Saint Bernard de Clairvaux - chapitre 1

Saint Bernard de Clairvaux

1090 – 1153

En l'an 1090, dans son château de Fontaine-lès-Dijon, Dame Aleth fait un rêve étrange. L'enfant qu'elle porte est né. Mais à la place du bébé, elle ne voit qu'un petit chien blanc et roux qui aboie sans arrêt. Serait-ce un rêve inspiré par Dieu ? Elle va consulter un saint ermite qui la rassure : « L'enfant qui va naître sera un grand prédicateur, dit-il. Pas comme ces chiens muets qui ne savent point aboyer. Il sera le gardien de la maison du Seigneur. » Et quand vient au monde ce troisième petit garçon, elle le prénomme Bernard et offre à Dieu cet enfant de bénédiction.

Jeune fille, elle avait pensé entrer dans les ordres et son éducation l'y avait préparée. Elle avait appris le latin et le grec dans un monastère, connaissait parfaitement les Saintes Ecritures. Mais son père, le Seigneur de Montbard, en avait décidé autrement et arrangé son mariage avec le Seigneur Tescelin, chevalier au service du duc de Bourgogne. Montbard était de plus haute lignée que son gendre. Ses terres étaient étendues et il avait pour frère André de Montbard, l'un des neuf fondateurs de l'Ordre du Temple. Sans doute les qualités de Tescelin ont emporté sa décision. De fait, Tescelin et Aleth vont former un excellent ménage, animé d'une foi vive, où règnent la tendresse et la pureté.

Mariée et mère de famille, Dame Aleth pratique donc sa religion avec ferveur. Au point qu'elle fait le vœu que ses enfants entrent tous dans les ordres.  Après Bernard viennent au monde une fille Ombeline et trois autres garçons. Tout ce petit monde est élevé dans un climat d'austérité et de frugalité, entretenu par la maîtresse de maison qui rejette tout ce qui s'apparente au luxe. Elle veut déjà préparer ses enfants à la vie de privations qu'elle pressent pour eux.

Bernard est de santé fragile, plus frêle que ses aînés. Son père est souvent absent, au service du duc de Bourgogne. Lors de ses retours au château, il fait son métier de seigneur, assure la police, siège en justice, entretient ses soldats, protège tous ceux qui vivent sur ses terres et qui viennent se réfugier au château où ils sont hébergés et nourris quand pillards ou ennemis sont signalés par le guetteur.

C'est surtout sa mère qui veille à son éducation. Avec elle, il apprend à lire et trace ses premiers mots sur les tablettes de cire utilisées à l'époque en guise d'ardoises. Surtout il partage la foi ardente que Dame Aleth vit au quotidien. Avec elle, il prie la Vierge Marie et sa dévotion à la Sainte Vierge ne fera que croître toute sa vie au point que toutes les abbayes cisterciennes s'appelleront Notre-Dame. Avec sa mère, il visite les pauvres, distribue les provisions, se rend utile dans la maisonnette qu'elle s'est fait construire à Fontaine pour soigner malades et blessés.

A l'âge de sept ou huit ans, il doit entrer à l'école. Dame Aleth se met en quête d'une institution capable de lui dispenser des études de qualité et de faire progresser sa foi d'enfant. Elle choisit Saint-Vorles, à Châtillon, pension tenue par des chanoines réputés pour leur science et leur sainteté. Le jeune Bernard y sera seulement externe. Son père possède, en effet, à Châtillon une maison où il séjourne à l'occasion pour veiller sur les intérêts du duc. Ainsi l'enfant peut retrouver souvent les siens, sa mère n'hésitant pas à le rejoindre en transportant toute sa maisonnée, gens, meubles et objets. A Saint-Vorles, Bernard est appliqué. Il apprend les matières comprises dans un premier cycle d'études, le trivium, à savoir le latin, le grec, la rhétorique, la dialectique et aussi la musique. Il montre un goût particulier pour la littérature, étudie la Bible, les Pères de l'Eglise et les grands auteurs latins. Il compte ainsi au nombre des lettrés de son temps. Mais il ne suit pas le second cycle ou quadrivium consacré à l'arithmétique, à la géométrie et à la cosmologie. Très bon élève, ce futur prédicateur est cependant gêné par une timidité excessive.

