Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ?
Troisième apparition de Notre Dame à Bernadette.
Le titre est la traduction française d'une des paroles prononcées par Notre Dame au cours de cette apparition ou Elle s'est exprimée pour la première fois et ou aussi, un cierge a brûlé à la grotte de Massabielle, mais ce n'est pas Bernadette qui le portait. Notre Dame a dit à Bernadette : ‘'Boulét mé hé éro gracia dé bié penden quinzé dios ?'' ‘'Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ? ‘' Comment ne pas faire le lien entre ce nombre de rendez-vous annoncé par la Vierge et le titre que Notre Dame se donnera à la fin du cycle des apparitions de Fatima : ‘'Je suis Notre Dame du Rosaire.'' Voici ci-dessous, en 2300 mots, les circonstances de cette apparition.
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Les enfants qui avaient quitté Bernadette le dimanche précédent au moulin de Savy étaient rentrées à Lourdes en semant sur leur passage le récit des choses extraordinaires dont elles avaient été témoins. Le récit fut accueilli généralement avec scepticisme. On prononçait les mots d'illusion ou d'exaltation.
Quelques-uns pourtant se dirent : « C'est une âme du purgatoire qui vient demander des prières ».
Une jeune fille à robe et voile, blancs, comme ceux des congréganistes, c'était sans aucun doute une enfant de Marie ; et l'enfant de Marie assez favorisée de Dieu, ne pouvait être que l'ancienne présidente de la Congrégation, récemment décédée, Elisa Latapie. Sa mort avait été un deuil public à Lourdes. Or, parmi les enfants de Marie, particulièrement attachées à Mlle Latapie, se trouvait Antoinette Peyret. Etant chez Jeanne-Marie Millet, chez qui la mère de Bernadette allait laver du linge pour gagner un peu d'argent, elle lui fit part de ses impressions et de son inquiétude. Chez les Soubirous, Me Millet obtint d'accompagner Bernadette à la grotte le dimanche suivant, (21 février) mais suite à de nouvelles supplications le 17, c'est au petit matin du jeudi 18 février que Bernadette se rendit avec Jeanne-Marie Millet qui portait un cierge pour l'allumer sur place, et Antoinette Peyret avec du papier, une plume et de l'encre ‘' Pensant comme tant d'autres que notre présidente Elisa Latapie venait demander des prières, et ne sachant que faire de mieux pour m'assurer de la vérité, j'avais imaginé de porter à la Grotte ce qu'il fallait pour que l'Apparition mît par écrit ce qu'elle désirait ».
Pres de la grotte, Bernadette prit les devants. ‘'Elle descendit comme un éclair, nous dit Antoinette Peyret. Pour nous, il fallut quasi nous asseoir et avancer péniblement, posant un pied et puis l'autre. Quand nous fûmes en bas, nous trouvâmes Bernadette qui nous attendait. Nous tournâmes le rocher et allâmes devant la niche. Bernadette s'agenouilla sur une pierre plate. Nous la mîmes au milieu, moi à sa gauche, Mme Millet à sa droite ; j'avais allumé le cierge et j'en abritais la flamme au grand roc qui était près de moi. Nous prîmes notre chapelet, et chacune le récita tout entier à voix basse. Bernadette était très recueillie, le regard vers la niche. A peine venions-nous de commencer à prier qu'elle nous dit : « Elle y est ». Nous lui dîmes : « Tais-toi, récitons le chapelet ».
« J'achevai la première et me levant, je dis à Mme Millet : nous allons faire passer le papier à cette dame. Je tire le papier, l'encre et la plume et je dis à Bernadette : ‘'Va demander à la dame ce qu'elle veut, et qu'elle le mette par écrit'' ».
La voyante se lève donc et se dirige vers le rocher. Dans ses mains elle tient le papier, la plume et l'encre. Comment va-t-elle faire pour les présenter à la Dame ? La niche est si élevée ! Son embarras sera de courte durée, car dès les premiers pas, elle observe que la Dame, qui a deviné ses intentions, recule dans la niche et s'enfonce dans le couloir intérieur. De sorte que lorsque l'enfant arrive près du bloc de pierre en forme de table qui se trouvait alors à l'entrée de la Grotte, l'Apparition se présente à elle dans l'ouverture qui perce la voûte, lui faisant signe du doigt d'approcher. L'enfant s'avance sans trouble et sans crainte. La Dame se laisse alors couler sur le sol et vient à sa rencontre.
« Nous allions suivre Bernadette, poursuit Antoinette Peyret, et nous fîmes deux ou trois pas derrière elle, mais, sans se détourner, elle nous fit signe de la main droite. Nous comprîmes qu'il ne fallait pas avancer et nous allâmes nous cacher, agenouillées derrière le rocher, du côté du sentier. De l'endroit où nous étions, nous voyions cependant ce que faisait Bernadette ».
