Ce sont de belles lectures pour ce temps estiva, dans lesquelles le Seigneur nous dit :
Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ?
Quand la Bible nous parle des vacances :
C’est intéressant de voir que le repos dans la Bible n’est pas une inaction, mais il est vu au contraire une contemplation. Une contemplation des dons de Dieu, une contemplation de l’œuvre de Dieu dans le récit de la Création, mais aussi comme quelque chose qui nous rend meilleurs, qui nous permet de découvrir la gratuité avec laquelle le Seigneur nous comble de Ses bienfaits.
Car il s’agit bien de gratuité tant dans la première lecture que dans l’Evangile :
Vous n’avez pas d’argent ? venez acheter et consommer !
On aimerait qu’il y ait beaucoup de publicités qui nous reprennent ce verset du livre d’Isaïe ! Malheureusement, lorsque l’on sort faire des courses, c’est bien de l’argent qu’il faut sortir… C’est pour nous dire qu’il s’agit d’une autre réalité. Il s’agit d’une réalité spirituelle :
Venez prendre ce qui vous rassasie, venez prendre ce qui vous nourrit.
Se reposer, c’est accepter de découvrir ce qui nous rassasie : qu’est-ce qui me nourrit. Ce n’est pas facile de savoir ce qui nous repose profondément. Ce n’est certainement l’accumulation d‘activité, au risque de tomber dans la frénésie : tout ce que l’on a pas pu faire durant l’année scolaire, on va le faire maintenant, allant de visite en visite, de voyage en voyage. Est-ce vraiment cela qui nous repose ? Il faut apprendre à discerner ce qui nous repose, ce qui refait nos forces, ce qui nous recrée – de récréation.
Le Seigneur nous invite à découvrir la gratuité des dons de Dieu. Très certainement, ce temps estival nous est donné pour découvrir cela de façon plus contemplative car nous n’avons pas l’exigence des horaires quotidiens, que ce soit au travail, dans la vie familiale, la vie scolaire, ces contraintes sont moins fortes au cœur des vacances : on a une certaine latitude. Alors, sans doutes pourrions-nous en profiter pour méditer sur ce passage du livre d’Isaïe et rentrer dans une certaine contemplation, dans une certaine gratuité, un certain émerveillement face à la création, face aux personnes. N’est-ce pas ça se rassasier, se ressourcer profondément.
Et le prophète Isaïe – et c’est encore plus vrai aujourd’hui avec la société de consommation – nous invite à mettre l’accent sur cette contemplation qui refait nos forces, qui nous repose, qui nous recrée, qui fait de nous des personnes nouvelles, pour reprendre force pour le chemin.
C’est aussi un peu ce que le Seigneur voulait faire : partir en barque pour un endroit désert à l’écart. Comme nous le dit le Seigneur dans certains passages de l’évangile :
Venez à l’écart vous reposer un peu.
C’est souvent à ce moment là que, sa renommée le précédant, des foules le suivent à pieds et débarquant, Il est pris de pitié et de compassion.
Mais là encore, dans ce récit de la multiplication du pain, il est fait allusion à une certaine gratuité. Tout d’abord dans l’attitude des apôtres lui-même, car Jésus leur demande d’apporter ici ce qu’ils ont :
« Donnez-leur vous-même à manger ! »
« Mais nous n’avons que cinq pains et deux poissons… »
« Apportez-les ! ».
Quelle est la place de la gratuité dans notre vie ?
La gratuité, c’est aussi une certaine confiance, un décentrement de nous-même, alors que nous sommes tellement occupés de notre personne, de voir notre besoin et de nous mettre au centre de nos actions, en disant « Donnez-leur vous même à manger », le Seigneur signifie « Apportez ce que vous avez, offrez-le ».
De même que le prophète Isaïe nous dit « Prenez et buvez sans payer, reconnaissez les dons de Dieu. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ! »
Et l’on pourrait se poser la question : ces cinq pains et ces deux poissons ne représentent-ils pas ce temps des vacances lui-même ? ne peuvent-ils pas être le moment de visites gratuites de personnes que l’on ne voit pas habituellement, car elles sont loin ? C’est aussi cela, offrir ces 5 pains et 2 poissons : avoir cette attention à l’autre qui me permet d’être plus proche et de vivre la communion avec celui que je ne rencontre pas quotidiennement car il habite loin de chez moi. C’est cette découverte de la communion qui va refaire nos forces.
