‘' Pour que la paix soit rendue à l'Église et à l'État ‘'
Le titre est le but poursuivi par les carmélites de Compiègne qui pendant presque 2 ans, pendant la révolution, se sont offertes chaque jour en sacrifice, en Holocauste, pour qu'en France, ‘'La paix soit rendue à l'Eglise et à l'état''
Ces 16 carmélites ont été Béatifiées par le Pape Pie X le 27 mai 1906. Le Pape François a donné son accord le 20 janvier 2022 pour l'ouverture du procès de canonisation équipollente, c'est-à-dire sans nécessité de miracles.
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I les faits
Le 17 juillet 1794, 16 religieuses du carmel de Compiègne mourraient sur l'échafaud à Paris. C'était il y a 230 ans. 10 jours plus tard Robespierre était renversé, mettant fin à la période de la ‘'Terreur''.
Ce que l'on sait moins c'est que depuis un peu plus de 2 ans, chaque jour, ces religieuses s'offraient à Dieu, en holocauste pour ‘'apaiser la terreur''. Ce qui est encore moins connu, c'est que l'acte d'accusation de Fouquier-Tinville contre ces religieuses avait été signé le 28 Messidor de l'an II qui correspond au 16 juillet, date à laquelle l'Eglise fête Notre Dame du Mont Carmel. Pour la supérieure, Madame Lidoine, en religion mère Thérése de saint Augustin, c'était une sorte de confirmation de ce qu'elle appelait leur ‘' entrée dans le monde ‘', car elles furent chassées de leur couvent, le 14 septembre 1792, date ou l'Eglise fête l'Exaltation de la Sainte Croix.
La Providence organisa le sacrifice de ces religieuses, en montrant à la foule qui se trouvait sur le chemin et autour de l'échafaud que les condamnées, cette fois, étaient des religieuses, des carmélites en habit, et qui chantaient en allant à la mort. Des religieuses condamnées à la guillotine ! C'était tellement inimaginable que tous gardaient le silence au lieu de vociférer comme d'habitude.
Nous publions l'histoire de ces carmélites en cette fête de Notre Dame du Mont Carmel pour laisser le temps à ceux qui le souhaitent de s'organiser pour regarder demain 17 juillet, sur KTO, à 20 heures 35 un documentaire intitulé ‘' Bienheureuses'', œuvre de François Lespes. Ce dernier a puisé une grande partie de ses informations à la même source, récente celle-là, que la mienne pour retracer cette histoire. Il le fera avec des références aux 4 auteurs du XXème siècle, qui ont utilisé ce thème pour écrire ou composer leurs œuvres en partie imaginaire, mais à partir de faits réels comme le fit la première, Gertrud von Lefort en 1931.
La source principale, mais pas unique de notre auteur, est un document écrit vers 1832, par une des 3 carmélites qui avait échappée à la guillotine : Me Philippe, en religion sœur Joséphine-Marie de l'Incarnation. Elle avait laissé au carmel de Sens une collection importante de documents et de reliques provenant de la communauté disparue.
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II Contexte historique religieux de la France
Le premier pays catholique par le baptême de Clovis, fut aussi le premier, 13 siècles plus tard, à instituer une nouvelle division du temps. C'était dans la logique de ‘'La conjuration anti-chrétienne'' comme l'écrivit Mgr Delassus, en 1910. Le ton était donné après la prise de la bastille le 14 juillet 1789, car il y eut le 28 octobre suivant la ‘' suspension provisoire ‘' des vœux religieux, puis le 2 novembre la confiscation de tous les biens d'Eglise.
Le 10 aout 1792 marqua la fin du pouvoir royal et on désigna le premier équinoxe qui suivi cette date pour commencer cette nouvelle ère qui reprenait le découpage du temps d'un calendrier égyptien en 12 mois de 30 jours avec 5 ou 6 jours additionnel suivant les années. C'est le 5 octobre 1793 que l'on fixa rétrospectivement au 22 septembre 1792 le premier jour de l'an I de la République française. Il supprimait toute référence au créateur qui se reposa le septième jour et à Notre Seigneur ou le dimanche était ce jour de repos en l'honneur de sa résurrection. Il resta en vigueur un peu plus de 12 ans puisqu'il cessa le Ier janvier 1806.
