Les Conventions de Genève sont des traités de droit international humanitaire relatifs aux conflits armés. Ratifiées par tous les États du monde, elles garantissent les droits et devoirs des personnes et des Etats dans les circonstances dramatiques des guerres internationales. 

Mais saviez-vous que la Convention de Genève de 1949 mentionne l‘invention d'un missionnaire français ?

Robert Jacquinot de Besange est né en 1878 à Saintes, dans le diocèse de La Rochelle. Il décide très jeune d'entrer dans la Compagnie de Jésus. A 16 ans, il intègre le noviciat jésuite en Angleterre… En effet, depuis le 29 mars 1880, les Jésuites ont été exilés de France par Jules Ferry, ministre de l'Instruction Publique. Les républicains français craignent en effet qu'ils influencent leurs élèves et favorisent la Restauration monarchique. La formation du jeune Jésuite sera donc un long pèlerinage entre Canterbury, les îles Jersey, Liverpool mais aussi la Belgique. Sa vocation et sa formation tant intellectuelle que spirituelle semblent bien le préparer à une forme d'itinérance ! Un grand détachement, fait de souplesse et d'obéissance, est vraiment nécessaire pour garder le cap dans de telles circonstances…

Robert Jacquinot poursuit sa route et devient prêtre jésuite. En 1931, il est envoyé en Chine par sa congrégation. Un nouveau ministère lui est confié : il sera professeur à l'université Aurore, fondée en 1903 par le Jésuite chinois Joseph Ma Xiangbo à Shanghai. La création d'universités dans les pays de mission par les Jésuites est à la fois un service pour les populations locales et une activité missionnaire. On enseigne des matières profanes telles que les langues, la géographie, le droit international, la médecine, les sciences physiques ainsi que la sociologie ou l'histoire de l'art. Mais les professeurs sont des prêtres jésuites comme le Père Jacquinot qui témoignent de leur foi et de leur attachement au Christ par leur vie, leur savoir et leur intelligence, vivifiés par l'Esprit Saint.

La vie relativement paisible qu'on pourrait alors prêter au Père Jacquinot est soudainement bouleversée par la guerre qui éclate en Chine après l'invasion japonaise en juillet 1937. A l'automne, les bombardements ravagent Shanghai et font des milliers de blessés, militaires et civils. Nous ne savons pas précisément comment le Seigneur a appelé Robert Jacquinot à se lever, ni si celui-ci a entendu un appel dans sa prière ou dans la détresse de ses frères… Mais sa réponse est claire et visible ! Au cœur de la bataille de Shanghai, le Père Jacquinot parvient à réunir une commission de médiation entre les belligérants. Par la dialogue, il obtient d'abord une trêve de 4 heures... Cela peut nous paraître très bref, mais l'interruption des hostilités permît l'évacuation des blessés et des civils retenus dans la zone de guerre. Le Jésuite pacifique persévère dans sa mission diplomatique et obtient finalement l'instauration d'une zone de sécurité démilitarisée, dans la vieille ville de Shanghai. C'est une première dans l'histoire des relations internationales ! Le missionnaire vient d'inventer ce qu'on appellera le « modèle Jacquinot » : un espace démilitarisé, en plein cœur du conflit, qui permet la protection des civils. Jusqu'à la fin du conflit, en 1945, la zone Jacquinot fut respectée par toutes les parties. Les autorités chinoises reconnaissent aujourd'hui que l'œuvre de Robert Jacquinot a permis de sauver la vie de 300 000 à 500 000 civils pendant la guerre.

Quelques années après, le Père Jacquinot poursuit sa mission d'artisan de paix en répondant à un nouvel appel pour l'Europe embrasée par la Seconde Guerre Mondiale. Mais il meurt sur la brèche, au milieu d'un nouveau champ de bataille humanitaire. Le missionnaire s'éteint le 10 septembre 1946 à Berlin, où il était mandaté par le Saint-Siège pour aider les réfugiés de guerre.

La longue et fructueuse itinérance du Père Robert Jacquinot peut nous inspirer pour la mission aujourd'hui :

Sa vie nous montre que l'éducation, l'enseignement scolaire et universitaire sont des champs missionnaires essentiels pour le renouveau spirituel et la conversion de notre monde. La transmission est mission !  Ne craignons pas de nous engager professionnellement ou bénévolement dans ces secteurs clefs de mission ! « La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité »[1] enseignait saint Jean-Paul II.

« Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9). Robert Jacquinot fut de ces artisans qui nous révèlent que la paix signe la présence de Dieu. Don de Dieu, fruit du dialogue et de la collaboration, la paix demeure dans les cœurs, dans les relations entre les personnes, entre les peuples et les nations. Ainsi la paix est à la fois moyen et finalité de l'évangélisation.

Le « modèle Jacquinot » nous montre que la mission est un engagement non seulement au service des personnes, mais aussi au niveau politique et international. Les catholiques ont un rôle à jouer, une véritable mission, dans les relations internationales. C'est aussi ce qu'atteste le travail du Saint-Père, en particulier saint Jean-Paul II, mais aussi ses successeurs ou des mouvements catholiques spécifiques comme Pax Christi ou Sant'Edgidio.

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[1] Encyclique Fides et ratio, Jean-Paul II, 14 septembre 1998