J5 - Premier dimanche - Se laisser sculpter

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Lecture du Livre de la Genèse (Gn 9, 8-15)

Dieu dit à Noé et à ses fils : « Voici que moi, j’établis mon alliance avec vous, avec votre descendance après vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous : les oiseaux, le bétail, toutes les bêtes de la terre, tout ce qui est sorti de l’arche. Oui, j’établis mon alliance avec vous : aucun être de chair ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. » Dieu dit encore : « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à jamais : je mets mon arc au milieu des nuages, pour qu’il soit le signe de l’alliance entre moi et la terre. Lorsque je rassemblerai les nuages au-dessus de la terre, et que l’arc apparaîtra au milieu des nuages, je me souviendrai de mon alliance qui est entre moi et vous, et tous les êtres vivants : les eaux ne se changeront plus en déluge pour détruire tout être de chair. »

1.  Le Carême : un arc-en-ciel de couleurs !

Nous voici au seuil de ces 40 jours de préparation à la célébration de la Pâque du Christ. Mais entrer en carême n’a guère de saveur et connote trop souvent des mots : effort, pénitence, renoncements. Ne pensez-vous pas que les textes de la parole de Dieu nous ouvrent vers une espérance, un temps de re-création, une abondance de vie qui veut couler en nous ?

Plus qu’une charge supplémentaire, le carême peut s’ouvrir à nous comme un temps de libération, un espace pour respirer l’air pur de l’Evangile, une remise à sa place de l’accessoire présent dans nos vies pour laisser l’essentiel s’inviter. En un mot : le temps du carême est un temps de vie nouvelle offerte à tous ceux et celles qui ont encore un peu de liberté et d’audace pour prendre la route. Route avec Dieu, route en famille, entre amis, en Eglise. Route qui pourra rejoindre les routes hasardeuses de Palestine choisies par le Christ tout au long de son ministère. La parole de Dieu s’ouvre devant nous et nous guide sur ce chemin. Elle sera notre bâton de marche tout au long de la traversée de nos expériences de vie. Dieu nous parle et s’expose : il nous offre son Amour, mieux, il nous le confie.

Arrêtons-nous à la première lecture. Que propose Dieu à Noé après le déluge ? Un cadeau : une alliance. Dieu offre de la couleur à l’homme. Il lui offre les couleurs de l’arc-en-ciel. Dieu ne se réduit pas à un peintre en bâtiment qui aurait décidé de badigeonner la face de la terre pour la rendre plus belle, mais il souhaite, après l’épreuve du déluge, manifester à l’humanité sa tendresse, son amour et sa miséricorde. Tel un bouquet de fleurs offert à celle ou celui que l’on aime, que l’on veut fêter, Dieu dessine dans le ciel son arc, symbole d’alliance. Il manifeste alors, comme l’anneau échangé au mariage par l’homme et la femme, que lui, Dieu, se lie à l’humanité pour toujours. La colère de Dieu, sa déception face à l’ingratitude humaine, n’existeront plus. Il l’a promis et nous sommes les heureux héritiers de cette grâce.

N’y aurait-il pas alors pour chacun de nous un arc-en-ciel à recevoir, sept couleurs pour éclairer notre quotidien ? A chaque couleur donnons une orientation, et à chaque jour de la semaine, une couleur. Essayons de dérouler ce que pourrait être notre semaine et peut-être notre carême.

1/ Oser une parole et un geste pour manifester un pardon que le temps rendait de plus en plus difficile.

2/ Ouvrir la main trop souvent fermée sur des richesses pour partager avec ceux qui ont peu. Nombreuses sont les sollicitations. Mais ne disons pas trop vite : pourquoi donner ? À qui ? Comment cela va-t-il servir ?

3/ Aimer joindre les mains pour prier, non par habitude, mais dans un dialogue où il fait bon écouter plus que parler.

4/ Regarder le quotidien et tenter de l’éclairer à la lumière de l’Évangile.

5/ Mettre chaque jour un peu plus de couleur sur mes yeux pour mieux regarder les autres, et notamment mes proches : en eux il y a beaucoup plus et infiniment mieux que j’ose le croire.

6/ Dire « OUI »  à ce que je peux être et faire en conformité avec le Christ.

7/ Dire « NON » aux pulsions idolâtriques et égocentriques qui nous aliènent et contredisent nos rapports avec Dieu, avec les autres, avec les choses et avec nous-mêmes ; ces rapports qui sont appelés à être caractérisés par la liberté et l’amour (Enzo Bianchi).

Habité par ces couleurs, j’accepte de me laisser surprendre. Voilà un bon test à réaliser au long de cette traversée, de cette croisière de carême. Nous sommes toujours pris en flagrant délit d’enfermer tel ou tel dans un trait de caractère, rarement à son avantage. Et si j’acceptais de regarder les couleurs qui sont en lui, en elle ? De découvrir cet arc en ciel qui habite son cœur et que je ne sais plus voir, habitué que je suis à mon environnement. Regarder son mari, sa femme, ses enfants, ses frères en communauté, ses amis et collègues, et percevoir alors cette pierre précieuse qui habite leur existence… Laissons le code-barres de côté pour entrer en relation vraie, authentique, débarrassée de tout schéma préfabriqué et recueillir la nouveauté qui germe dans l’autre, comme en moi. 

