfants pauvres dans le monde : https://www.asmae.fr/


*Prière de Saint Bernard

« Souvenez-vous, Ô très pieuse Vierge Marie, qu'on n'a jamais ouï dire qu'aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre secours et demandé votre suffrage, ait été abandonné. Plein d'une pareille confiance, je viens, Ô vierge des Vierges, me jeter entre vos bras, et, gémissant sous le poids de mes péchés, je me prosterne à vos pieds. Ô Mère du Verbe, ne dédaignez pas mes prières, mais écoutez-les favorablement et daignez les exaucer. »



** Être hébergé à l'Ecce Homo pour votre pèlerinage en Terre Sainte

Je recommande l'Ecce Homo à toute personne désirant un hébergement de qualité lors d'un pèlerinage à Jérusalem : remarquablement bien situé sur la Via Dolorosa ; chambres confortables sans excès ; excellente restauration ; terrasses avec vue splendide sur la vieille ville et le Mont des Oliviers, le Saint Sépulcre… ; à deux pas de la porte de la porte des Lions/Saint Etienne ; magnifique église avec la croix en mosaïque la plus belle que j'aie jamais vue ; citerne souterraine et Lithostrotôs ; patio avec statue de Jésus couronné d'épine et habillé du manteau de pourpre très parlante, etc. )

http://www.eccehomopilgrimhouse.com/fr/

L'Ecce Homo abrite aussi, actuellement, la Communauté de Chemin Neuf, en sus de la congrégation de Notre-Dame de Sion.


Lire l'excellent article plus détaillé sur Alphonse de Ratisbonne publié par le site internet  mariedenazareth.com :

https://www.notrehistoireavecmarie.com/fr/esc/la-conversion-fulgurante-dalphonse-ratisbonne/


Lire le récit détaillé de la conversion d'Alphonse de Ratisbonne relaté par le baron de Bussières

« Récit de la conversion d'Alphonse Ratisbonne par le baron de Bussières.

Celui qui, sur la route de Jéricho, se servit d'un peu de boue, pour ouvrir à la lumière du ciel les yeux d'un aveugle-né, le Christ, a permis que je fusse le principal témoin de l'événement le plus extraordinaire, si on le considère au seul point de la raison humaine. Je raconte un fait incontestable, je dis ce que j'ai vu de mes yeux, ce qu'une foule de témoins honorables peuvent affirmer, ce que Strasbourg ne pourra croire, ce que Rome entière admire : un homme jouissant de tout son bon sens, de toute la plénitude de ses facultés, est entré dans une église, juif obstiné, et par un de ces coups de la grâce qui terrassa Saul sur le chemin de Damas, il en est sorti, dix minutes après, catholique de cœur et de volonté. 


Vers la fin de l'automne 1841, un jeune homme appartenant à une famille de Strasbourg, distinguée par sa position et par l'estime de tous, arrivait à Naples, afin de poursuivre jusqu'en Orient un voyage de santé et de plaisir. Ce n'était pas sans regret qu'il avait quitté sa patrie, car il y laissait une fiancée chérie, une jeune fille, belle et douce, qu'il aimait comme un trésor d'espérance. Cette jeune fille était sa propre nièce ; mais un sentiment mutuel, bien plus que des convenances de famille, avait déterminé ce mariage. Alphonse Ratisbonne était israélite. Destiné à une position brillante, il se promettait de consacrer tous ses efforts à la régénération de ses coreligionnaires ; il rapportait à ce but toutes ses pensées et toutes ses espérances [...]. Il n'était encore qu'un enfant, lorsqu'il y a quinze ans, un coup bien sensible vint briser une de ses affections les plus chères. Théodore Ratisbonne, son frère, se convertit au catholicisme, et entra dans les ordres sacrés. Le temps n'avait pu cicatriser cette plaie ; chaque année ajoutait à sa haine ; jamais il n'avait pu pardonner à celui qu'il regardait comme un transfuge, et contre lequel il excitait, il nourrissait sans cesse l'opiniâtre ressentiment de la famille. […] 

[À Rome]

Le voilà donc visitant les ruines, les églises, les galeries, entassant en vrai touriste les courses, les impressions et les souvenirs confus. Il a hâte d'en finir avec cette ville qu'il est venu voir, moins encore par curiosité que par une sorte d'entraînement qu'il s'explique mal. Il part demain ; mais il doit une visite d'adieu à un ancien ami. Gustave de Bussière a été élevé avec lui dans la même pension, et les deux camarades d'enfance sont restés intimement liés, malgré l'opposition de leurs idées religieuses. Gustave, mon frère, est protestant très-zélé de la secte des piétistes. Il avait quelquefois essayé, mais en vain, d'attirer à lui le jeune Israélite ; les causeries se terminaient ordinairement par deux mots, qui rendaient assez bien la situation morale des deux interlocuteurs : Protestant enragé ! disait l'un ; Juif encroûté ! répondait l'autre. Ratisbonne ne trouve point mon frère qui était parti pour la chasse. Il vient chez moi ; mais il n'entrera pas ; il se contentera de mettre une carte pour prendre congé. Le hasard, ou plutôt la Providence, permet qu'il s'adresse à un domestique italien, qui le comprenant mal, l'introduit à son grand regret dans le salon. Jusqu'à ce moment, nous ne nous étions rencontrés qu'une seule fois chez mon frère ; et malgré mes avances, je n'avais obtenu de Ratisbonne que la froide politesse d'un homme bien élevé. Cependant c'est l'ami de Gustave, c'est le frère de l'abbé Ratisbonne avec lequel je suis intimement lié ; je le reçois donc de mon mieux, je lui parle de ses courses ; il me raconte ce qu'il a vu et ses impressions. Il m'est arrivé, ajoute-t-il, une chose assez extraordinaire : en visitant l'église de l'Ara Cœli au Capitole, je me suis senti saisi d'une émotion profonde, que je ne pouvais expliquer. Témoin de mon agitation, le valet de place me demanda ce qui m'arrivait, si je voulais me retirer, prétendant que, plusieurs fois, il avait vu des étrangers éprouver cette même émotion. Il paraît qu'au moment où Ratisbonne me faisait cette confidence, mes regards étincelants de joie semblaient lui dire : Tu seras des nôtres ; car il se hâta d'affirmer, avec une intention bien marquée, que cette impression avait été purement religieuse et nullement chrétienne. « D'ailleurs, continua-t-il, en descendant du Capitole, un bien triste spectacle vint rallumer toute ma haine contre le catholicisme : je traversai le Ghetto, et tout en voyant la misère et la dégradation des juifs, je me disais, qu'après tout, il valait mieux être du côté des opprimés que des oppresseurs. » Notre causerie tendait à la discussion ; j'essayais, dans mon entraînement, de lui faire partager mes convictions catholiques ; et lui, souriant de mes efforts, me répondait avec une bienveillante pitié pour ma superstition, qu'il était né juif, et qu'il mourrait juif. Alors il me vint l'idée la plus extraordinaire, une idée du ciel ; car les sages du monde l'auraient appelée folie : « Puisque vous êtes un esprit si fort et si sûr de vous-même, promettez-moi de porter sur vous ce que je vais vous donner. « Voyons, de quoi s'agit-il ? « — Simplement de cette médaille. — Et je lui montre une médaille de la Vierge miraculeuse. Il se rejette vivement en arrière avec un mélange d'indignation et de surprise. « — Mais, ajoutai-je froidement, d'après votre manière de voir, cela doit vous être parfaitement indifférent, et c'est me faire, à moi, un très-grand plaisir. « — Oh ! Qu'à cela ne tienne, s'écria-t-il alors en éclatant de rire ; je veux au moins vous prouver qu'on fait tort aux juifs en les accusant d'obstination et d'un insurmontable entêtement. D'ailleurs vous me fournissez là un fort joli chapitre pour mes notes et impressions de voyage. » Et il continuait des plaisanteries qui me navraient le cœur ; car pour moi c'étaient des blasphèmes. Cependant je lui avais passé au col un ruban auquel mes petites filles, pendant notre débat, avaient attaché la médaille bénite. Il me restait quelque chose de plus difficile encore à obtenir : je voulais qu'il récitât la pieuse invocation de saint Bernard : Memorare, O Piissime Virgo !... (Souvenez-vous, ô très pieuse Vierge). Pour le coup, il n'y tint plus ; il me refusa positivement avec un ton qui semblait dire : Cet homme est en vérité par trop impertinent. Mais une force intérieure me poussait moi-même, et je luttais contre ses refus réitérés avec une sorte d'acharnement. Je lui tendais la prière, le suppliant de l'emporter avec lui, mais d'être assez bon pour la copier, parce que je n'en avais pas d'autre exemplaire. Alors, avec un mouvement d'humeur et d'ironie, comme pour échapper à mes importunités : « Soit, je l'écrirai ; vous aurez ma copie et je garderai la vôtre » et il se retira en murmurant tout bas : « Voilà un original bien indiscret. Je voudrais savoir ce qu'il dirait, si je le tourmentais ainsi, pour lui faire réciter une de mes prières juives. » […] Le soir, selon un pieux usage de Rome, je devais faire, avec le prince M. A. B. et d'autres amis, la veillée devant le Saint-Sacrement. Je leur recommandai de se joindre à mes prières, pour obtenir de Dieu la conversion d'un juif. […] 