Il y eut ensuite la fin de l'identité chrétienne organisée à Reims 2 jours après la décision d'appliquer le nouveau calendrier, le 7 octobre 1793, par un nommé Rühl, ‘'représentant du peuple'', qui brisa en public la ‘' Sainte Ampoule'' contenant le chrême de saint Rémi.
Puis le jour de l'exécution de la reine le 16 octobre 1793, il y eut le pillage et la profanation de la basilique de St Denis ou les restes mortels des souverains français depuis Dagoberts furent jetés dans une fosse commune.
Nous verrons comment les différentes lois décrétées essayèrent de faire disparaitre la foi en France
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III Quelques personnes liées au carmel de Compiègne
Lors de l'anniversaire de la mort de Madame Elisabeth, nous avons vu que Louise-Marie de France, dixième enfant de Louis XV était entrée au carmel de Saint-Denis pour obtenir le salut de son père. Dieu l'avait exaucée. En mai 1787, apprenant que Louis XVI avait nommé Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, irréligieux et libertin, comme principal ministre, elle se serait écriée avant de s'aliter et mourir 7 mois plus tard : ‘' La France est perdue''
Madame Lidoine, future prieure, ne dut la possibilité de rentrer au carmel de Compiègne qu'à la bienveillance de Louise-Marie de France, qui, devinant la solidité de sa vocation, demanda à l'épouse de son neveu, la future reine Marie Antoinette de pourvoir à sa dote.
C'est encore Marie Antoinette qui eut connaissance de la vocation d'une jeune veuve très fortunée, madame Crétien de Neuville, en religion sœur Julie-Louise de Jésus qui voulait entrer au carmel de saint Denis, et qui l'orienta vers celui de Compiègne assurant la survie de cette congrégation. C'est elle qui composa à la Conciergerie un cantique sur l'air de la Marseillaise pour encourager ses consœurs au martyr.
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IV Le songe mystique
Peu après son élection comme prieure du carmel de Compiègne en 1786, Madame Lidoine prit connaissance d'un étrange songe qu'eut une jeune fille à demi paralysée, en 1694, juste avant son entrée au noviciat ou elle prit le nom de sœur Elisabeth-Baptiste. La carmélite infirme avait vu en songe la communauté appelée ‘'à suivre l'Agneau dans sa totalité à 2 ou 3 exceptions près''. William Bush précise : ‘'Ainsi préparée de longue date au rôle qu'elle devait jouer à la fin, guidée d'ailleurs par l'Esprit de Dieu, Madame Lidoine décelait dans tout ce qui lui arrivait une signification qui aurait pu échapper au regard de tout autre. L'appel apostolique du songe mystique a résonné dans son âme de carmélite. ‘'
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V Quelques-unes de ces carmélites.
Madame Pelras, en religion sœur Marie Henriette, femme de caractère, d'une grande beauté, quitta la congrégation de Nevers pour ne plus être exposée au regard des gens de l'extérieur et entra au cloître. En insistant, pendant le procès, elle obtint de l'accusateur public du Tribunal révolutionnaire le sens qu'il donnait au mot ‘' fanatique ‘' : C'est en raison de leur ‘'attachement à leur religion'' qu'on les considérait comme ‘'criminelles et destructrices de la liberté publique''. Elle assista Madame Lidoine, au pied de la guillotine et fut exécutée l'avant dernière, juste avant la prieure.
Marie-Geneviève Meunier, en religion sœur Constance : Elle prit l'habit le 15 décembre 1788, mais ne put prononcer ses vœux l'année suivante car le 28 octobre le décret ordonnant la suspension provisoire des vœux de religion empêcha cette profession. La supérieure se soumit au décret permettant à la communauté de recevoir les subsides que l'état fournirait puisque le 2 novembre suivant les biens de l'Eglise furent confisqués. Elle s'opposa à la volonté de sa famille, eut pendant quelque temps une grande crainte de la guillotine, et désignée comme la première à monter les marches de l'échafaud, elle le fit en entonnant le ‘' Laudate Dominim omnes gentes'' cantique que reprirent à sa suite toutes les autres religieuses en attendant de monter à l'échafaud.
Anne Marie Madeleine Thouret, en religion sœur Charlotte de la Résurrection était la doyenne des religieuses. Elle avait 78 ans, marchait avec des béquilles. Lorsque les religieuses furent transférées de Compiègne à la Conciergerie, comme elle peinait à descendre de la charrette, un garde la prit à bras le corps et la jeta au sol ou elle resta inanimée. Elle se releva avec peine, le visage ensanglanté et remercia le garde de ne l'avoir pas tuée, lui permettant de continuer à partager le sort de sa communauté.