Devenu adolescent, il a l'immense douleur de perdre sa mère. Comme chaque année, à Fontaine, celle-ci a mis tous ses soins à préparer pour le 1er septembre 1105 la fête de Saint-Ambrosinien, un martyr dont le château possède des reliques. Plusieurs jours à l'avance, il faut préparer la chapelle, les offices et le banquet qui suit. A deux jours de la fête, dame Aleth, en proie à une forte fièvre, doit s'aliter. La veille, elle demande le sacrement des malades et meurt, entourée de tous les siens. Au château accourent de toutes parts ceux qu'elle a secourus, aimés, aidés. Puis de Dijon arrive un cortège de Bénédictins ayant à sa tête le célèbre Abbé Jarenton qui dirige le monastère de Saint-Bénigne (un apôtre de la Gaule martyrisé à Dijon). Ce monastère important a essaimé dans toute la région. Or les moines font une demande qui surprend. Ils souhaitent que le corps de la jeune femme leur soit remis pour être enseveli dans la crypte de Saint-Bénigne. Elle était trop sainte, disent-ils, pour être enterrée avec les morts ordinaires. La famille s'incline devant l'honneur qui lui est fait et découvre la sainteté de leur épouse et mère, laquelle sera plus tard proclamée Bienheureuse.

Pour Bernard, le choc est terrible. Il chérira toute sa vie le souvenir de cette mère tant aimée qui ne cessera de l'inspirer dans ses actes et ses écrits. Au moment où il se décidera à entrer à Cîteaux, Dame Aleth lui apparaîtra tout de blanc vêtue pour lui confirmer que Dieu l'a choisi pour un grand destin et qu'il doit entraîner ses frères dans la vie monastique.

Mais pour l'heure, Bernard hésite sur la voie à suivre et les études le tentent. Ses frères l'y encouragent mais de même qu'il fuit les armes, il fuit tout ce qui pourrait flatter sa vanité comme celle d'être reconnu pour son savoir. On ignore ce qui a emporté sa décision d'entrer dans les ordres et comment la vocation a éclos dans cet être ardent et entier. Mais il impose bientôt sa volonté à sa famille : il veut devenir moine et a choisi son monastère : ce sera Cîteaux. Ses frères sont consternés. Et ne comprennent pas comment il est possible de sacrifier une vie brillante pour aller s'enterrer dans le monastère le plus austère du pays, où la vie est si difficile que les moines qui s'y trouvent présentement vieillissent et ne recrutent pas. Car Cîteaux interpelle : prière, travail, pauvreté, ascèse y sont pratiqués dans un silence total et un inconfort généralisé.

Or Cîteaux est unique à l'époque. C'est un tout jeune Ordre qui peine à s'imposer. Détaché de la branche-mère des Bénédictins, il a eu pour ambition, lors de sa fondation, de se conformer à la règle primitive établie par Saint Benoît, laquelle avait cédé au fil du temps à une vie plus douce et plus confortable. Avec la richesse et la puissance de l'Ordre, la ferveur des premiers temps avait disparu. Les vœux d'humilité, de pauvreté et de charité n'étaient plus observés.

Dès lors quelques moines, parmi les Bénédictins, avaient dénoncé ce relâchement et recherché une vie monastique plus conforme à la règle. A l'époque, avant Saint Bernard, deux grands saints marquèrent un tournant dans l'histoire de la vie monastique en France. Saint Robert de Molesme et Saint Bruno. Robert était un Bénédictin, prieur de son abbaye. Il quitta son prieuré en 1075 pour partager solitude, pauvreté, jeûne et prière avec sept ermites près de Tonnerre. Ils s'installèrent ensuite dans le lieu-dit de Molesme, alliant travail, office bénédictin et érémitisme. Mais le succès fut tel que, quinze ans après sa fondation, Molesme se mit à ressembler aux autres abbayes bénédictines. Saint Bruno qui y séjourna quelque temps avec ses compagnons en 1084 fit le même constat que Robert. Cette vie n'était pas pour lui et il reprit la route sur les conseils de Robert. Ce chemin le conduisit jusqu'à la Grande Chartreuse où il fonda, avec les mêmes exigences que le saint de Molesme, l'ordre des Chartreux (cf. Saint Bruno, en date des 3, 10, 17 et 24 juin 2019)

Pour Robert de Molesme, tout était à recommencer. Aussi, en 1090, s'éloigna-t-il avec quelques moines à Aulx afin d'y mener à nouveau une vie d'ermite. Mais tous furent ensuite contraints de regagner Molesme.

