Vénérable Marthe Robin - Chapitre 1

Vénérable Marthe Robin - 1902 – 1981

Ne regardons ni trop en avant ni trop en arrière mais toujours en haut - Marthe Robin

Elle est vive et joyeuse, la jeune Marthe, qui trottine sur ses petites jambes d'enfant pour se rendre à l'école avec Alice, sa sœur aînée. Du hameau des Moïlles, fief de la famille Robin qui y exploite une ferme, à Châteauneuf de Galaure, bourg de la Drôme où se situe l'école, les enfants parcourent deux kilomètres, matin et soir. Davantage encore une fois par semaine pour se rendre au catéchisme à Saint-Bonnet de Galaure depuis que l'école des Sœurs de Châteauneuf a fermé (en cause, la Loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat, en 1905). En dépit de leur marche quotidienne, les deux enfants ne sont pas en bonne santé : une épidémie de typhoïde a décimé la famille Robin en 1903. Une petite Clémence, âgée de cinq ans, est décédée. Alice, des suites de la maladie, a conservé une luxation de la hanche et elle boîte. Marthe est restée fragile et manque souvent l'école malgré son goût pour l'étude et son désir d'apprendre. C'est malheureusement le cas le jour du Certificat d'Etudes. Elle ne peut s'y rendre. Déçue, elle ne le présentera pas à nouveau.

Assidue au catéchisme, elle « mitraille » le curé de questions et le met dans l'embarras. Un mystère, ça ne s'explique pas, dit-il. Il évoque à plaisir l'enfer et tous les périls qui menacent les petits pécheurs. « C'était un catéchisme sans amour » dira Marthe qui satisfait son besoin de connaissance de la religion à la lecture de l'Evangile. Elle y découvre un Père très bon à qui elle peut parler. Elle confiera « avoir toujours énormément aimé le Bon Dieu. »

Cependant, chez elle, l'amour du Seigneur n'est pas un sentiment partagé. Son père Joseph, affable et accueillant, est influencé par le courant anticlérical, très fort à l'époque et dans la région. Il se dit libre penseur même s'il fixe un crucifix sur le linteau de la porte de sa maison... Marthe s'étonne qu'il n'y ait personne sur le crucifix. Et de conclure : « - Eh bien, on s'y mettra ! »

L'anticléricalisme, activé par les francs-maçons, peut prendre des formes violentes. A huit ans, dans la rue, un inconnu lui arrache son catéchisme des mains pour le déchirer devant elle. Elle gardera toute sa vie ce livre endommagé.

Elle aimerait consacrer du temps à la prière. Mais les travaux agricoles, les soins aux bêtes, les tâches ménagères ne manquent pas. Parents et enfants n'arrêtent jamais, le seul répit étant la messe du dimanche. Alors Marthe accomplit toutes les besognes qu'on attend d'elle avec sa bonne humeur habituelle. Il lui tarde d'être au soir pour prier dans son lit. Vient le jour tant désiré de sa Première Communion Privée. Souffrante, elle ne peut s'y rendre... la rougeole s'est déclarée. Elle se console car la Vierge Marie qu'elle aime tant lui fait un cadeau : la Communion est reportée au 15 août suivant, jour de la fête de Marie, célébrée avec grande solennité (ce n'est pas encore la fête de l'Assomption dont le Dogme fut proclamé par le pape Pie XII en 1950). Enfin Jésus dans l'hostie ! Marthe vit intensément ce moment très important pour elle. Depuis cette date, elle garde précieusement dans sa poche le chapelet qui lui a été remis, le récite et parle à sa Maman du ciel.

Le Bon Dieu, comme elle le nomme toujours, est omniprésent dans la nature qu'elle contemple avec émerveillement car sa région natale est splendide. La vue, par-delà les collines, porte au loin jusqu'à la ligne des montagnes qui se profilent à l'horizon. Autour d'elle, les animaux de la ferme, les oiseaux et les bêtes sauvages sont autant de signes de vie qu'elle observe avec admiration pour leur Créateur. Surtout elle aime les siens, ses amis, tous ceux qu'elle est appelée à rencontrer et particulièrement les prêtres dont le sacerdoce suscite en elle émotion et respect. Sensible à la détresse humaine, elle veut visiter les malades pour les aimer, dit-elle, même si les travaux de la ferme ne lui permettent guère de s'éloigner.

