Je veux que l'on m'élève ici une chapelle.

Mosaïque de la purification de Marie et la présentation de l'Enfant Jésus au temple
Lourdes septième apparition
.
Le titre reprend la demande de Notre Dame de ce jour : Comme plus tard à Fatima, le 19 aout 1917 puis le 13 septembre, Elle demande que l'on construise une chapelle. Par contre à Lourdes la demande se fait plus précise : A la fin de l'apparition, Notre Dame dira à Bernadette : ‘' Et maintenant, ma fille, allez dire aux prêtres que je veux que l'on m'élève ici une chapelle''
La veille Bernadette était allée l'après-midi à la Grotte, mais Notre Dame ne lui était pas apparue. Le commissaire avait alors convoqué la voyante et ses parents pour renouveler ses menaces. Il venait de s'adresser à Bernadette en lui disant : ‘' Tu dis toi-même que la vision n'a plus lieu ; tu n'as plus rien à y faire'' et elle de répondre ‘' : J'ai promis d'y aller tous les jours de la quinzaine'' d'où la réponse exaspérée du commissaire : ‘' Tout cela ce sont des contes et je vous ferai tous mettre en prison si cette fille continue d'ameuter les multitudes avec ses simagrées ‘'
.
Effectivement il y a quelques jours, elle avait promis d'aller à la Grotte durant quinze jours, et cette promesse ne l'avait-elle pas faite à une Dame mystérieuse dont l'autorité transcendait celle de ses parents ? Que devait-elle faire ? Si l'on se réfère au mystère de la Purification, elle devait se soumettre à la loi du Décalogue, qui veut qu'un enfant obéisse à ses parents. Et c'est ce qu'elle fit, voici la suite en 1400 mots.
C'est plutôt ce qu'elle se proposait de faire, mais quand, l'après-midi, se rendant de nouveau à l'école, après qu'elle fut parvenue à quelques pas de la caserne de gendarmerie, elle a été arrêtée par une main mystérieuse qui l'empêcha d'avancer et l'entraîna vers la Grotte. C'est en vain qu'elle résista. Elle n'est pas responsable. Dieu a besoin d'elle pour nous mettre sous les yeux, dans un saisissant relief, la leçon du quatrième mystère joyeux.
En chemin, Bernadette demande qu'on aille lui chercher le cierge de sa marraine, dont elle se servait aux cérémonies de la Chandeleur. Cette demande trahit son dessein. Bientôt des enfants et des femmes la rejoignent. Et le « cortège » se rend à Massabielle. En avant, marche la voyante « calme, modeste et sereine », son cierge de Chandeleur à la main. Deux gendarmes, représentants de la Loi, tels deux acolytes, l'encadrent. Et la foule suit, composée d'une « cinquantaine de femmes, filles et petits garçons ».
Et de ce petit cortège, le symbolisme se dégage. Il évoque les processions qui se font le 2 février… Il évoque Marie, la mère par excellence, la femme qui a enfanté la lumière du monde, s'en allant au Temple pour une Purification dont elle n'a pas besoin, simplement par respect pour la loi.
Bernadette, arrivée devant la niche, se met à genoux, allume son cierge et récite le chapelet ; mais cette fois, la Dame ne vient pas. Après avoir prié longtemps, elle comprit qu'il n'y aurait pas vision, et elle en parut très affligée. « Je ne sais pas, dit-elle, en quoi j'ai manqué à cette Dame''.
‘'D'où viens-tu'' lui demanda son père au moment où elle rentra ; elle raconta la force mystérieuse qui l'avait poussée vers la Grotte, et ensuite elle n'y avait plus été attirée, nous dit Henri Lasserre lorsqu'il relate cet événement. ‘'Et tu dis,'' reprirent ses parents, ‘'qu'une force t'a emportée malgré toi ?'' ‘' Oui'' répondit Bernadette. Cela est vrai, pensèrent-ils, car cette enfant n'a jamais menti. Le père Soubirons réfléchit un long moment puis, comme s'il avait réalisé que la non apparition venait du fait qu'il avait fait passer l'ordre des autorités avant la demande de la Dame, il dit : ‘' Eh bien, puisqu'il en est ainsi, puisqu'une force supérieure t'a entrainée, je ne te défends plus d'aller à la Grotte et je te laisse libre''.
.
Le mystère de la Présentation est, avant tout, le mystère de la vocation de Jésus. C'est aujourd'hui qu'il se donne à son Père, sans réserve et sans retour. C'est aujourd'hui qu'il prononce les paroles qui résument tout le mystère de son Incarnation. « Vous n'avez voulu ni sacrifice ni offrande, mais vous m'avez formé un corps. Alors j'ai dit : Voici, je viens pour faire, ô Dieu, votre volonté ».
Et c'est aujourd'hui, 23 février que Bernadette entend le même appel et qu'elle y répond pareillement. « Tandis que je priais, raconte-t-elle elle-même, la Dame m'appela, je répondis : me voici ! » Puis Elle continua: '' J'ai à vous dire pour vous seule et concernant vous seule, une chose secrète. Me promettez vous de ne jamais la répéter à personne en ce monde ? '' '' Je vous le promets '' dit Bernadette .