Et le Seigneur nous demande d’offrir ce que nous avons : « Apportez-les moi ! », c’est à dire, « N’ayez pas peur ! ». Offrir, c’est la condition pour que notre vie soit féconde. Offrir, s’offrir soi-même, perdre. Perdre pour gagner. Car c’est en perdant qu’on reçoit, nous dit la très belle prière de Saint François d’Assise.
Oui, frères et sœurs, nous pouvons être invités durant ce temps estival à nous poser la question : Quelle place allons-nous laisser au décentrement de nous-mêmes, quelle place allons-nous laisser à la confiance ? Ou est-ce que tout est déjà programmé, millimétré, bien organisé, ne laissant plus de place pour la Providence, la désapropriation, plus de place pour offrir ces 5 pains et ces 2 poissons que nous avons tous, et dont le Seigneur a besoin parce que, sans eux, il n’y aurait pas eu de miracle.
Posons-nous la question : « où est-ce que nous en sommes de la capacité d’offrande de nous-même, de cette capacité de don, de cette capacité de gratuité ».
Il est vrai qu’il y a une condition pour exercer cette gratuité : c’est la confiance. Ce n’est pas si facile que cela. On se rappelle la veuve à laquelle le prophète demande de l’huile, et qui lui répond qu’elle n’a plus qu’une poignée de farine et un petit peu d’huile, qu’après avoir cuit le pain, ils vont mourir son fils et elle. « Donne-moi cette huile, donne-moi cette farine, et tu verras l’œuvre de Dieu », dit le prophète.
C’est ce que Saint Ignace de Loyola – que nous avons fêté il y a quelques jours – appelle « offrir l’Isaac du cœur ». Dans les exercices spirituels qui visent au discernement – et prendre des vacances demande un discernement – qu’est-ce qu’offrir l’Isaac du cœur ? C’est bien une allusions à ce à quoi nous sommes le plus attachés : à propos des 5 pains et 2 poissons, face à la question de nourrir des milliers de personnes, le réflexe humain serait celui des doigts crochus ! je garde surtout cela pour moi et je le cache de peur que quelqu’un d’autre qui ait vu s’en prennent à moi. Jésus nous fait rentrer dans une autre logique :
Offre ce que tu as, offre ce que tu es.
Contemple la beauté de Dieu qui te pousse à l’offrande de toi-même durant ce temps estival...
Que nous prévoyons des activités dans cette période d’été c’est bien, mais avons-nous pensé à prévoir un temps pour la gratuité, un temps pour l’offrande, un temps pour la confiance et le décentrement de nous-même, finalement, un temps pour la contemplation. Tous ces mots-là sont synonymes. Car contempler l’œuvre de Dieu, c’est se décentrer et mettre notre confiance en Lui.
Demandons au Seigneur qu’Il nous aide et rende notre vie féconde : ces 12 paniers pleins de pains récoltés après avoir nourri plusieurs milliers de personnes, n’est-ce pas la surabondance ? Et pour qu’il y ait la surabondance dans notre vie, il faut accepter de perdre, accepter d’offrir, accepter que cela ne dépende pas de nous, de lâcher prise, rentrer dans la dimension d’abandon, offrir – peut-être – cet Isaac du cœur, ce à quoi on tient le plus, pensant que notre vie en dépend. Ce - peut-être – que l’on a transformé en idole, et que l’on a mis à la place de Dieu, du dieu vivant ?
Frères et sœurs, demandons au Seigneur, si nous avons l’occasion en ce temps estival, de prendre le temps de cette contemplation, de prendre le temps d’une relecture de notre année scolaire, de prendre le temps de nous demander de quoi nous devons nous défaire pour que notre vie porte du fruit en abondance : « En quoi je dois lâcher prise sur certaines choses pour que ma vie porte du fruit ? ».
Je vous ai choisis pour que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure.
Alors, demandons au Seigneur les uns pour les autres dans la prière, demandons à la Vierge Marie qui a vécu cette vocation à la fois d’abandon et de fécondité de façon suréminente, demandons-nous qu’Elle aide durant ce temps de repos à nous recentrer sur l’essentiel : le Christ, notre sauveur,
Amen !