Aux Moïlles, l'entraide entre les trois familles qui y sont installées est totale. Dans son Livre de Souvenirs, Marthe décrira plus tard cette solidarité qui s'exerce aussi bien pour les petites choses, échanges de semences, dépannages divers, prêts d'outils que pour les événements familiaux, naissances, maladies, décès, ou encore pour les corvées agricoles vécues en commun. Ces trois familles comptent de nombreux enfants. Chez Marthe, ils sont cinq, quatre filles et un fils. Elle est la petite dernière. Le soir, toutes tâches accomplies, on se réunit pour deviser, jouer aux cartes tandis que les enfants s'amusent et dansent. L'aînée des Robin, Célina, s'est mariée en 1908. Marthe va souvent la voir dans le village voisin de Saint-Sorlin. Pendant la guerre de 14-18, ses visites se font plus fréquentes car, en l'absence de son beau-frère mobilisé, Célina assume, seule, toutes les tâches de la ferme. Marthe l'aide du mieux qu'elle peut, notamment en s'occupant de ses deux neveux. Gabrielle, quant à elle, couturière, est restée à la maison. Elle compte bien sur sa sœur pour livrer ses commandes à Châteauneuf et Marthe acquiesce, toujours heureuse de rendre service. Mais elle a le cœur gros car elle ne peut consoler sa sœur du désespoir d'avoir perdu son fiancé en 1916. Elle donnera toute sa tendresse au petit Gabriel-Raymond, que Gabrielle met bientôt au monde.

Marthe mène, en fait, pendant cette guerre, la vie de bien des familles paysannes de l'époque. Elle fait preuve, dans l'accomplissement de toutes ces tâches quotidiennes et banales, de gaîté, de gentillesse, d'amour des autres, d'humour aussi car elle est taquine. Elle répand autour d'elle une joie de vivre centrée sur cet amour du Bon Dieu et de la Vierge Marie qui ne la quitte pas un instant.

Le premier décembre 1918, tandis que tous goûtent la paix enfin revenue, Marthe aide sa mère dans la cuisine. Tout à coup, c'est le drame. Marthe chute de tout son long, inanimée. Célestine, sa mère, crie, demande de l'aide. Joseph arrive, prend sa fille dans ses bras et la porte sur son lit. Puis il part cherche le médecin. Celui-ci questionne. Oh oui, il y a bien eu de petites alertes auxquelles on n'a pas prêté attention. Il est déjà arrivé que Marthe tombe évanouie. Revenue à elle, elle souffre d'affreuses migraines et prend de l'aspirine. Le diagnostic est difficile à établir : une méningite ? Une tumeur au cerveau ? Ou encore une encéphalite léthargique ? Cette dernière maladie, très grave, est épidémique. Elle a sévi dans toute l'Europe dans les années 1920 et a disparu par la suite. A peine revenue à elle, Marthe tombe dans le coma et y reste quatre jours. A son réveil, elle crie de douleur, reconnaît parfois les siens, notamment sa sœur Alice qui partage sa chambre, puis elle retombe dans sa léthargie. C'est à peine si elle s'alimente. Elle peut tout juste boire un peu de thé ou de café. Atteinte de cécité, elle retrouve la vision de temps en temps mais ne supporte pas la lumière. Cet état de douleur et de semi-inconscience va durer vingt-sept mois, jusqu'au printemps 1921.

La nuit du 20 mai 1921, comme les deux sœurs sont couchées, Alice est brusquement réveillée par une lumière intense. Marthe est émerveillée. Elle confiera à sa sœur : « - J'ai vu la Sainte Vierge ! ». Par la suite, Marthe fait de rapides progrès. Au début, elle peut se lever, puis elle retrouve une vision incertaine. Enfin ses pas peuvent la porter au dehors et elle a le plaisir de respirer l'air vif, de contempler à nouveau la nature. Elle va mieux et sait qui remercier pour ce mieux-être auquel elle ne croyait plus. Au point de partir en pèlerinage par deux fois, à Notre-Dame de Chatenay en Isère puis à Notre-Dame de Bellecombe en Haute-Savoie. Elle s'aide d'abord de béquilles puis d'une canne.

