La péricope de l’Évangile de ce jour (Lc 11, 27-28) est très courte mais riche de sens. Jésus vient de guérir un possédé et de proclamer avec autorité et un enthousiasme rayonnant la Parole de Dieu. Une femme, pleine d’admiration pour ce jeune Prophète, et qui dans l’intime de son cœur aurait bien désiré avoir un fils semblable, ne peut s’empêcher d’élever la voix et de bénir la mère qui l’avait enfanté : « Heureuse la mère qui t’a porté en elle et dont les seins t’ont nourri ». Cette femme anonyme, perdue dans la foule, c’est la voix du peuple de Dieu qui commence à s’élever pour glorifier à jamais la Vierge, comme elle-même le chante prophétiquement dans son magnificat : « Le Seigneur s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse ». (Lc 1, 48)

     Jésus ne veut pas démentir cette louange, lui qui est né de ce sein virginal et s’est nourri de ce lait maternel, mais, à son habitude, il veut élever l’esprit de ceux qui l’écoutent des simples sentiments naturels au niveau de la vie surnaturelle de la grâce, où ce qui importe, ce n’est pas « la chair et le sang », mais l’adhésion à Dieu par une foi aimante. Il signifie qu’au-delà de la parenté naturelle, il y a une parenté spirituelle, supérieure à la première, parce que meilleure, plus immédiate, plus intime, que Marie a vécue à la perfection, elle qui a cru dès le premier instant, et qui est de surcroît ouverte à quiconque écoute la Parole et l’accomplit.

     Écouter la Parole et l’accomplir, c’est la définition du disciple du Christ, de la bonne terre dont il nous parle dans la parabole de Lc 8, 4-15 : « Ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont les gens qui ont entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, qui la retiennent et portent du fruit par leur persévérance ». La Parole du Christ reçue dans la foi est en nous, comme en Marie, une semence qui doit prendre racine et se développer afin de nous réengendrer à la vie divine. Alors, comme la Mère de Jésus, nous serons vraiment des disciples. Saint Augustin et plusieurs Pères de l’Eglise aiment à souligner que Marie a conçu Jésus dans sa foi, avant de le concevoir dans sa chair, qu’elle est « disciple du Christ avant d’être sa Mère ». Elle a conçu « par l’oreille », c’est-à-dire qu’elle a écouté attentivement la Parole et s’y est soumise librement en répondant : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole ».Il est dit en Lc 2, 19 que « Marie conservait toutes ces paroles, tous ces événements en les méditant dans son cœur ». 

     En effet, elle conservait tous les événements salvifiques qu’elle était en train de vivre en les rapprochant les uns des autres pour qu’ils s’éclairent mutuellement, en les confrontant aussi aux paroles inspirées de l’Ancien Testament, et cela, sous la lumière intérieure de l’Esprit Saint dont elle était remplie. Le Cardinal Ratzinger disait le 31 mars 2004 : « Toute l’existence de Marie est une invitation faite à l’Eglise d’enraciner son être dans l’écoute et l’accueil de la Parole de Dieu ». Et encore, le 7 mars 1988 : « Marie aime la Parole de Dieu, elle la porte dans son cœur, médite sur elle nuit et jour : elle est pénétrée et vivifiée par elle au point de lui devenir intérieure et de pouvoir la redonner au monde ». Ces derniers mots nous montrent que cette vie retirée et silencieuse de la Vierge la place au cœur de la mission, avec l’efficacité supérieure que donne l’Esprit Saint.

Nous aussi écoutons Jésus qui nous parle encore et toujours comme à des amis :
-Il nous parle par la beauté de la création, qui nous révèle un peu la Bonté, la Sagesse et la Toute-Puissance de Celui qui l’a créée.
-Il nous parle à travers les événements heureux ou malheureux qui nous atteignent personnellement. Charles Péguy disait : « Les événements, dit Dieu, c’est moi qui vous caresse ou c’est moi qui vous rabote : n’ayez pas peur. »
-Il nous parle souverainement dans les Saintes Ecritures qui sont « esprit et
vie » et s’adressent à nous chaque jour dans une actualité sans cesse renouvelée, pour nous apporter une lumière et une force adaptées à l’instant que nous vivons.
-Il nous parle aussi au fond du cœur par les attraits et les bons désirs qu’il y fait naître.

Cependant il ne suffit pas d’écouter la Parole, il faut aussi la mettre en pratique, en vivre profondément en y conformant nos actes, selon la parole de saint Jacques 1, 22 : « Soyez des faiseurs de la parole et non pas seulement des auditeurs : vous vous abuseriez vous-mêmes ». Ce faisant, nous ne serons pas semblables au chemin souvent piétiné, à la terre caillouteuse ou non défrichée. Nous serons, comme Marie, une terre meuble, labourée, ouverte par un sillon généreux et bien tracé, où la Parole divine pourra germer et porter beaucoup de fruits. Alors nous dit Jésus en Jn 15, 7-8 : « Demandez ce que vous voudrez et vous l’aurez, car c’est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruits et vous serez pour moi des disciples » … et des disciples missionnaires! Mais le dernier mot pourrait être celui de saint Benoît : « Écoute… et tu parviendras ».