Ce même jour [le lendemain 16 janvier], dînant au palais Borghèse avec M. le comte de La Ferronnays, je lui racontai, dans la soirée, ma préoccupation du moment, et je recommandai instamment à ses prières mon jeune israélite. De son côté, il me dit ingénument dans l'épanchement de cette causerie intime, la confiance qu'il avait toujours eue en la protection de la Sainte-Vierge, même à une époque où les agitations de la politique ne lui permettaient pas toujours cette piété pratique, dont il nous a donné l'exemple dans les dernières années de sa vie : « Ayez confiance, me répétait-il ; s'il dit le Memorare, vous le tenez, lui et bien d'autres encore. » 


Lundi 17. Je fis quelques promenades nouvelles avec Ratisbonne, qui vint me prendre vers une heure. Je remarquais avec chagrin le peu de fruit que produisaient nos conversations ; car il était toujours dans les mêmes dispositions : hostile et dénigrant pour le catholicisme, et cherchant à échapper, par la raillerie, aux arguments qu'il ne se donnait pas la peine de réfuter. M. de La Ferronnays mourut presque subitement le soir à onze heures, laissant aux amis qu'il avait édifiés par la ferveur de ses dernières années, comme à la famille qui le pleurait, l'exemple de ses vertus, et la consolation d'espérer que Dieu ne l'avait appelé à lui que parce qu'il était mûr pour le ciel. Habitué depuis longtemps à l'aimer comme un père, je partageais, avec les larmes de tous les siens, les tristes soins qu'imposait cette douloureuse circonstance ; mais le souvenir de Ratisbonne me poursuivait jusqu'auprès du cercueil de mon ami. 


Mardi 18. J'avais passé une partie de la nuit au milieu de cette famille si justement éplorée ; comprenant mieux que personne sa douleur, j'hésitais à me séparer d'elle ; et pourtant une préoccupation inquiète ramenait sans cesse ma pensée sans cesse ma pensée à Ratisbonne, comme si une main invisible m'eût poussé vers lui. Je ne voulais pas me séparer de ce qui restait ici-bas de mon ami ; je ne pouvais pas éloigner ma pensée de cette jeune âme que je voulais conquérir à ma foi. Je dis ma lutte intérieure à M. l'abbé G., que la Providence a établi depuis longtemps l'ange gardien et consolateur de la famille Laferronnays. « Allez, me répondit-il, allez, continuez votre œuvre ; c'est vous conformer aux intentions de M. de La Ferronnays, qui a prié avec ardeur pour la conversion de ce jeune homme. » […] Me voilà donc de nouveau, courant après Ratisbonne, m'emparant de lui, lui montrant les antiquités religieuses, pour fixer sa pensée sur les vérités catholiques ; mais je parlais en vain. […] 


