Bienheureuse Marie Poussepin : chapitre 2

La maison des Poussepin à Dourdan


A 26 ans, Marie se retrouve seule avec son petit frère, l’honneur de la famille est entaché et tous ses biens sont saisis.

Que s’est-il passé ? En 1668, Claude Poussepin avait été élu collecteur de la taille. Cette charge rendait le collecteur redevable des impôts dus même s’il n’avait pu les encaisser. Pour Claude, au début, tout s’était bien passé. Mis en appétit, il avait pris, en 1674, la fonction de Receveur du Petit Domaine de Dourdan, propriété de Philippe d’Orléans, ce qui lui avait permis, en 1676, d’en devenir le fermier. Cette charge supposait des liquidités importantes qu’il ne possédait pas, d’où un emprunt de mille livres qu’il contracta. Réélu collecteur de la taille, les rentrées, cette fois, se firent mal. Il fut de plus victime d’un vol de 330 livres. C’était la catastrophe. La saisie des biens se produisit en 1679 et Claude Poussepin s’enfuit pour éviter la contrainte par corps.

Restée seule avec son petit frère, Il est probable que Marie se soit confiée au Père Legou, l’ami de sa famille. Toujours est-il que, sans doute d’un commun accord, tous deux entrevoient une solution pour sauver l’honneur du père prodigue et permettre son retour à Dourdan. L’idée est de lui faire établir une donation de tous ses biens à Marie, à savoir, pour l’essentiel, l’énorme dette de 2625 livres qu’elle accepte de prendre à sa charge. Claude Poussepin  établit donc une procuration au nom du Père Legou qui organise la transaction avec le notaire et la donation s’effectue en 1680. Claude peut ainsi rentrer, le cœur léger, à Dourdan où il lui reste trois ans à vivre. Il s’éteindra en même  temps que le bon père Etienne Legou, l’ami et le soutien de la famille au long des jours.

Le métier à tricoter des bas

Marie est solide. C’est sans doute à son initiative que le Père Legou a imaginé la transaction ci-dessus. Totalement désintéressée, elle veut sauver l’honneur de son père, élever son jeune frère et l’établir. En femme de tête, elle envisage la situation avec calme, courage et détermination. Intuitive, elle réfléchit à ce métier du tricot des bas qu’elle connaît bien. Elle pense que seul un recentrage sur cette activité peut devenir la source de profits qui va lui permettre d’honorer les lourdes dettes de son père, devenues les siennes.

L’oncle de Marie Poussepin, Jean Lefebvre avait quitté Dourdan quelques années auparavant pour travailler au Château de Madrid, dans le Bois de Boulogne, où avaient été installés des métiers à tricoter des bas, invention nouvelle importée d’Angleterre. Marie s’y intéresse d’autant plus que, en 1681, Colbert autorise l’industrie de la laine, interdite jusqu’alors. Or le travail de la laine est d’un meilleur rapport que celui de la soie. Avec discernement, Marie entrevoit l’avenir de son artisanat : l’industrie de la laine travaillée sur ces nouveaux métiers.

En attendant, elle fait face à ses obligations : la créance la plus importante est celle de l’emprunt de mille livres consenti par M. de Verly, le greffier de l’élection et créancier le plus coriace. Ensuite il faut rembourser l’arriéré des fermages du Petit Domaine, soit 600 livres. Concernant l’emprunt, Marie négocie avec M. de Verly et s’engage à rembourser 200 livres par an jusqu’à extinction de la dette. Par chance, elle perçoit quelques profits sur les créances dues à son père. En réunissant tout ce qui lui restait et en vendant sa propre production pour 300 livres, elle éteint cette seconde dette. La saisie est ainsi levée et elle peut reprendre son activité.

Elle s’engage donc avec audace dans la voie industrielle qu’elle a choisie. La prise de risque est importante. Chaque métier coûte 300 livres et nécessite, pour l’utilisateur, une formation sérieuse qui ne s’improvise pas. Il faut des instructeurs. Marie Poussepin attire deux maîtres parisiens qui vont former son frère, le jeune Claude. Elle achète des métiers à crédit – elle en possèdera quatre en 1687. Son atelier tourne bien et va former des générations d’apprentis.

Ces derniers bénéficient d’un statut nouveau. Plus âgés que les enfants formés au travail de la soie, ils ont entre quinze et vingt-deux ans. Il faut les loger, les nourrir, veiller sur leur conduite et diriger leur travail. Chaque apprenti doit produire au minimum quatre paires de bas par semaine. S’il dépasse ce quota, son travail lui est payé.