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La Reine du Ciel et la pauvre fille de François Soubirous le meunier se trouvaient face à face sur le même plan. L'enfant était ainsi glorieusement vengée. On avait raillé à Lourdes ceux qui timidement avaient avancé que la Dame mystérieuse pourrait bien être la Sainte Vierge. « Pour sûr, avait-on dit, que la Sainte Vierge va venir rendre visite à Mademoiselle Soubirous ! » C'est pourtant ce qui avait lieu.
La Mère de Dieu avait quitté le ciel pour cette enfant que rien ne recommandait aux yeux du public même bienveillant, et estimant que la niche où elle apparaissait la tenait encore trop éloignée, elle en était descendue. Et ce fut l'heure d'un colloque amical, comme entre deux sœurs heureuses de se rencontrer. Marie s'entretenait familièrement avec Bernadette.
Bernadette ne nous a livré que peu de paroles de l'entretien, mais ces paroles nous suffisent. Elle posa les objets qu'elle tenait en mains sur le roc, et dit avec simplicité « Si vous venez de la part de Dieu, veuillez me dire ce que vous désirez, sinon, éloignez-vous ». Notre-Dame ne va point se formaliser de la naïve sommation. « J'eus à peine fini la première partie de ma question, dit l'enfant, qu'elle me sourit gracieusement. Après les derniers mots, son visage s'assombrit et elle secoua la tête ». Elle dit non ! avec une expression d'horreur quand on semble supposer qu'il puisse y avoir quelque chose de commun entre elle et l'Esprit mauvais. La voyante insista et montrant l'encrier : « Voulez-vous avoir la bonté de mettre votre nom par écrit et de me dire ce que vous désirez ». Loin de se fâcher, la Dame se mit à « rire » et répondit : « Ce que j'ai à vous dire, il n'est pas nécessaire que je le mette par écrit. Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ? »
« Je viendrai, je demanderai permission à mes parents » répondit Bernadette.
Puis gardant toute sa présence d'esprit, et se rappelant que ses deux compagnes, privées de l'entretien, attendaient le résultat du message, elle revint vers elles pour le leur communiquer, faussant ainsi compagnie à Notre-Dame, qui ne va point s'en formaliser. « Mais pourquoi la Dame veut-elle que tu viennes ? » demanda Antoinette Peyret. – « Je l'ignore, elle ne me l'a pas dit ». De l'endroit où l'enfant se tenait, elle ne perdait pas de vue l'Apparition.
Elle remarqua que la Vierge reposa un long moment son regard chargé de tendresse sur la Congréganiste : « Elle te regarde en ce moment », dit-elle à Antoinette Peyret. – « C'est peut-être le cierge qu'elle regarde » répondit Mme Millet. – « Non ! C'est bien Antoinette Peyret qu'elle regarde, et elle la regarde en souriant ». (Rappelons qu'Antoinette Peyret est membre de la Congrégation des enfants de Marie). Humiliée sans doute par cette faveur qui ne lui était point destinée, et accablée par des souvenirs pénibles de sa vie passée, Mme Millet reprit : « Ah ! de grâce, Bernadette, demande-lui si ma présence ne lui est pas importune ». L'enfant, qui allait et venait, comme une sorte de médiatrice entre les deux mondes, gardant la même tranquillité, soit qu'elle traitât face à face avec la Dame lumineuse, soit qu'elle redescendît en ce bas monde, jusqu'au repli du roc derrière lequel se cachaient ses deux compagnes, partit interroger l'Apparition, puis elle revint et s'adressant à Mme Millet : « La Dame, dit-elle, a répondu : sa présence ne m'est pas désagréable ».
L'enfant retourna sous la voûte de la Grotte. Elle parut se livrer avec la vision à un nouveau colloque intime dont on connaît les derniers mots : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l'autre ». Cela dit, Notre-Dame s'éleva vers la voûte et disparut.
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On demanda plusieurs fois à Bernadette si l'Apparition ne l'avait jamais appelée par son nom de Bernadette ; si elle lui avait dit quelquefois : ma fille, mon enfant. Bernadette a répondu : « Elle ne m'a jamais appelée par mon nom, ni autrement : elle m'appelait vous ».
« Un jour, raconte encore Jean Baptiste Estrade, que Bernadette causait avec nous au salon, je lui adressai cette question : « Dis-moi : est-ce que la Dame de la Grotte te parle français ou patois ? – Oh ! patois… – Bah ! tu veux qu'une dame d'un rang si élevé sache parler patois ? – Mais oui… » Puis avec fierté : « Et le patois de Lourdes encore, qu'elle parle… »
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Voulez-vous me faire la grâce… le timbre de voix de Notre-Dame était infiniment doux. Il frappait sans doute les oreilles de la voyante, mais « il semblait surtout, dit Bernadette, que le son des paroles arrivait ici ». Et ce disant, elle posait la main sur sa poitrine.