Jeudi 20 janvier. Ratisbonne n'a point fait un seul pas vers la vérité ; sa volonté est restée la même, son esprit toujours railleur, ses pensées toujours aux choses de la terre, entre vers midi au café de la place d'Espagne pour y lire les journaux ; il y trouve mon beau-frère Edmond Humann, s'entretient avec lui des nouvelles du jour avec un abandon et une légèreté qui excluent l'idée de toute préoccupation grave. Il est une heure. Je dois prendre quelques arrangements à l'église Saint-André pour la funèbre cérémonie du lendemain. Mais voici Ratisbonne qui descend la Via Condotti ; il viendra avec moi, m'attendra quelques minutes, et nous poursuivrons notre promenade. Nous entrons à l'église. Ratisbonne apercevant les préparatifs du service, me demande pour qui ils sont destinés. « Pour un ami que je viens de perdre, M. de La Ferronnays, que j'aimais extrêmement. » Alors il se met à se promener dans la nef ; son regard froid et indifférent semble dire : Cette église est bien laide. Je le laisse du côté de l'épître, à droite d'une petite enceinte disposée pour recevoir le cercueil ; et j'entre dans l'intérieur du couvent. Je n'avais que quelques mots à dire à l'un des moines : je voulais faire préparer une tribune pour la famille du défunt ; mon absence dure à peine dix à douze minutes. En rentrant dans l'église, je n'aperçois pas d'abord Ratisbonne ; puis je le découvre bientôt agenouillé devant la chapelle de l'Ange Saint Michel. Je m'approche de lui, je le pousse trois ou quatre fois, avant qu'il s'aperçoive de ma présence. Enfin il tourne vers moi un visage baigné de larmes, joint les mains, et me dit avec une impression impossible à rendre : « Oh ! Comme ce monsieur a prié pour moi ! » J'étais moi-même stupéfait d'étonnement : je sentais ce qu'on éprouve en présence d'un miracle. Je relève Ratisbonne ; je le guide, je le porte pour ainsi dire hors de l'église ; je lui demande ce qu'il a, où il veut aller. « Conduisez-moi ou vous voudrez, s'écria-t-il ; après ce que j'ai vu, j'obéis. » Je le presse de s'expliquer ; il ne le peut pas : son émotion est trop forte. Il tire de son sein la médaille miraculeuse qu'il couvre de baisers et de larmes. Je le ramène chez lui, et, malgré mes instances, je ne puis obtenir de lui que des exclamations, entrecoupées de sanglots : « Ah ! Que je suis heureux ! Que Dieu est bon ! Quelle plénitude de grâces et de bonheur ! Que ceux qui ne savent pas, sont à plaindre ! » Puis il fond en larmes en pensant aux hérétiques et aux mécréants. Enfin il me demande s'il n'est pas fou... « Mais non, s'écrie-t-il, je suis dans mon bon sens ; mon Dieu ! Mon Dieu ! Je ne suis pas fou ! Tout le monde sait bien que je ne suis pas fou. » Lorsque cette déchirante émotion commence à se calmer, Ratisbonne, avec un visage radieux, je dirai presque transfiguré, me serre dans ses bras, m'embrasse, me demande de le mener chez un confesseur, veut savoir quand il pourra recevoir le baptême sans lequel il ne saurait plus vivre, soupire après le bonheur des martyrs dont il a vu tous les tourments sur les murs de Saint-Étienne. Il me déclare qu'il ne s'expliquera qu'après en avoir obtenu la permission d'un prêtre : « Car ce que j'ai à dire, ajoute-t-il, je ne dois, je ne puis le dire qu'à genoux. » Je le conduis aussitôt au Gesù près du Père de Villefort, qui l'engage à s'expliquer. Alors Ratisbonne tire sa médaille, l'embrasse, me la montre et s'écrie : « Je l'ai vue ! Je l'ai vue !!! » et son émotion le domine encore. Mais bientôt plus calme, il peut s'exprimer ; voici ses propres paroles : « J'étais depuis un instant dans l'église, lorsque tout d'un coup, je me suis senti saisi d'un trouble inexprimable. J'ai levé les yeux : tout l'édifice avait disparu à mes regards ; une seule chapelle avait, pour ainsi dire, concentré toute la lumière ; et au milieu de ce rayonnement, a paru debout, sur l'autel, grande, brillante, pleine de majesté et de douceur, la Vierge Marie, telle qu'elle est sur ma médaille. Une force irrésistible m'a poussé vers elle ; la Sainte Vierge m'a fait signe, de la main, de m'agenouiller ; elle a semblé me dire : C'est bien ! Elle ne m'a point parlé, mais j'ai tout compris. » Ce court récit, Ratisbonne nous l'avait fait en s'interrompant souvent comme pour respirer et. Maîtriser l'émotion qui l'oppressait. Nous l'écoutions, nous, avec une sainte frayeur mêlée de joie et de reconnaissance, admirant la profondeur des voies de Dieu et les trésors ineffables de sa miséricorde. Un mot surtout nous avait frappés par sa mystérieuse profondeur : Elle ne m'a point parlé, mais j'ai tout compris. Désormais, en effet, il suffit d'entendre Ratisbonne : la foi catholique s'exhale de son cœur, comme un parfum précieux du vase qui le renferme, mais ne peut le contenir. Il parle de la présence réelle, comme un homme qui la croit de toutes les forces de son âme : c'est encore trop peu dire, comme un homme qui la sent.

