Saint Martin - chapitre 2

En quittant l'armée du Rhin, Martin se rend aux confins de l'Aquitaine, pour rencontrer l'évêque de Poitiers, Hilaire, qu'il admire pour la fermeté intransigeante de sa foi orthodoxe et son courage dans la résistance à la doctrine arianiste. Les deux hommes sont faits pour s'entendre. Tous deux sont issus de milieux païens où ils ont reçu une bonne éducation, tous deux ont découvert la foi chrétienne de leur seule initiative, tous deux ont été baptisés très tardivement. A la différence de Martin, Hilaire est un homme marié, père de famille (sa fille Abra, sera canonisée). Baptisé en 345, il a été élu évêque cinq ans plus tard. Il laissera de nombreux écrits dont le premier, le Commentaire sur l'Evangile de Matthieu, remarquable travail d'exégèse littérale montre cependant qu'il ignorait les conclusions et formulations du Concile de Nicée qui avait eu lieu en 325. Il les découvrit, selon ses propres dires, en 354. Le nouveau Credo affirmant la consubstantialité du Père et du Fils put alors l'aider dans son combat contre l'arianisme.

La rencontre d'Hilaire et de Martin eut sans doute lieu en 356 et, très vite, ils s'entendirent comme maître et disciple, voire davantage comme père et fils. Martin sait que désormais, son destin s'inscrit dans cette région qu'il découvre auprès de cet homme dont l'intelligence, la bonté, la sagesse s'imposent auprès de tous. Hilaire éduque Martin. Il lui parle du Concile de Milan qui s'est tenu l'année précédente, à l'instigation de l'empereur Constance II, converti à l'arianisme, dont l'objet était de  condamner l'enseignement de saint Athanase. Ce dernier, évêque d'Alexandrie, a participé au Concile de Nicée, il a contribué à la condamnation d'Arius et apporté sa part à la formulation des dogmes de l'incarnation et de la Sainte Trinité. Il est, dès lors, sans cesse en butte à la persécution des ariens.

Hilaire qui prend, haut et fort, le parti d'Athanase, risque l'exil et il confie cette crainte à Martin. Il se hâte donc de former son disciple qu'il destine au diaconat. C'est compter sans l'humilité du jeune homme qui ne se sent pas digne de la cléricature et refuse l'honneur qui lui est fait. Hilaire lui propose alors le plus humble des ordres mineurs, celui d'exorciste. Cette fois, Martin accepte. Pourquoi ? La fonction d'exorciste était alors considérée comme inférieure et humiliante. Par son contact quasi physique avec le démon, l'exorciste accomplit une tâche ingrate et très difficile. Il faut une immense foi pour arriver à mettre le diable en fuite. Martin, tout de foi et d'humilité, va exceller dans ce domaine bien particulier.

Cependant le maître et le disciple ne vont pas cheminer longtemps ensemble. Un jour, Martin a une vision dans son sommeil : il doit rendre visite à sa famille encore païenne. Hilaire autorise son départ à condition qu'il revienne ensuite à Poitiers. Ils se quittent dans la prière et les larmes et Martin prédit que les épreuves vont être nombreuses avant qu'il parvienne au terme de son voyage. Mais ni lui, ni Hilaire n'envisagent alors la longue séparation qui leur sera imposée.

Martin se met en route et de nombreuses semaines passent avant qu'il atteigne les bords du Rhône. Il s'apprête à franchir les Alpes par le Petit Saint-Bernard ou par le Mont-Cenis. Il tombe aux mains de brigands dont l'un veut l'abattre à coups de hache. Mais un autre, espérant retirer quelque subside ou peut-être quelque rançon de la rencontre, retient son bras. Les mains liées derrière le dos, Martin est emmené dans le repaire des brigands et confié à la garde de l'un d'entre eux. Ce gardien le questionne : a-t-il peur ? Non, répond Martin, confiant dans la miséricorde du Seigneur. Il ne craint pas pour lui-même mais il tremble pour ce misérable voué au péché. Aussi se met-il à lui prêcher la parole de Dieu. L'homme est ébranlé. S'est-il converti ? En tout cas, il rompt les liens de son prisonnier et le guide dans la montagne pour qu'il retrouve son chemin.

Après avoir dépassé Milan, Martin est cette fois arrêté par le diable qui a pris figure humaine. Celui-ci lui demande avec insolence où il va et Martin de répondre : « Je vais où le Seigneur m'appelle ». « Très bien, répond l'inconnu, souviens-toi que tu trouveras toujours Satan sur ta route. » Martin le fait disparaître par ces paroles : « avec l'aide du Créateur, je ne crains rien de la créature ».

Selon son biographe, Sulpice Sévère, il se serait agi de l'empereur pro-arien sous son identité satanique. Martin, peut-être à la demande d'Hilaire, aurait entrepris une démarche auprès de celui-ci pour le ramener à l'orthodoxie. Sa qualité de fils d'un officier supérieur et ancien garde du palais de Constance lui permettait cette audace. Peut-être aussi était-il considéré comme suspect par la police impériale puisqu'il venait de chez Hilaire de Poitiers. Il aurait pu être arrêté à la sortie de la ville. Bref il est possible que Sulpice Sévère ait transposé un incident précis, historique du voyage de Martin.