Elle dit « Voulez-vous ?.. » La Reine du monde aurait pu intimer un ordre. Elle l'eût peut-être fait à l'égard d'une fille de roi. Mais elle s'adresse à une fille de meunier, et elle donne à son commandement la forme et l'accent de la prière. Quelle leçon pour tous ceux et celles qui détiennent quelque parcelle d'autorité ! Qu'ils apprennent à dire à l'école de Notre-Dame, non pas « Je veux », mais « Voulez-vous ?… ».
« Voulez-vous me faire la grâce ?… » Il ne suffit pas à la Dame de faire appel au libre arbitre de sa voyante. Elle se reconnaît d'avance son obligée, là pourtant où tout l'honneur et toute la joie seront pour la servante. Voulez-vous me faire la grâce ?… Peut-on concevoir forme de demande plus aimable et plus suave ? Rien dans cette formule qui sente l'artifice, la mignardise ou la préciosité, mais la fleur de la délicatesse la plus exquise. « Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ?… » La merveilleuse perspective ! Les minutes de vision que Bernadette passait à la Grotte et qui, à ses yeux, valaient un siècle de félicité, allaient se renouveler quinze fois. Et à chacune des quinze visites, Elle lui commenterait, à sa façon, l'un des quinze mystères du Rosaire.
Il suffira à l'enfant de venir à la Grotte avec candeur et bonne volonté. Néanmoins, la Dame sollicite un consentement. Alors qu'elle comble sa voyante, elle a l'air de lui demander un service. Et parce que l'enfant a promis de venir, si ses parents le lui permettent, voici tout aussitôt la récompense :
« Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse dans ce monde, mais dans l'autre »
Même à ses privilégiés, la Reine des Martyrs ne peut promettre le bonheur dans ce monde, parce qu'elle ne peut bouleverser l'ordre providentiel qui veut que, depuis la chute, la terre soit pour tous une vallée de larmes. Mais qu'importe ? Cette terre n'est pas un but. Et les souffrances de la vie ne peuvent que nous apparaître désirables quand, par elles, la conquête du but nous est mieux assurée. Combien privilégiée, celle à qui il a été dit : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse dans ce monde, mais dans l'autre ». Elle comprit d'ailleurs que cette promesse serait subordonnée à sa fidélité.
Un jour, un missionnaire de Garaison (Sanctuaire marial à Monléon-Magnoac dans les Hautes-Pyrénées) lui dit pour l'éprouver : « Puisque la Dame t'a promis de te rendre heureuse dans l'autre monde, tu n'as plus à t'inquiéter de rien, et tu peux te reposer tranquillement sur cette promesse ». – « Ho ! Ho ! Monsieur le Curé, répliqua la voyante, comme vous y allez ! Je serai heureuse, oui ; mais si je fais comme il faut, et si je marche droit mon chemin ».
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Déjà, nous prenons espoir, puisque la Dame de la Grotte nous signifie en la personne de Madame Millet, que notre présence ne lui est pas désagréable et que rien n'empêche que nous demeurions dans le rayonnement de sa maternité. Mais nous aspirons à une faveur meilleure. Nous voudrions que son regard se repose amoureusement sur nous comme sur Antoinette Peyret.
A vrai dire, cela dépend de nous. Pourquoi Antoinette Peyret fut-elle si prodigieusement favorisée ? Parce qu'elle était Enfant de Marie. Parce qu'elle s'était confiée à la protection de la Mère des hommes, et parce qu'elle avait choisi comme idéal de suivre son sillage. A tous ceux qui imitent Antoinette Peyret, la voix de Bernadette donne cette assurance : « Elle te regarde et elle te sourit ». Alors, à tous ceux qui répandent la dévotion réparatrice des 5 premiers samedis du mois, qui consolent ainsi Notre Dame comme Elle l'a dit le 10 décembre 1925 à Pontevedra, Notre Dame, du haut du Ciel, a un regard particulier : ‘'Elle les regarde, Elle leur sourit''.
« Enfant de Marie » ! Voilà un signe certain de prédestination. Voilà la garantie précieuse que nous n'avons pas à redouter la colère du ciel, mais au contraire que nous pouvons tout attendre de sa bienveillance. Titre qui confère avec la Mère du divin Juge une telle parenté, que dans ses Apparitions de Massabielle, elle a voulu, pour nous le mieux signifier, porter la livrée des Enfants de Marie.
L'on ne sait pas assez, en effet, que le costume de la Dame de la Grotte rappelait assez exactement celui des jeunes filles de Lourdes qui, le jour de leur admission dans la Congrégation, en prononçant l'acte qui les consacrait, passaient à leur bras un chapelet nouvellement bénit, et étaient revêtues d'une robe blanche serrée à la ceinture par un ruban bleu.
L'invitation que la Mère de miséricorde nous adresse de cette manière est aussi discrète qu'émouvante. Qui ne voudrait l'entendre et y répondre ?…
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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6