Au retour elle exprime son désir de devenir carmélite. Célestine, sa mère, objecte qu'elle n'a pas la santé nécessaire pour entrer au couvent et son père s'oppose formellement à cette idée. Marthe n'en parlera plus. Joseph aime tendrement sa fille, il lui achète un fauteuil confortable, lui fait prodiguer des soins, l'emmène à la messe... même s'il ne pénètre pas dans l'église.

La rémission que connaît Marthe est cependant de courte durée. Les jambes ne la portent plus aussi bien, elle éprouve de violentes douleurs dans le dos et passe désormais de longues heures dans le fauteuil offert par Joseph.

Le calvaire que Marthe subit ne la conduit pas le moins du monde à un repli sur soi. Bien au contraire, elle est totalement tournée vers les autres. Habile de ses mains, elle brode et coud de ravissants travaux de couture qui trouvent acquéreurs. Elle contribue ainsi à son entretien car son inaction lui est reprochée, notamment par son frère, Henri. Les siens ne comprennent pas sa maladie et se détachent d'elle ce qu'elle vit douloureusement.

Pourtant, même clouée sur son fauteuil, elle cultive un sens inné des affaires et anime bientôt un commerce d'objets de piété. Avec les bénéfices, elle vient au secours de tous les nécessiteux dont elle entend parler, elle soutient des œuvres, fait parvenir des colis aux prisonniers. Elle se cultive aussi et lit beaucoup, des livres édifiants comme L'Histoire d'une Ame de Thérèse de Lisieux mais pas seulement. Tous les sujets l'intéressent et ses sœurs empruntent pour elle toutes sortes d'ouvrages à la bibliothèque.

En 1922, une amélioration de son état lui permet de rendre à nouveau quelques services à la ferme. Voire de se rendre chez sa sœur Gabrielle pour s'occuper du petit Raymond, du ménage et des soins aux bêtes. Elle découvre là, au grenier, un livre qui va l'aider dans son cheminement intérieur. Elle retient cette phrase : « Tu cherches le calme, la joie et la      douceur, c'est à la souffrance qu'il faut te préparer. »

Elle s'y prépare, prête à tout pour suivre Jésus-Christ, tout en essayant encore de guérir de son mal. Elle accepte ainsi de faire une cure en Ardèche, à Saint-Péray. Elle n'en retire aucun bénéfice pour sa santé mais elle y fait des rencontres importantes : une amitié durable avec une jeune fille, Albertine Delatour, des échanges avec une dame très pieuse, Madame du Baÿ, qui lui rendra souvent visite par la suite, le réconfort trouvé auprès d'un prêtre âgé qui pressent le destin de la jeune fille et qui, au moment de son départ, la prend dans ses bras et s'écrie : « je mourrai tranquille, j'ai pressé dans mes bras la crucifiée de mon Jésus. »

De retour chez elle, elle a la tristesse de se sentir abandonnée des siens, occupés par les divers travaux des champs, et de ses amies dont certaines craignent une éventuelle contagion. Sa santé continue à se dégrader. C'est au prix de souffrances indicibles qu'elle parvient à se lever et à se mouvoir.

Mais lors des rares visites qu'elle reçoit, elle se montre souriante, accueillante et chaleureuse, comme vis-à-vis de cette jeune fille, Gisèle Boutteville, en vacances à Châteauneuf qui se dit subjuguée par Marthe. Leur amitié durera jusqu'à la mort.

Marthe Robin nous a laissé de nombreux écrits. Voici comment elle conçoit la prière : « Ne récitons pas notre prière, vivons-la » et : « Qui dira ce que la prière peut mettre et répandre dans une âme, de vérité, de paix, de force, de consolation, d'espérance. »

Pour ceux d'entre nous qui éprouvent parfois de la difficulté à prier, que ces paroles cheminent en nous. Vivre sa prière, recueillir les dons qu'elle nous apporte sur nos parcours aux multiples obstacles sont autant de richesses qui nous sont proposées avec amour.

Marthe a chéri la Vierge Marie qu'elle priait sans cesse, le chapelet entre ses doigts. Elle voulait « passer humble et silencieuse comme la Vierge ». A sa suite, adressons-nous à la Vierge Marie.

Je vous salue, Marie...

Prière de la communauté

Je vous salue Marie

Je vous salue Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus le fruit de vos entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen.

Merci ! 293 personnes ont prié

7 commentaires

Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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