L'état d'obéissance, de soumission, de totale oblation de Jésus à son Père va être exprimé par l'attitude d'absorption qui va caractériser plus spécialement aujourd'hui l'extase de Bernadette. Tout son être est comme suspendu à sa chère vision. « On aurait dit, déclare Estrade, qu'elle craignait de baisser les paupières, de peur de perdre de vue l'objet ravissant de ses contemplations. C'était un de ces êtres privilégiés, à figure céleste, que l'apôtre des grandes visions nous représente en extase devant le Trône de Dieu… »
Divers incidents marquèrent, à Jérusalem, la Présentation de Jésus. On va les voir se renouveler dans la quatrième Apparition joyeuse.
Un homme « juste et craignant Dieu », du nom de Siméon, fut poussé par l'Esprit-Saint à venir dans le Temple, à Jérusalem, à l'heure où les parents de Jésus y arrivaient eux-mêmes. Dès qu'il aperçut l'Enfant dans les bras de sa Mère, une secrète intuition lui révéla que c'était là le Messie attendu. Et c'est alors qu'il prononça l'émouvant cantique du Nunc dimittis. (Maintenant Seigneur tu peux laisser aller ton serviteur en paix)
Pareillement, l'Esprit-Saint, en la personne du Curé de Lourdes, poussa, le 23 février, M. Estrade, « homme juste et craignant Dieu », à se rendre à Massabielle. Immédiatement il fut sous le charme. Son émoi fut identique à celui de Siméon. Il publia son témoignage. « Je ne pouvais, a‑t-il écrit, retenir mon émotion… La Dame avait eu beau se voiler, j'avais senti sa présence… O heure solennelle de ma vie ! »
Et c'est à l'occasion du récit de cette Apparition qu'il entonne un cantique dont la contexture et les sentiments sont ceux du Nunc Dimittis : « O Mère, mes cheveux ont blanchi et je suis près de la tombe. Je n'ose arrêter mes regards sur mes iniquités et plus que jamais j'ai besoin de me réfugier sous le manteau de vos miséricordes. Quand, à l'heure suprême, je paraîtrai devant votre auguste Fils, daignez vous faire ma protectrice et vous souvenir que vous m'avez vu, aux jours de vos manifestations, à genoux et croyant, sous la voûte sacrée de votre Grotte de Lourdes ».
Le vieillard Siméon ne se contenta pas de chanter son propre bonheur, mais, se tournant vers la Mère de l'Enfant, il lui confia, concernant sa vocation, trois douloureux secrets : « Cet enfant est au monde pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. – Il sera un signe de contradiction. ‑Pour toi, ton âme sera transpercée par un glaive à deux tranchants ».
Et c'est aujourd'hui, pour continuer le parallèle, que trois secrets sont confiés à Bernadette. Des indiscrets ont cherché plus tard, par tous les moyens, à lui arracher les révélations de la Vierge. Peine perdue ! La fidèle enfant a emporté avec elle ses secrets dans la tombe. Mais ceux qui ont vécu en son intimité s'accordent à penser qu'ils avaient trait à sa vocation et à son existence, qui ne lui épargnera ni douleurs ni contradictions. Quoi qu'il en soit, le vieillard Siméon avait annoncé à Marie qu''' un glaive transpercerait son âme ». Or il est remarquable que le Ier mars, jour où se jouera à la Grotte le mystère du Crucifiement, un témoin lira sur le visage de Bernadette « une tristesse vive comme un glaive, profonde comme un abîme ».
Le 23 février, les spectateurs des Apparitions noteront seulement sur sa physionomie des sentiments « d'admiration, de joie, de crainte et de tristesse ». Ce sont bien là les émotions qui durent se faire jour dans l'âme de Marie, au jour de la Présentation :
- L'admiration : Le Père et la Mère de l'Enfant étaient, dans l'admiration des choses qu'on disait de lui.
- La joie et la tristesse : Cet Enfant a été établi pour la chute et le relèvement d'un grand nombre ‚en Israël.
- La crainte : Un glaive transpercera votre âme.
Comme les jours précédents, Bernadette s'étonnait que tout le monde n'entendît pas le dialogue ni ne vît point la Dame. ‘' La Vision parle assez haut pour qu'on l'entende, disait-elle ; et moi j'élève la voix comme à l'ordinaire ''. Or, durant l'extase, on remarquait bien les lèvres de l'enfant qui s'agitaient, mais c'était tout : On ne distinguait aucune parole.
Signalons enfin que c'est encore aujourd'hui que Bernadette trace sur elle, « par intervalles, ces signes de Croix si pieux et si nobles, comme on ne peut les faire qu'au Ciel », ces signes de Croix qui résument toute la Passion – cette Passion qui point déjà lugubrement au matin de la Présentation de Jésus au Temple…