Le Royaume de Dieu est déjà présent dans la vie de Jésus, inauguré , caché dans le mystère de sa personne. N'a t-il pas déclaré au seuil de sa vie publique: « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approché: convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » (Mc 1, 15) Pour en parler, Jésus a recours à des images évocatrices de la vie quotidienne: une graine semée en terre, et un peu de levain enfoui dans la pâte. Le Royaume de Dieu commence dans l'humilité, dans une vie finalement très cachée.

     La première parabole est celle de la graine de moutarde qui devient un arbre qui étend ses nombreuses branches où viennent s'abriter les oiseaux du ciel. L'arbre est cette plante magnifique qui fait le lien entre la terre ( humus) d'où nous venons et le ciel vers lequel nous tendons. Tendu vers le ciel, il nous dit quelque chose de la soif de lumière et de sens qui habite le cœur de l'homme, de son besoin de s'accomplir dans plus grand que soi. Les oiseaux du ciel représentent les différentes nations appelées par Dieu à faire partie du Royaume en accueillant la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus-Christ, que l’Église a pour mission d'annoncer. Car Dieu veut sauver tous les hommes, c'est-à-dire leur communiquer sa vie divine en son Fils. Et c'est la grâce immense qui nous est offerte dans le Baptême, faisant de nous des fils adoptifs.

     Quant à l’image du levain, c’est l’Église au cœur du monde, « germe et commencement du Royaume de Dieu » ( Lumen Gentium §5), c’est chacun de nous là où nous sommes, plongés dans les multiples réalités du monde,et responsables de la croissance du Royaume en vertu de notre baptême. Le levain évoque cette attitude maternelle de Église qui œuvre avec patience et persévérance au long des siècles pour engendrer des enfants à la vie de la grâce, souvent à travers les actions les plus humbles et les plus cachées. L’action souterraine, tel un levain justement, de la prière et du sacrifice soutient et fortifie les efforts missionnaires de l’Église. Il suffit par exemple d’évoquer l’expérience de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus portant dans sa prière la mission lointaine de deux prêtres reçus comme frères spirituels. Et de rappeler sa prophétie quelques semaines avant de mourir: « je sens que ma mission va commencer...je descendrai, j’aiderai les prêtres, j’aiderai les missionnaires, j’aiderai toute l’Église. »

     Le levain de la fidélité au Christ, le levain de la sainteté, voilà qui doit soulever, emporter l’humanité vers Dieu, « transformer du dedans, rendre neuve l’humanité elle-même,... neuve de la nouveauté du baptême et de la vie selon l’Évangile. » (Paul VI dans l’Exhortation sur l’évangélisation dans le monde moderne,§ 18). Le levain ne nous condamne pas au silence, il nous invite à travers nos attitudes, nos paroles, nos actes et nos engagements à être des disciples- missionnaires fidèles et courageux, qui ne mettent pas sous le boisseau la lumière de la foi au Christ mais la partage comme chemin d’accomplissement plénier de la personne. Saint Paul dans l’épître laisse entrevoir cette gloire future lorsque nous serons glorifiés en corps et en âme et que la création elle-même sera totalement renouvelée. Évangéliser, c’est montrer cet horizon de gloire et de joie en Dieu dans la vie éternelle.