Madame Hanisset, dont nous soulignons simplement le nom en religion, sœur Thérèse du Cœur de Marie, suivant l'inspiration de saint Jean Eudes et le culte publique du Cœur de Marie en France.
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VI La progression antichrétienne de la Révolution
La suppression définitive de tous les vœux de religion fut votée le 13 février 1790. Le 14 avril il fut décidé que les biens de l'Eglise confisqués le 2 novembre seraient à la disposition des départements, et qu'il leur reviendrait d'en faire l'inventaire. Ce fut les 4 et 5 Aout 1790 que la clôture du carmel fut violée, l'inventaire réalisé, et que toutes les religieuses manifestèrent leur volonté de rester religieuse. Le 16 octobre il fut décidé que les religieuses recevraient une pension. Elles durent prêter le serment civique imposé au clergé le 27 novembre pour la recevoir, à l'exception de sœur Constance, non officiellement religieuse .
Le 6 avril 1792, Vendredi saint, on supprima les congrégations enseignantes et le port de l'habit religieux. La fête de Pâques cette année fut la dernière grande fête des instituts religieux et Madame Lidoine présenta alors à la communauté l'idée d'aller ensemble ‘'suivre l'Agneau''. Le 25 avril, on inaugura la machine à décapiter instantanément, la guillotine, la machine pour l'égalité devant la mort. Le 20 juin premier anniversaire de la fuite à Varenne, le roi dû se coiffer du bonnet phrygien, emblème des forçats condamnés aux galères dont certains de Marseille se trouvaient à Paris. ‘'Leur ancien emblème d'ignominie était devenu le symbole du conformisme nouveau ‘' écrivit William Bush. Plus de 230 ans plus tard, il règne encore partout en France.
Le 4 aout on décida de la fermeture de tous les monastères féminins puis peu après, la saisie de tout le mobilier qui n'eut lieu au carmel que le 12 septembre suivant. Entre temps, le 14 aout, les carmélites durent prêter le serment de ‘' Liberté Egalité'' pour continuer à toucher leur pension. Puis il y eut les ‘' massacres de septembre ‘', soigneusement organisés dans plusieurs lieux de détention parisiens, qui, au dire d'un témoin oculaire ‘'dépassèrent en horreur presque tout ce que l'on peut trouver en histoire de l'Europe. ‘' C'est le 12 septembre, qu'on saisit tout ce qui avait été inventorié 2 ans plus tôt. Il fallut trouver des habits civils et des logements, et les 20 carmélites quittèrent leur couvent le 14 septembre 1792, en la fête de l'Exaltation de la sainte Croix. Elles portaient un bonnet qui couvrait la tête mais laissait dégagé leur cou.
Les carmélites se divisèrent alors en 4 associations, logées à Compiègne dans des appartements séparés. Elles furent réduites à 19, fin octobre 1792, avec le décès par maladie de Madame d'Hangest, en religion sœur Pierre de Jésus, puis 16 vers fin mars 1794, avec le départ pour des raisons d'assistance familiale des Dames Philippe, Legros et Jourdain.
Jusqu'à la fin novembre 1792, elles eurent la messe quotidienne célébrée par l'abbé Courouble, aumônier non jureur, à l'église saint Antoine que mettait à sa disposition l'abbé Thibaux, prêtre jureur. A la fin de la messe, elles renouvelaient leur acte de consécration. Pour sauver sa tête, l'abbé Courouble dû s'enfuir en Belgique et ne revint qu'épisodiquement et en cachette auprès des carmélites.
Le 17 septembre 1793, la Convention vote la loi des suspects. Elle permet l'arrestation de ceux qui « n'ayant rien fait contre la Liberté, n'ont rien fait pour elle ».
Le 8 juin 1794, jour de la Pentecôte, eut lieu la fête de l'Être suprême, dirigée par Robespierre et abondamment représentée. Pour l'occasion la guillotine avait été déplacée et le sol recouvert d'une épaisse couche de terre pour atténuer l'odeur du sang décomposé et ne pas effrayer les bœufs qui tiraient le char de la Liberté.
