Sainte Jeanne-Elisabeth Bichier des Ages - Chapitre 1

Le petit âne progresse lentement sur le sentier dont on devine à peine le tracé, dans la nuit noire. La jeune fille, drapée dans la mante sombre des femmes du pays, l’encourage d’une voix étouffée. Inquiet, son serviteur chemine à ses côtés. Il doit veiller sur elle. Il sait que rien n’a pu ébranler sa détermination, même pas le danger. Voici des années que Jeanne-Elisabeth est privée de confession et de communion. Or elle a appris qu’une messe allait être célébrée en cachette, dans une grange de la ferme des Marsyllis. Quinze kilomètres qui s’étirent dans l’obscurité.  Elle n’a pas hésité.

Tandis que, pas à pas, sa monture avance dans la nuit, elle se remémore sa courte vie. Nous sommes en 1798 et elle a seulement vingt-cinq ans. Avec tendresse, elle évoque les belles années de son enfance heureuse au château des Ages, près du Blanc, dans l’Indre, en compagnie de ses parents et de ses frères. Grâce à eux, elle a rencontré ce Dieu qui, très jeune, l’a attirée vers Lui. Elle venait de terminer ses études à Poitiers et de retrouver sa famille lorsque la tourmente de la Révolution s’est abattue sur le pays.

Années tristes : son père décède en 1792, son frère aîné émigre ce qui rend la famille suspecte. Avec sa mère, elle doit quitter les Ages. Toutes deux, elles s’installent au Blanc.

Hélas ! Pour avoir refusé l’invitation du Comité Révolutionnaire à incarner la Déesse Raison, Jeanne-Elisabeth est emprisonnée à Châteauroux. Un de ses  frères réussit à la faire libérer, mais elle a, par prudence, déménagé une nouvelle fois pour s’établir, avec sa mère, dans leur propriété de La Guimetière à Béthines, village de la Vienne proche de Montmorillon. Et justement, c’est le vieux serviteur de la Guimetière qui lui a confié qu’un curé, un vrai, pas un assermenté, allait dire la messe. « On dit que c’est un saint » chuchote-t-il. Il se cache, les gendarmes le cherchent.

Ce prêtre réfractaire qui va jouer un rôle déterminant dans la vie de Jeanne-Elisabeth s’appelle Pierre-Hubert Fournet. Curé de Saint-Pierre de Maillé, il a refusé de prêter serment à la Constitution Civile du Clergé(1) et s’est d’abord exilé en Espagne. Depuis peu, il est revenu dans son Poitou natal, vivant dans la clandestinité et célébrant des messes la nuit, ici ou là…

Jeanne-Elisabeth et son compagnon sont en route depuis plus de trois heures quand, enfin, dans un endroit désert, ils aperçoivent le vantail d’une porte de grange. On se glisse par la petite porte. La grange est pleine, paysans, paysannes, quelques adolescents. Le prêtre s’apprête à dire la messe sur une table de cuisine recouverte d’un linge blanc. Les deux arrivants se mêlent à la foule et prennent part à l’Eucharistie. Après la messe, le prêtre s’apprête à confesser les participants qui se pressent autour de lui. Mais ils s’écartent bientôt pour laisser passer Jeanne-Elisabeth. Le dialogue suivant est parvenu jusqu’à nous :

« - Croyez-vous, Mademoiselle, que je vais laisser pour vous entendre, ces mères de famille et ces paysans venus de plusieurs lieues pour réclamer mon ministère ? 

- Mon Père, il suffira que vous consentiez à m’écouter après eux, j’attendrai. »

L’attente commence et dure longtemps. La jeune fille se confessera la dernière, presque à l’aube. Une aube qui verra poindre pour elle un nouvel avenir.

 

(1) La Constitution Civile du Clergé, décrétée en 1790, rattachait l’Eglise de France à la nation et au Roi, la soustrayant à l’autorité du Pape. La moitié des prêtres prêtèrent serment, l’autre ainsi que la grande majorité des évêques refusèrent. Dits réfractaires, ils se réfugièrent dans la clandestinité.

 

Cet épisode de la vie de Sainte Jeanne-Elisabeth semble d’une actualité brûlante. Combien de chrétiens vivent aujourd’hui, soit dans la clandestinité, soit dans la peur constante du danger. Chrétiens d’Orient, d’Egypte, d’Afrique, d’Inde et d’ailleurs, ils continuent à vivre leur foi avec la même détermination que le firent Sainte Jeanne-Elisabeth et tous les participants à la messe de cette nuit-là. Bravant le danger. Avec une infinie confiance en Dieu.

Toute la nuit, ils se sont confessés. A des lieues de leur domicile, malgré la fatigue, le manque de sommeil, l’incertitude du chemin de retour, la confession leur a semblé le sacrement indispensable à leur bonheur. Joie de la rencontre avec la Miséricorde divine. A plus de deux siècles de distance, ces paysans de la Révolution ne nous interpellent-ils pas ? Attachons-nous la même importance qu’eux à ce sacrement du pardon ? Il est pourtant à notre portée, la rencontre avec le Seigneur nous est facilitée. Or nous le négligeons souvent… 

Prions avec Marie, Mère de Dieu. Prions la Vierge Marie pour les Chrétiens persécutés aujourd’hui. Prions pour que le Seigneur ravive notre foi et nous entraîne, joyeux, à sa rencontre en demandant le Sacrement de la Réconciliation.

Prions avec Marie en cliquant sur le bouton "je prie".

Prière de la communauté

Je vous salue Marie

Je vous salue Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus le fruit de vos entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen.