Mardi 7 avril, Mardi Saint, Année A

"Maintenant le Fils de l'homme est glorifié"

“Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt. Petits enfants, c'est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Vous me chercherez, et, comme je l'ai dit aux Juifs : “Là où je vais, vous ne pouvez pas aller”, je vous le dis maintenant à vous aussi.” 

Mes amis, nous continuons d'entrer crescendo dans cette Semaine Sainte.

D'une certaine manière, ce repas que Jésus prend avec ses disciples est décisif, puisque c'est celui par lequel tout va se jouer du destin de Jésus, par la décision de l'un de ses disciples de le livrer, Judas, au nom de biens matériels, au nom de biens terrestres, délaissant ce qu'il y avait pourtant de si extraordinaire à ses côtés, cette Lumière qui se proposait d'illuminer sa vie entière.

Judas sera donc cet homme qui livrera Jésus!

Il fallait que s'accomplissent les prophéties, que s'accomplisse le plan de Salut de Dieu!

Jésus découvre ainsi, que l'un des siens va le livrer, il découvre qu'il sera trahi!

Même si tout est écrit dans les écritures, Jésus ne peut pas ne pas être saisi au plus intime de Lui-même, parce qu'Il partage pleinement notre humanité, avec sa sensibilité.

Pourtant, loin de reculer devant ce destin qui se dessine subitement devant Lui, devant la Croix qui se profile à l'Horizon, comme un horizon inéluctable désormais, Jésus ne cherche pas à fuir mais il s'en remet à son Père, il entre pleinement dans cette volonté du Père inscrite en Lui depuis toute éternité, il est venu pour accomplir le dessein du Père et celui-ci doit s'accomplir, car la Gloire de Dieu c'est l'homme vivant, et l'homme vivant, c'est l'homme racheté, l'homme racheté en Jésus Christ, en sa mort et sa Résurrection.

Jésus est pleinement conscient de ces instants qui sont écrits depuis tout éternité, de ces instants qui en annoncent d'autres à venir, instants douloureux, instants cruels.

Jésus m'invite avec Lui, à une pleine communion, car “c'est pour peu de temps encore que je suis avec vous” nous dit il. Oui, Jésus nous invite à saisir cette déchirure que nous allons vivre, cette séparation, ce bouleversement que va opérer la mort tragique d'un innocent qui affronte le bois de la Croix, dans une totale liberté, dans un total abandon.

Jésus m'invite quelque part, à épouser avec Lui la Croix. A moi d'accueillir cette invitation, ou bien de refuser de  l'accompagner plus totalement dans son destin d'homme et de Dieu, de l'accompagner dans cette transfiguration de notre nature pécheresse pour accomplir enfin ce pourquoi le Père, de toute éternité, a créé cet homme et cette femme en Eden.

Peut être que cette figure de Jésus en route désormais vers la Croix a à nous interpeller, nous enseigner dans notre cheminement personnel dans ce cloisonnement, cette vie érémitique que nous sommes appelés à vivre!

Est ce que je me rebelle ou bien, est ce que je me saisis, dans un total abandon, dans un plein consentement à la volonté du Père, de ces circonstances, sachant écrire, à la Lumière de l'Evangile, à la lumière du Christ qui se livre sur la Croix, un chemin de sanctification pour moi, un chemin de sanctification pour l'humanité.

Des hommes et des femmes, à l'école de St Bruno, choisissent d'offrir leur vie dans une solitude choisie et offerte, pour que monte vers Dieu, une louange ininterrompue.

Comment est ce que ce temps de confinement peut devenir pour moi, un temps de louange ininterrompue pour le Seigneur?

“Amen, amen, je te le dis : le coq ne chantera pas avant que tu m'aies renié trois fois.”

Jésus, après avoir reçu la trahison de Judas, reçoit cette confession de Pierre “Je donnerai ma vie pour toi!”. Nous savons cependant, et Jésus savait, comment Pierre allait le renier, allait succomber à la peur.

Décidément, aujourd'hui, Jésus se trouve bien seul, pourtant nous lisons en Isaïe 49:

“Maintenant le Seigneur parle, lui qui m'a façonné dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène Jacob, que je lui rassemble Israël. Oui, j'ai de la valeur aux yeux du Seigneur, c'est mon Dieu qui est ma force. Et il dit : « C'est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d'Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu'aux extrémités de la terre. “

Oui, malgré tant de lacheté, tant d'abandon, Jésus va continuer son chemin de Serviteur, son chemin de Fils bien aimé du Père.

“Là où je vais, vous ne pouvez pas aller.”

Désormais, Jésus sait qu'il devra accomplir seul ce parcour qui le conduira vers le Père, ce parcours qui va le séparer de ses disciples; douloureux moments de séparation que nous allons vivre notamment jeudi, avec le récit du lavement des pieds, du repas Pascal, dernier repas en commun.

Désormais, Jésus va retourner dans le sein du Père, et avec Lui, il nous invite à l'imiter, en entrant dans cette intimité que nous pouvons retrouver de notre relation avec Lui, en fixant la Croix, en fixant la Croix dans laquelle se trouve comme synthétisée notre foi, la vie d'un Dieu qui se fait homme et se livre par Amour pour nous, un Dieu qui nous livre son Corps et son Sang en nourriture et breuvage.

Il devient alors l'Agneau et le Pasteur, l'Alpha et l'Oméga, en Lui tout est réconcilié, en Lui tout devient Vie (Qui a le fils a la vie) 1 Jn 5, 12.

En ces jours qui sont les derniers, en ces jours qui nous séparent désormais de Pâques, demeurons dans cette intimité qui fut celle des apôtres, demeurons avec notre Maître, près de Lui, dans l'intimité de sa présence, dans le silence et la prière, n'ayant “d'autre désir que de Lui appartenir et d'être à Lui pour toujours”, afin que désormais dans cette union d'amour, nous demeurions désormais comme comme confondus en son Amour.

Amen!

“ ”Qu'elle élève donc complètement ces obstacles et ces voiles, qu'elle s'adonne au dénuement complet et à la pauvreté d'esprit, alors devenue simple et pure, elle se transformera aussitôt dans la simple et pure Sagesse divine qui n'est autre que le Fils de Dieu!” Alors se répandront en elle “le repos et la paix de dieu...avec d'admirables...connaissances divines, qui seront accompagnées d'amour.” (20)

Dans cet état si élevé d'union d'amour, Dieu ne se communique plus à l'âme “sous le déguisement de quelque vision imaginaire, figure ou ressemblance, mais bien...bouche à bouche.(Nombres XII,6sv)...c'est à dire que l'essence pure et simple de Dieu, qui est comme la bouche de dieu par l'amour, se communique à l'essence pure et simple de l'âme par sa volonté, qui est comme la bouche de l'âme par l'amour.”(21)

(20)Montée, Vol II, chap.13(Ed.Cr.1,p 164) (Chap 15 in Ed Cerf Paris 2010)

(21)Montée, Vol II, chap.14(Ed.Cr.1,p 164) (Chap 16 in Ed Cerf Paris 2010)

“La Science de la Croix” Edith Stein Traduit par P.Fr Etienne de Ste Marie O.C.D.Ed. Nauwelaerts Paris-Louvain 1959