2 jours plus tard, la loi du 22 prairial accentua la loi des suspects qui fut aggravée : le fait d'être ‘'accusé'' devenait une preuve de ‘'culpabilité''. 3 jours après, le 14 juin on installa la guillotine à l'actuelle place de la Nation. C'est là que moururent nos 16 carmélites.
A cette époque, madame Lidoine était à Paris pour s'occuper des affaires de sa mère. Elle y rencontra madame Philippe et ensemble, rue saint Antoine, elles virent passer la première charrette des condamnés. Madame Philippe nota que sa supérieure eut un frisson involontaire en croisant ce sinistre cortège, surtout que quelques condamnés semblaient les regarder avec insistance. En rentrant à Compiègne, le 21 juin, des sœurs vinrent à l'arrêt de la diligence pour avertir leur supérieure qu'une perquisition était en cours à leurs différents domiciles.
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VII Les carmélites en prison à Compiègne
Leur arrestation eut lieu le 22 juin 1794 et elles furent enfermées, dans l'ancien couvent de la Visitation. Les carmélites furent stupéfaites d'y découvrir celles qui restaient des bénédictines anglaises venant de leur monastère de Cambrai et incarcérées à Compiègne en septembre 1792. Malgré les barrières physiques et linguistiques, ces 17 religieuses en habit (4 étaient décédées en prison) découvrirent que sous l'aspect de femmes accoutrés de vieilles hardes râpées, se cachaient des carmélites qui chaque jour s'offraient ‘' Pour apaiser la terreur''.
Le comité de salut public local écrivit le 25 juin à Paris pour signaler les informations compromettantes trouvées lors de la perquisition des carmélites et le 12 juillet l'ordre arriva pour un transfert immédiat à Paris. Entre temps, grâce aux installations de l'ancien couvent, les carmélites avait reçu du maire, le matin, l'autorisation de laver leurs vêtements et en attendant, elles revêtirent les habits religieux qu'elles avaient emportés avec elles dans la prison. Lorsqu'à midi l'ordre du transfert fut communiqué aux carmélites, le maire ne put retarder le départ. Il porta sa mauvaise humeur du départ des carmélites en habit, pour interdire aux bénédictines anglaises, de conserver le leur au prétexte qu'ils étaient ‘'une offense aux regards républicains''. La Providence fit qu'après le départ des carmélites, dans la partie de la prison qu'elles avaient occupée, on trouva exactement, en nombre et en taille, les vêtements civils des carmélites permettant de vêtir les 17 bénédictines, qui devinrent ainsi les gardiennes de ces précieux vêtements. Les bénédictines arrivèrent en Angleterre le 5 mai 1795, et 100 ans plus tard, enchâssées comme de précieuses reliques, ce qui restait de ces vêtements retournèrent en France ou elles sont actuellement vénérées au carmel de Compiègne situé en dehors de la ville.
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VIII Le procès
Les carmélites arrivèrent à la Conciergerie l'après-midi du 13 juillet, veille du cinquième anniversaire de la prise de la Bastille. Pour économiser la poudre des feux d'artifice, poudre à canon qui manquait, il était prévu une illumination de l'ex-palais des Tuileries, siège de la Convention nationale. Au moment au commença cette illumination, un grand nuage noir couvrit instantanément tout le ciel de Paris.
Les carmélites restèrent prisonnières à la Conciergerie jusqu'au 16 juillet et furent jugées le 17 au matin. C'est pendant ces quelques heures de prison que Madame Chrétien de Neuville, grâce à l'aide de Denis Blot, ayant protégé la fuite du curé de Fadonville, assistant provisoire du geôlier, puis rescapé, put mettre sur papier une parodie de la marseillaise en 5 couplets dont elle reprit l'air. Voici le premier couplet.
‘' Livrons nos cœurs à l'allégresse, le jour de gloire est arrivé ; loin de nous toute faiblesse, voyant l'étendard arrivé, voyant l'étendard arrivé. Préparons-nous à la victoire ; Marchons tous en vrai conquérant, sous les drapeaux d'un Dieu mourant ; Courons, volons tous à la gloire ; Ranimons notre ardeur, nos corps sont au Seigneur. Montons, à l'échafaud et rendons le vainqueur.''
Chant complet a écouter avec ‘' .( https://www.youtube.com/watch?v=qv0F_IAyJXE ). A plusieurs reprises les carmélites le chantèrent ensemble.
