v 23 "Dans son enseignement, en effet, l'abbé doit toujours observer cette directive de l'Apôtre : Reprends, exhorte, menace"

     Nous reprenons ces trois exhortations : reprendre, exhorter, menacer.

1°)Reprendre - La maturité utile pour nouer de bonnes relations commence par une bonne relation avec soi-même. St Benoît utilise l'image de "reprendre" qui cache une dimension spirituelle qui pourrait aussi se dire "aller chercher son frère à l'endroit où je l'ai laissé"Nous pouvons y voir une démarche de continuité malgré les coupures, les arrêts. Il peut s'agir aussi de rechercher un autre qui s'est échappé, égaré. La vie peut se comparer à une continuité avec ses moments d'égarements, de tâtonnements, ses avancées comme ses régressions. Et comme pour l'orchestre, il nous faut souvent "reprendre la partition". Ce qui compte c'est l'oeuvre finale à l'issue des retouches et des modifications.Reprendre quelqu'un pourrait s'entendre aussi,"se mettre à son pas" et parfois ralentir le sien.

2°)Exhorter -Exhorter consiste à valoriser une personne par la parole. Cette attitude permet de souligner le positif et donne une dynamique positive d'encouragement. St Benoît donne à l'abbé cette mission de soutenir par un encouragement verbale . nous voyons l'importance de la parole ajustée. L'abbé s'inscrit ici dans une dynamique spirituelle de soutien dans la progression de ses frères. La vie monastique étant comparée à  un combat : l'exhortation devient un moyen de repérer une étape nouvelle à franchir.

3°)Menacer - La menace précède souvent un danger imminent. Elle est un signe d'avertissement, une alerte qui peut éveiller, mettre en garde et prévenir d'un danger encore plus grand.La menace peut se révéler sous des signes avant-coureurs : pensons aux phénomènes atmosphériques précédant un orage, une tempête. Le rôle que donne st Benoît ,ici, à l'abbé, serait d'anticiper, de prévenir, et de chercher à ramener le frère dans sa vocation. La menace précède la sanction en voulant l'écarter mais elle est aussi la prévention dans l'intérêt d'un coupable pour éviter son passage à l'acte  mettant en danger : lui-même ou ses proches. Ici, dans la Règle,la menace peut s'expliquer comme un témoignage d'amour voulant éviter à un frère  de courir un risque , un écart, une fausse route. Alors la menace est proche de l'encouragement et peut traduire la "correction fraternelle"

     Ce passage de la Règle peut nous ramener au coeur de notre vie de laïcs. Les meilleures intentions ne suffisent pas toujours pour éclairer nos proches. L'écoute d'avis et de conseils n'est pas automatique. Nous voulons parfois aider un autre sans y parvenir, nous voudrions le protèger sans dire toute la vérité. Il peut être difficile de mettre l'autre en face de toutes ses responsabilités sans l'accuser ni le condamner. St Benoît propose trois attitudes complémentaires : le coeur pour reprendre avec humanité,, la raison pour exhorter par des paroles ajustées et la loi en guise de menace ultime et incontournable.