En 1690, ils sont une vingtaine chez les Poussepin. En compensation de leur formation professionnelle, une taxe d’apprentissage de 60 à 100 livres était normalement exigée de leurs familles. Or, malgré sa situation financière fragile, Marie n’en demande pas le paiement. D’où le nombre important d’apprentis formés, grâce à l’exonération de cette taxe. Ainsi la générosité de Marie, jamais en défaut, lui a fait prendre en compte les difficultés économiques de ses concitoyens. Les apprentis devenus des artisans qualifiés se sont ensuite établis à leur compte et ont contribué à la prospérité de la ville.

Avec son esprit d’entreprise et son attention aux autres, Marie s’est ainsi trouvée à l’origine de l’essor de Dourdan. En 1702, une ordonnance de Louis XIV témoigne que Dourdan vient sitôt après Paris dans la liste des villes dédiées à cette fabrication des bas de laine. En 1953, lors du troisième centenaire de la naissance de Marie Poussepin, des manifestations ont montré la reconnaissance de la ville de Dourdan à sa  bienfaitrice.

Au bout de quatre ans d’efforts, la situation financière des Poussepin s’est redressée. Claude est devenu un   parti tout à fait acceptable et il épouse la fille d’une famille amie, Marguerite Vian.

Le contrat de mariage de 1687 nous intéresse car, dans sa sécheresse, il montre l’extrême désintéressement de Marie qui dote son frère de 2400 livres dont les quatre métiers « à faire bas » en l’associant toutefois au remboursement de l’emprunt qu’elle a contracté pour leur acquisition. Un contrat d’association commerciale est annexé au précédent. Il stipule qu’au terme de quatre années, Marie Poussepin aura renoncé à tous droits sur les biens issus de la succession de leurs parents. Autrement dit, elle abandonne à son frère une grande part de ses biens dont ceux qui constituent le cœur du gagne-pain familial. Ce geste donne à penser que déjà, elle entrevoit pour elle-même un avenir différent et qu’elle ne s’est attelée à la tâche que pour élever son frère et lui assurer une vie prospère.

Le mariage de Claude Poussepin sera long et heureux.  Il va devenir une personnalité marquante de Dourdan, conseiller du Roi et premier échevin de la ville tandis que sa fortune ne cessera de s’accroître. A son tour marguillier de sa paroisse, il fera refondre trois cloches et procédera à la réfection des charpentes de l’église. Il créera, en 1731, une école gratuite pour les pauvres. Surtout il sera élu, en 1709, procureur de la Confrérie de Charité dont Marie était devenue trésorière après le décès de leur mère. Les relations fraternelles vont toujours rester très soudées et Marie pourra compter sur le soutien de son frère dans ses œuvres futures.

Pendant toutes ces années, Marie ne s’est pas seulement consacrée au renouveau de l’atelier familial. Elle est aussi restée très attachée à la Confrérie de Charité fondée par le Père Legou, celle-là même à laquelle sa mère s’était tant dévouée et qu’elle connaît depuis l’enfance. Elle y exerce à son tour les fonctions de trésorière mais elle va bientôt s’y consacrer davantage lorsque la présidente, tombée malade jusqu’à son décès en 1689, ne peut plus s’en occuper. Elle assume donc la double responsabilité de présidente et de trésorière, notamment lors de l’hiver meurtrier de 1684. Il fait tant de morts que, faute de place au cimetière, on doit les enterrer dans l’église. Les malades sont si nombreux que les membres de la Confrérie viennent seconder à l’Hôtel-Dieu les Filles de la Charité de Louise de Marillac.

A partir de 1691, Marie remet toutes ses responsabilités commerciales à son frère. Elle n’a conservé, dans la maison familiale, qu’une chambre haute donnant sur la cour. Dès cette époque, elle s’adonne complètement à la charité. Un autre hiver meurtrier fut celui de 1693-1694. On compte 800 pauvres mendiants et plus de 40 malades à l’Hôtel-Dieu (le chiffre habituel étant de 100 mendiants et 20 malades). Marie, présidente de la Confrérie, en est l’âme. Elle contribue plus largement que d’habitude aux secours distribués. Ainsi une certaine Marie Olivier, est âgée, malade et sans ressources. Marie la prend dans sa chambre, la nourrit, la soigne, fait office de garde-malade jusqu’à son  décès.

Toute entière donnée à l’exercice de la charité, et déchargée des tâches de l’atelier de bas, Marie envisage désormais une règle de vie plus stricte. Elle va faire bientôt une rencontre déterminante pour son avenir.

A propos de la charité, Marie Poussepin dit qu’elle est : « celle de toutes les vertus que  Notre-Seigneur nous a recommandée davantage et qu’il a pratiquée avec tant de soin que toute sa vie en a été un exercice continuel. » Elle-même a consacré sa vie à l’exercice de la charité et ce don d’elle-même a nourri sa foi. Que son exemple nous conduise à redoubler d’attentions vis-à-vis de notre prochain. Avec l’aide de la Vierge Marie.


Je vous salue, Marie…

Prière de la communauté

Je vous salue Marie

Je vous salue Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus le fruit de vos entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen.

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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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