Afin de satisfaire son idéal, Robert fut autorisé par la suite à se retirer dans un lieu solitaire et marécageux, non loin de Dijon, pour y pratiquer la règle de Saint Benoît dans son acception la plus austère. Il y trouva un lieu couvert de roseaux ou cistels qui donnèrent son nom à Cîteaux. Avec Albéric (ou Aubry), Etienne Harding et vingt-et-un moines fervents, ils fondèrent une nouvelle communauté le 21 mars 1098. Pour un temps, elle fut dénommée le novum monasterium. Albéric puis Etienne Harding furent les Abbés successeurs de Robert de Molesme. Ils bénéficièrent de la protection des Ducs de Bourgogne. Ce fut pendant l'abbatiat d'Albéric que fut adopté l'habit de laine écrue contre la robe noire des Bénédictins. D'où l'appellation de « moines blancs » et de « moines noirs ».  

Ardente dans ses débuts, la nouvelle communauté s‘est essoufflée et vivote. La rigueur de la règle éloigne d'éventuels candidats. Or ce soir-là, Etienne Harding s'interroge et se prend à douter : ont-ils eu raison de fonder cette communauté ? Pendant la nuit, il rêve qu'une troupe de jeunes candidats frappe à la porte du monastère.

De son côté, Bernard se prépare mais il n'entend pas se rendre seul à Cîteaux. L'image de sa mère qui le convainc d'entraîner ses frères dans cette aventure est fortement imprimée en lui. Il va trouver son oncle Gaudry, un frère de sa mère, et le décide à l'accompagner. Puis un à un, il arrache ses frères au monde des armes et des plaisirs pour les décider à le suivre. L'un d'eux, Guy, est-il marié ? Qu'importe ! Elisabeth, son épouse, entrera dans un couvent de femmes... Ce qui fut fait. Toute timidité oubliée, Bernard recrute ensuite cousins, amis, connaissances. Faut-il qu'il déploie déjà un don d'éloquence et de persuasion pour détourner tous ces gens d'une vie toute tracée, voire déjà engagée ! La certitude d'avoir trouvé le bonheur d'une vie donnée à Dieu est contagieuse...

Aux approches de Pâques, la petite troupe se met en route après des adieux à Tescelin, Ombeline et le dernier de la fratrie, Nivard, trop jeune pour être admis au monastère. Il fera par la suite plusieurs escapades pour entrer à Cîteaux jusqu'à ce qu'Etienne le garde, malgré son jeune âge.

Ce jour-là, l'Abbé Etienne voit venir vers lui une troupe d'une trentaine de jeunes gentilshommes et il rend grâce. Oui, ce rêve était bien prémonitoire. Oui, l'œuvre de Robert, d'Albéric et la sienne propre est bien bénie de Dieu.

Les grands saints ont tous vénéré Marie et les prières de Saint Bernard à Marie conservent aujourd'hui toute leur ardeur et leur fraîcheur. Nous lui devons le Souvenez-Vous que nous récitons encore si souvent. Avec lui, aujourd'hui, regardons l'étoile, invoquons Marie.

Lorsque vous assaillent les vents des tentations, lorsque vous voyez paraître les écueils du malheur, regardez l'étoile, invoquez Marie. Si vous êtes ballottés sur les vagues de l'orgueil, de l'ambition, de la calomnie, de la jalousie, regardez l'étoile, invoquez Marie. Si la colère, l'avarice, les séductions charnelles viennent secouer la légère embarcation de votre âme, levez les yeux vers Marie. Dans le péril, l'angoisse, le doute, pensez à Marie, invoquez Marie. Que son nom ne quitte ni vos lèvres ni vos cœurs ! Et pour obtenir son intercession, ne vous détournez pas de son exemple. En la suivant, vous ne vous égarerez pas. En la suppliant, vous ne connaîtrez pas le désespoir. En pensant à elle, vous éviterez toute erreur. Si elle vous soutient, vous ne sombrerez pas ; si elle vous protège, vous n'aurez rien à craindre ; sous sa conduite vous ignorerez la fatigue ; grâce à sa faveur, vous atteindrez le but. Ainsi soit-il. 

Je vous salue, Marie

Prière de la communauté

Je vous salue Marie

Je vous salue Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus le fruit de vos entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen.

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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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