Le jugement eut lieu dans deux salles baptisées l'une ‘' La Liberté'', l'autre ‘' l'Egalité'' . Au total ce jour il y eut 54 accusés et 40 furent condamnés et exécutés le jour même. Ce fut Gabriel Scellier, frère du maire de Compiègne, qui fut ce jour l'accusateur publique. Madame Lidoine défendit ses religieuses avec des répliques comme par exemple :
- Sur le recel d'armes : En sortant son crucifix de profession, elle répliqua : ‘' Voilà, voilà, citoyen les seules armes que nous ayons eu dans notre monastère ……''
- Sur son attachement à Louis XVI : ‘' Citoyen, si c'est là un crime, nous en sommes toutes coupables, et vous ne pourrez jamais arracher de nos cœurs l'attachement à Louis XVI et à son auguste famille. Vos lois ne peuvent défendre ce sentiment ; elles ne peuvent étendre leur empire sur les affections de l'âme. Dieu seul a le droit de les juger. ‘'
- Sur sa correspondance avec l'abbé Courouble aux Pays Bas autrichiens : ‘' Si donc il vous faut une victime, la voici : C'est moi seule que vous devez frapper. Mes sœurs sont innocentes. Elles n'ont rien fait ni rien pu faire que par mes ordres.'' Sceillier réplica immédiatement : ‘'Elles ont sucé ton lait. Elles sont tes complices. Elles périront toutes. ‘'
Les carmélites furent condamnées, au milieu de l'après-midi car coupables de : ‘' Former …des rassemblements et des conciliabules de contre révolution ‘' d'entretenir ‘' des correspondances avec les ennemis extérieurs de la France ‘' de posséder ‘'les cœurs signe de ralliement de la Vendée''
La toilette des condamnés (cheveux coupés pour dégager la nuque) et échancrure du col du vêtement, ne fut pas nécessaire compte tenu du bonnet porté par les carmélites suite à la prévoyance de leur supérieure. Les fouineuses en quête d'argent chez les condamnés ne trouvère ni la petite statue dissimulée par Madame Lidoine, ni le bréviaire de Madame Brard. Pour permettre aux sœurs de tenir jusqu'au soir Madame Lidoine échangea la pelisse de la sous prieur, Madame Brideau contre une tasse de chocolat.
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IX La traversée de Paris
Sitôt montée dans les tombereaux vers 17 heures, les carmélites entonnèrent le ‘'Miserere'', expression de la pénitence de David. La foule d'habitude hurlante, se taisait ; rappel d'un passé révolu ou l'on respectait les choses saintes. La psalmodie des vêpres puis celle des complies, suivie de l'office des défunts occupa une bonne partie du trajet. Ensuite il y eut le ‘' Salve Regina'' : Salut, ô Reine, Mère de Miséricorde, notre vie, notre douceur, et notre espoir, salut ! Les 24 prisonniers des autres tombereaux ne pouvaient qu'être touchés par le calme sans précédent qui environnait la marche du cortégé. Il y eut sans doute quelque part dans la foule, la main à peine levée d'un prêtre déguisé en un féroce sans culotte.
A l'arrivée place du Trône, la puanteur du lieu puis la vue de la guillotine fit entonner à la supérieure le ‘' Te Deum Laudamus'' ‘' C'est Vous que nous louons Ô Dieu'' qui dura jusqu'à la fin de l'installation des religieuses sur les bancs au pied de la machine, lui tournant le dos. Le bourreau se montra accommodant pour laisser à la prieure le temps d'achever les dévotions communautaires et de régler l'ordre d'exécution de sa communauté. Le bourreau, Charles-Henri Sanson, était opposé à la fois à la Terreur et à la guillotine. Le respect pour Dieu et pour le Roi était la pierre angulaire de leur profession. Madame Sanson, un an et demi plus tôt avait passé la matinée à prier devant des images saintes à prier pendant que son mari était dans l'imaginable obligation de mettre à mort le roi très chrétien.
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X ‘' Permission de mourir''
Le rituel de préparation des carmélites à la mort prévoyait le renouvellement des vœux monastiques après l'invocation du saint Esprit. Les religieuses entonnèrent donc le ‘' Veni Creator Spiritu ‘', puis renouvelèrent (ou prononcèrent pour le première fois pour sœur Constance ) leurs vœux. Madame Pelras l'infirmière de la communauté s'offre alors d'aider sa supérieure en aidant les sœurs à gravir les marches de l'échafaud.
