Lorsque la Dame parlait des pécheurs, une grande tristesse était sur son visage

Dixième apparition de Lourdes
La mise en évidence de la source par Bernadette, guidée par la Dame s'était répandue dans toute la région. En effet, cela s'était passé le matin de bonne heure et ce 25 février était le jour du grand marché de Tarbes. (1200 mots)
Aussi, le soir même, nous dit Henri Lasserre, un grand nombre de visiteurs vint coucher à Lourdes pour s'y trouver le lendemain ; d'autres marchèrent toute la nuit et, aux premiers rayons du jour, à l'heure où Bernadette avait coutume d'arriver, beaucoup de personnes campaient en face de la Grotte, se pressant sur les rives du Gave, sur les tertres et sur les rochers. Le débit de la source était devenu important.
Quand la voyante, humble, paisible et simple au milieu de cette agitation se présenta pour prier, les populations s'écrièrent « Voilà la Sainte ! Voilà la Sainte ! » Plusieurs cherchaient à toucher ses vêtements, considérant comme sacré tout objet qui appartenait à cette privilégiée du Seigneur.
Mais Notre Dame veillait à préserver sa protégée de la tentation de la vaine gloire. Il était bon que l'enfant, au milieu de ces acclamations sentit qu'elle n'était rien et constatât, une fois de plus, son impuissance à évoquer par elle-même la Vision divine. Vainement, ce 26 février, elle pria, mais après sa longue prière, elle se releva et répondit avec tristesse à ceux qui l'interrogeaient que la vision d'en haut n'était pas apparue.
Le lendemain, 27 février, la foule est encore là. Bernadette arrive, allume le cierge qu'elle tient de sa main gauche et avec son chapelet lentement fait le signe de croix comme le lui a appris la Dame 15 jours avant. Au cours de sa seconde dizaine, son visage s'illumine et la foule comprend que la Dame vient d'apparaitre. Sa joie immense efface sa tristesse de la veille. On la voit embrasser le sol, elle expliquera que c'est en signe de pénitence. On la voit aussi se laver et boire à la source. Par moment on la voit radieuse et à d'autres on remarque son visage marqué par la souffrance. Elle expliquera après l'apparition, que son visage était calqué sur celui de la Dame ; lorsqu'Elle était heureuse, cela se voyait et son visage était par contre empreint d'une grande tristesse lorsque la Dame parlait des pécheurs. Qu'elle merveille de pédagogie mariale pour nous faire comprendre, par l'expression du visage de Marie, se reflétant sur celui de Bernadette, combien le péché est une offense à son divin Fils.
La mise à jour miraculeuse de la source avait été portée à la connaissance d'un certain Louis Bourriette, carrier de profession, quasi aveugle de l'œil droit suite à un accident de mine survenu 20 ans auparavant, qui avait tué son frère Joseph et l'avait gravement blessé au visage. Il appela sa fille et lui dit : ‘' Va me chercher de cette eau ; la sainte Vierge, si c'est Elle n'a qu'a le vouloir pour me guérir.'' Une demie heure plus tard, l'enfant apportait dans un vase, un peu d'eau encore sale et terreuse. ‘' Père, ce n'est que de l'eau boueuse'' ; ‘' Qu'importe'' dit le père qui se met à prier puis frotta avec cette eau son œil malade. Presque aussitôt il poussa un grand cri et se mit à trembler tant son émotion était grande. Un miracle s'accomplissait soudain. Bourriette continua à prier et à laver son œil et maintenant il distinguait nettement les objets.
Le lendemain ou le surlendemain, Il rencontre sur la place publique de Lourdes le docteur Dozoux qui n'avait cessé de lui donner des soins depuis l'origine de sa maladie. Il court à lui :
- Je suis guéri lui dit-il
Pas possible ! s'écrit le médecin. Vous avez une lésion organique qui rend votre mal absolument incurable. Le traitement que je vous faire suivre a pour but de calmer vos douleurs, mais il ne peut vous rendre la vue.
Ce n'est pas vous qui m'avez guéri, répond avec émotion le carrier, c'est la sainte Vierge de la Grotte.
Le docteur haussa les épaules. Que Bernadette ait des extases inexplicables, cela est sûr ; car je l'ai vérifié avec une infatigable attention. Mais que l'eau jaillie à la Grotte par je ne sais quelle cause inconnue, guérisse subitement des maux incurables, ce n'est pas possible.
Cela disant, il tire un agenda de sa poche et écrit quelques mots au crayon.
Si vous pouvez lire ceci, je vous croirai dit d'un air triomphant l'éminent docteur, qui se sentait fort de sa grande science et de sa profonde expérience médicale. Il avait d'une main, fermé l'œil valide de Bourriette et avait présenté à l'œil droit, qu'il savait entièrement privé de la vue, la petite phrase qu'il venait d'écrire. Les gens qui se promenaient sur la place s'étaient groupés autour d'eux.
Bourriette, de son œil naguère mort, regarde ce papier et il lit aussitôt, à haute voix et sans la moindre hésitation: ‘' Bourriette a une amaureuse incurable, et il ne guérira jamais ‘'.
La foudre tombant au pied du savant médecin ne l'eut pas plus stupéfait que la voix de Bourriette lisant ainsi, paisiblement et sans effort l'unique ligne une écriture fine tracée légèrement au crayon sur une page de l'agenda.
Je ne puis le nier, disait-il, c'est un Miracle, un vrai Miracle, n'en déplaise à moi-même et à mes confrères de la faculté. Cela me renverse, il faut bien se soumettre à la voix impérieuse d'un fait si évident et si en dehors de tout ce que peut la pauvre science humaine.
La guérison merveilleuse n'avait d'ailleurs fait disparaître ni les traces profondes, ni les cicatrices de son terrible mal, de sorte que chacun pouvait vérifier le Miracle qui venait de s'accomplir. Le carrier, presque fou de joie, en racontait les détails à qui voulait l'entendre.
Vers le soir, un grand nombre d'ouvriers de l'Association des carriers, dont Bourriette faisait partie, se rendirent aux Roches Massabielle et tracèrent dans le tertre escarpé qui se trouvait contre la Grotte un sentier pour les visiteurs. Devant le trou de la Source, déjà très forte, ils placèrent une rigole de bois, au-dessous de laquelle ils creusèrent un petit réservoir ovale, d'un demi mètre de profondeur environ, ayant à peu près la forme et la longueur d'un berceau d'enfant.
L'enthousiasme croissait d'instant en instant. Les multitudes allaient et venaient sur le chemin de la Source miraculeuse. Après le coucher du soleil, quand commencèrent à tomber sur la terre les premières ombres de la nuit, on vit que la même pensée était venue à une foule d'âmes croyantes, et la Grotte s'illumina tout à coup de mille feux. Les pauvres, les riches, les enfants, les femmes, les hommes avaient spontanément apporté des bougies ou des cierges. Durant toute la nuit on put voir de l'autre côté du Gave rayonner cette lueur clair et douce, ces milliers de petits flambeaux semés çà et là sans ordre visible et répondant sur la terre au scintillement et à l'éclat des étoiles qui parsemaient le firmament.
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Remercions Henri Lasserre qui, 10 ans après les apparitions, nous a fait revivre ces moments ou Notre Dame était venue sur notre terre de France, le pays ou son Fils était roi et avait délégué son pouvoir à son chef pour confirmer au monde la parole du successeur de Pierre, en proclamant Notre Dame l'unique personne au monde née sans la tache du péché originelle.