Avec Noé, Dieu a conclu une alliance de miséricorde et de pardon. Mais en Jésus cette alliance prend un visage. Lui aussi le Christ s’est laissé surprendre à tout instant. Il s’est laissé déranger par l’homme ou la femme rencontré lors de sa traversée du pays. Toujours en marche, rien ne peut l’arrêter. Il rencontre les malades. Il visite une foule et s’arrête à tel ou tel visage pour ouvrir un dialogue avec la personne. Chacun ose alors dire son histoire et reçoit l’assurance que sa vie n’est pas bloquée par le péché ou la maladie, ou la faute, ou l’erreur d’aiguillage… À tous et à chacun Jésus ouvre un avenir. Rien ne laisse le Christ indifférent. « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Evangile. » C’est parti pour un carême de couleurs, un carême qui veut s’efforcer de développer le beau mot « alliance » et cela 40 fois.

Écoutons notre frère Laurent nous faire une proposition : « Il n’est pas nécessaire d’être toujours à l’église pour être avec Dieu, nous pouvons faire de notre cœur un oratoire dans lequel nous nous retirons de temps en temps pour nous y entretenir avec lui doucement, humblement et amoureusement ; tout le monde est capable de ces entretiens familiers avec Dieu, les uns plus, les autres moins : il sait ce que nous pouvons ; commençons, peut-être n’attend-il de nous qu’une généreuse résolution… » (Lettre 9).

2.  Se laisser sculpter par Dieu

Dans une lettre adressée à un père spirituel, frère Laurent écrit :

« Quelquefois je m’y considère comme une pierre devant un sculpteur de laquelle il veut faire une statue ; me présentant ainsi devant Dieu je le prie de former en mon âme sa parfaite image et de me rendre entièrement semblable à lui. » (Lettre 1)

« Se considérer comme une pierre devant un sculpteur de laquelle il veut faire une statue ». Ce constat de notre Frère Laurent ne serait-il pas notre ligne de conduite durant ce temps de carême ? Laisser l’Esprit-Saint imprimer en nous des traces de l’Amour et de la Miséricorde de Dieu, aux moyens des sacrements, et notamment de l’Eucharistie et de la Réconciliation, sans oublier la Parole de Dieu : notre bâton de marche pour traverser ces 40 jours. Accepter, tel un modèle qui pose devant le sculpteur, de se laisser façonner par Dieu. Vaste projet qui demandera de la persévérance, de l’audace parfois, mais surtout cette volonté d’accueillir au quotidien l’œuvre de Dieu. Le Seigneur veut que ses enfants puissent se convertir pour enfin l’aimer et le suivre, non dans une répétition fade et lassante, mais dans la beauté de l’aujourd’hui de notre existence.

C’est faire écho à ce que Dieu proposait déjà au prophète Jérémie : « "Lève-toi, descends à la maison du potier ; là, je te ferai entendre mes paroles." Je descendais donc à la maison du potier. Il était en train de travailler sur son tour. Le vase qu’il façonnait de sa main avec l’argile fut manqué. Alors il recommença, et il fit un autre vase, selon ce qu’il est bon de faire, aux yeux du potier. Alors la parole du Seigneur me fut adressée : " Maison d’Israël, est-ce que je ne pourrais pas vous traiter comme ce potier ? – oracle du Seigneur. Oui, comme l’argile est dans la main du potier, ainsi êtes-vous dans ma main, maison d’Israël !" » (Jérémie 18,1-6).

Que ce soit en sculpteur ou en potier, la démarche de Dieu envers chacun de nous est la même. En ce temps de carême, Dieu vient ouvrir un espace de recréation pour façonner en nous son image. Dès les premières pages de la Bible, au Livre de la Genèse, nous voyons bien Dieu à l’œuvre, et notamment avec la création de l’homme : « Alors le Seigneur modela l’homme avec la poussière tirée du sol : il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. » (Genèse 2, 7). Sculpter, modeler, former…qu’importe le mot choisi. La réalité est la même : Dieu vient restaurer en nous son image que les jours, les semaines ou les années ont peut-être défigurée. Il vient rejoindre notre quotidien quel qu’il soit. Allons-nous entendre son appel ?

Avec Laurent de la Résurrection, une question s’imposera vite à nous régulièrement durant cette démarche de carême : comment vivre avec Dieu au long de la journée, comment garder sa présence ? La réponse peut nous être donnée par notre frère carme : «  La pratique la plus sainte et la plus nécessaire en la vie spirituelle est la présence de Dieu, qui consiste à se plaire et à s’accoutumer en sa divine compagnie, parlant humblement et s’entretenant amoureusement avec lui en tous temps, à tous moments, sans règle, sans mesure ; surtout dans le temps des tentations, des peines, des aridités, des dégoûts et même des infidélités et des péchés. Il faut s’appliquer continuellement à ce que toutes nos actions soient une manière de petits entretiens avec Dieu, pourtant sans étude, mais comme ils viennent de la pureté et simplicité du cœur. » (Maximes spirituelles 6-7)

La Parole de Dieu des dimanches de carême et des écrits du frère Laurent  baliseront notre route… « Celui qui a des oreilles qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Eglises… » répétera l’auteur du Livre de l’Apocalypse. Là est l’enjeu du carême. Avançons,  écoutons et laissons le Maître travailler. Il vient nous recréer. Il vient sculpter en nous son image.

 

Didier-Joseph Caullery, ocd (couvent d’Avon)

Prière de la communauté

Notre Père

Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour. Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal. Amen

Merci ! 365 personnes ont prié

7 commentaires

Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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Carême avec Laurent de la Résurrection

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