Quand il parvient enfin dans sa ville natale, les retrouvailles sont mitigées. Autant sa mère écoute avec ferveur ce fils illuminé d'une foi qu'elle est toute prête à faire sienne, autant son père, ce vieux tribun païen, se barricade dans ses convictions. Jamais Martin ne le fera changer d'avis, son enseignement et ses sacrifices se heurtent à un mur. Mais sa mère s'intéressait depuis longtemps à cette religion, devenue le centre de la vie de son enfant. Elle ne tarde pas à demander le baptême et le reçoit avec une très grande joie. L'exemple de Martin, son rayonnement vont convaincre bientôt quelques habitants de Sabaria qui, eux aussi, réclament le baptême. Hélas, dans ce pays converti à l'arianisme, Satan veille toujours. Les évêques fidèles au Concile de Nicée sont persécutés et bientôt Martin est l'objet de représailles. Il est insulté, battu de verges, tant et si bien qu'il se sauve. En regagnant l'Italie, il apprend qu'Hilaire, comme il l'avait redouté, a été condamné à l'exil. Il se trouve en Phrygie (pays d'Asie Mineure proche de la Cappadoce) tout comme l'évêque Paulin. Tous deux sont condamnés pour leur ardeur à combattre l'arianisme et à défendre les thèses de Saint Athanase. Paulin mourra en Phrygie en 358.

Triste et désemparé, Martin n'envisage plus de retourner à Poitiers. Il s'installe dans un ermitage à Milan où il espère, par sa vie consacrée au Seigneur, trouver la paix. Mais là aussi, il est persécuté par l'évêque arien de Milan, Auxence qui finit par l'expulser.

Martin se retire alors, entre 358 et 360, dans la petite île de Gallinara près de la côte ligure, à quelque cinquante milles au sud-ouest de Gênes. Il a pour compagnon un prêtre de grande vertu. Tous deux se nourrissent de racines. Mais Martin n'est pas herboriste ! Et, un beau jour, il avale de l'hellébore, une plante vénéneuse. Le poison agit, Martin souffre atrocement et se prépare à sa mort prochaine. Il entre donc en prière et… le mal le quitte !

Au printemps 360, il apprend, soit par un envoyé d'Hilaire, soit par la rumeur publique qu'Hilaire va retrouver son siège épiscopal et va regagner Poitiers où il sera toutefois en résidence surveillée. Martin quitte son île et regagne Rome dans l'espoir d'y rencontrer Hilaire, sur le chemin du retour. Mais il apprend que celui-ci est déjà reparti. Il n'hésite pas, reprend la longue route de la Gaule, prêt à affronter à nouveau tous les dangers de l'expédition. A Poitiers les deux hommes se revoient avec joie. Ils ont été séparés près de quatre ans.

Pendant son exil, Hilaire n'est pas resté inactif. Il a fait une rencontre déterminante, celle de deux amis, natifs de Cappadoce, qui deviendront, eux aussi, de grands saints, Basile de Césarée et Grégoire de Nazianze. Tous deux s'étaient connus à Athènes où ils avaient fait leurs études. La même foi et le même désir de perfection les animaient et ils rêvaient de fonder des monastères. Mais l'Eglise avait besoin d'évêques engagés dans la défense de la foi trinitaire de sorte que Basile devint évêque de Césarée et Grégoire, évêque de Constantinople. A Césarée, Basile poursuit son projet monastique et rédige des règles qui sont encore en vigueur dans les monastères « basiliens ». Hilaire en a pris connaissance et, de retour à Poitiers, en fait part à son disciple Martin. Ce dernier est séduit. Il sait d'expérience les grâces reçues par ceux qui se consacrent à Dieu et vivent dans la pauvreté et la prière. Depuis sa jeunesse, il a souhaité vivre en ermite. En se retirant du monde, il va s'épanouir dans une vocation où il reconnaît l'appel de Dieu. Il désire cette retraite et pense consacrer sa vie à la prière.

Comme Hilaire possède un petit domaine, dans la vallée du Clain, au sud de Poitiers, il en fait don à Martin. Celui-ci s'empresse d'y construire un oratoire et des petites cabanes pour lui et quelques compagnons convaincus d'embrasser ce style de vie.

L'ensemble est bien modeste. Martin vient pourtant de construire à Ligugé le premier monastère des Gaules.

« N'ayez pas peur ». Martin n'a jamais peur. Ni des brigands, ni de Satan, ni des ariens, ni des effets du poison. Il s'en remet totalement à Dieu et, quoi qu'il arrive, il continue son chemin vers Lui : « Je vais où le Seigneur m'appelle. »

La peur paralyse, empêche d'aller de l'avant et Martin le sait bien. Il avance avec confiance, avec joie, sûr de sa vocation. Son destin ne lui appartient pas. Il est entre les mains de Dieu, béni soit-Il.

Sa force, il la puise dans la prière, dans l'humilité, dans l'oubli de soi. Il met ses pas dans les pas du Seigneur. 

Avec l'aide de la Vierge Marie.

Je vous salue, Marie…

Prière de la communauté

Je vous salue Marie

Je vous salue Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus le fruit de vos entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen.

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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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