En quittant le Père de Villefort, nous allâmes rendre grâces à Dieu, d'abord à Sainte-Marie-Majeure, la chère basilique de la Vierge, puis à Saint-Pierre.

Impossible de rendre les transports de Ratisbonne lorsqu'il se trouva dans ces églises. « Ah ! me disait-il en me pressant les mains, je comprends maintenant l'amour des catholiques pour leurs églises, et la piété qui les porte à les orner et à les embellir !... Comme on est bien ici l'on voudrait n'en jamais sortir... Ce n'est plus la terre : c'est presque le ciel. » Auprès de l'autel du Très-Saint-Sacrement, la présence réelle de la Divinité l'écrasait à tel point, qu'il allait perdre connaissance s'il ne se fût éloigné aussitôt, tant il lui paraissait horrible d'être en présence du Dieu vivant, avec la tache originelle. Il alla se réfugier dans la chapelle de la Sainte Vierge. Ici, me dit-il, je ne puis pas avoir peur : je sens que je suis protégé par une miséricorde immense.

Il pria avec la plus grande ferveur auprès du tombeau des Saints-Apôtres. L'histoire de la conversion de Saint Paul que je lui racontai, lui fit encore verser d'abondantes larmes. » (Baron Marie-Théodore de Bussières, Relation de la conversion de M. A.-M. Ratisbonne, suivie de la lettre de M. A.-M. Ratisbonne sur sa conversion. Édition augmentée du décret de Rome constatant ladite conversion miraculeuse, Paris, P. J. Camus, 1842)


Prière de la communauté

Prières de conversion au choix de vos besoins et inspirations

Choisissez la prière qui vous convient et vous inspire parmi celles-ci : Incroyants, voici une prière pour demander à Dieu de vous faire connaître Jésus : "Jésus, Tu as dit " Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira." Aujourd'hui, je suis là et je frappe à ta porte, je te cherche, je veux te connaître, viens, je t'en prie, envoie-moi ton Esprit Saint et révèle-moi puissamment ta présence. Par Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant". Croyants, voici une prière pour demander à Dieu de vous rendre plus saints et demander la conversion des hommes qui ne connaissant pas Jésus : Ô Dieu, montrez-nous votre visage qui n'est autre que celui de votre Fils, puisque c'est par Lui que vous vous faites connaître, de même que l'homme tout entier est connu par son seul visage. Et par ce visage que vous nous aurez montré, convertissez-nous, convertissez les morts que nous sommes des ténèbres à la lumière, convertissez-nous des vices aux vertus, de l'ignorance à la parfaite connaissance de vous. Ainsi soit-il. (Saint Bruno le Chartreux) Croyants, ajoutez la Prière de l'Ange à Fatima Mon Dieu, je crois, j'adore, j'espère et je vous aime. Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, pour ceux qui n'adorent pas, qui n'espèrent pas et ne vous aiment pas. Prière de conversion des pécheurs obstinés de Sainte Thérèse d'Avila Ô Seigneur mon Dieu, Ô créateur, ayez compassion de Vos créatures. Considérez que nous ne nous entendons pas nous-mêmes, que nous ne savons pas ce que voulons et que nous nous éloignons infiniment de ce que nous désirons. C'est ici, Ô mon Dieu, que doit se montrer Votre miséricorde ! Qu'elle est grande, Dieu de mon cœur, la demande que je vais Vous faire lorsque je Vous prie d'aimer ceux qui ne Vous aiment pas, d'ouvrir à ceux qui ne frappent pas, de guérir ceux qui non seulement prennent plaisir à être malades, mais qui travaillent même à augmenter leur maladie. Vous dites, très doux Sauveur Jésus, que Vous êtes venu sur la terre chercher les pécheurs. Les voilà, mon Dieu, les véritables pécheurs. Oh donc, ayez pitié de ceux qui n'ont pas pitié d'eux-mêmes ; et puisque dans l'excès de leur égarement, ils ne veulent point aller à Vous, venez Vous-même à eux. Je Vous le demande en leur nom, et ces morts, j'en suis sûre, se lèveront de leurs tombeaux dès qu'ils commenceront à rentrer en eux-mêmes, à se reconnaître, à Vous goûter. Et vous Père Céleste, ne considérez point notre aveuglement, mais jetez les yeux sur les ruisseaux de sang que votre Fils a répandus pour notre salut. Sainte Thérèse d'Avila (1515 - 1582)

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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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