Samson vient de se ceindre de son grand tablier de cuir, de jour en jour plus taché de sang humain. Tout est prêt.
Sœur Constance est appelée par la prieure. Elle s'agenouille, reçoit une dernière bénédiction de sa supérieure puis embrasse la petite statue en terre cuite de la Vierge à l'Enfant que la prieure cachait dans ses mains et d'une voix jeune et claire demande ‘' Permission de mourir, ma mère ? ‘' – ‘' Allez ma fille ‘'. Puis en commençant à gravir les marches de l'échafaud, entonne le ‘' Laudate Dominum, omnes gentes'', ‘' Louez le Seigneur tous les peuples ‘' cantique de louange que sainte Thérèse d'Avila chantait lors de la fondation d'un nouveau carmel. Ce cantique fut repris aussitôt par toutes les autre religieuses, honorant le nouveau carmel qui se créait maintenant au Ciel.
Les témoins furent impressionnés par le comportement de Sœur Constance qui montrait un visage rayonnant et après avoir écarté les bourreaux, s'approcha de la machine. Alors on lui lia les mains, l'attacha à la bascule. Elle senti ses pieds quitter le sol, ressenti un choc en même temps qu'elle entendit le premier coup sourd de ce choc lorsqu'elle fut à l'horizontale, sentit le bourreau ajuster sa position, entendit le déclic qui libérait le couperet et n'eut pas conscience du sifflement qui accompagnait la chute du couperet qui la mit en présence de son Créateur.
L'ordre d'exécution des carmélites ne nous est pas parvenu. Nous savons que Madame Piedcourt, 78 ans, en religion, sœur de Jésus Crucifié, pendant que duraient les préparatifs, dit à ses bourreaux : ‘' je vous pardonne de tout le cœur dont je désire que Dieu me pardonne ‘'.
L'avant dernière fut Madame Pelras, la jeune et belle infirmière de 34 ans qui aida toutes ses consœurs à gravir l'échafaud. Son apparition en plein jour, pendant que le chant du ‘'Laudate Dominum'' se faisait moins sonore, impressionna la foule toujours silencieuse. Madame Lidoine, sa prieure la contempla quelques instant, attachée à la bascule, les mains liées derrière le dos.
Avant de gravir la dernière, les premières marches, elle baise la statuette dans sa main, se signe, puis semble hésiter. Alors une femme pieuse, récupère subrepticement la petite statue qui parviendra ainsi jusqu'à nous. La foule contemple alors la tunique blanche et immaculée de la prieure. Mère Thérèse de Saint Augustin n'ouvre pas la bouche (Is 53, 7). Les bourreaux, éclaboussés de sang lient ses mains et l'attachent à la bascule. En un éclair, la prieure réalise qu'il lui est donné de participer au mystère de l'Agneau immolé dés la fondation du monde (Ap 13, 8), mystère plus ancien que le monde même. Son corps décapité culmine bientôt sur la pile des 15 autres martyrs ; mais il n'y a pas de temps à perdre, il y a encore 24 victimes à envoyer à la mort.
Ensuite il faudra transporter les quarante corps et leurs têtes, au cimetière de Picpus. Là chaque corps sera totalement dépouillé, car il faudra faire l'inventaire de chaque reste de vêtement jusqu'au dernier bas, jusqu'à l'ultime mouchoir. Ensuite les vêtements sont envoyés au lavage et distribués aux institutions publiques.
Ainsi les corps des religieuses furent mis à nu par des ouvriers ivres et jetés sur ceux qui se décomposaient là depuis juin dans cette immense fosse. Et William Bsh de conclure ce chapitre, mais pas son livre par ces mots : ‘' Ainsi que le corps très pur de leur Seigneur, Jésus-Christ avait été dépouillé sous les sarcasmes de la foule avant d'être élevé sur la croix afin d'y souffrir dans sa chair pour sa création, leur chair serait humiliée jusque dans la mort.
En fait de marque de respect, leurs reliques corporelles ne reçurent du monde pour lequel elles donnaient leur vie que la morsure corrosive de la chaux vive. Celle-ci recouvrit leur nudité, une fois accomplie la vespérale besogne''
Rappelons que Dieu agréa leur sacrifice puisque 10 jours après, Robespierre et ses amis étaient arrêtés et guillotinés le lendemain, mettant fin à la période de la terreur.
la petite statue en terre cuite de Notre Dame et l'Enfant Jésus .
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