Dans les années 80, j'ai approché le "milieu" traditionnel de la prostitution : la femme prostituée comme le prolétaire qui faisait marcher le système, qui donnait de l'argent à droite et à gauche, au proxénète-souteneur-julot casse-croûte, au policier pour les P.V., à ceux qui l'entouraient; j'ai approché le truand obtenant de "sa femme" le premier capital lui permettant de se lancer dans de plus grosses affaires illégales (casses, trafic...); tout un milieu prostitutionnel vivant sur le dos des femmes, les coursiers, les petits voleurs venant proposer leurs fringues, leurs bijoux, leurs jouets à Noël; et bien sûr, le client, du gogo qu'il fallait plumer le plus vite possible, jusqu'à l'habitué qu'il fallait traiter avec délicatesse ...

Le trafic des drogues a bousculé profondément tout le milieu de la prostitution. Le profit est complètement différent; cela détourne les grands malins de la prostitution. Actuellement, la prostitution classique - avec des gamines ou des travestis - vient des pays de l'Est ou d'Amérique latine. Ils vont d'ailleurs rapidement s'intégrer. 

Maintenant prostitution et usage de drogues sont assez souvent complémentaires. Il y a quelques années, les jeunes garçons faisaient de l'argent Porte Dauphine avec la prostitution et pour tenir le coup, prenaient habituellement des cachets ou des produits plus toxiques, tandis que les jeunes filles droguées faisaient Cours de Vincennes de la prostitution pour payer leur dope. Le julot-souteneur devenait dealer. 

Mais surtout, maintenant, le trafic de son propre corps est devenu tout à fait quotidien. Pour éviter la délinquance, pour sortir du risque de la prison, il est finalement plus simple, lorsqu'on est jeune, frais et mignon, de trouver des clients. A 20 ans, cela devient plus difficile, mais la prise d'hormones et certaines opérations pseudo-esthétiques ouvrent la carrière de travesti jusqu'à 40 ans. 

En fait, l'argent est roi ; et bien des jeunes et des moins jeunes croient qu'ils peuvent faire n'importe quoi, pourvu que cela rapporte. Dernier exemple : à 19 ans, sur la demande de son client, un jeune se fait mettre des seins de 100; le chirurgien a demande 30 000 F. Où est la misère ? Chez le jeune, chez le client, chez le chirurgien ? Les trois ont besoin de rencontrer des témoins du véritable amour. 

Père Patrick Giros, Lettre aux Amis numéro 36, Juin 2000