Revivre (semaine 5)

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Évangile : Résurrection de Lazare (Jn 11)

 

« En ce temps-là, il y avait quelqu'un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C'était donc son frère Lazare qui était malade. Donc les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : “Seigneur, celui qui tu aimes est malade”. En apprenant cela, Jésus dit : “Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié.” […]

Marthe dit à Jésus : “Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l'accordera.” Jésus lui dit : “Ton frère ressuscitera.” Marthe reprit : “Je sais qu'il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour.” Jésus lui dit : “Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?” Elle répondit : “Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde.” »

 

 

La méditation de la semaine : “Seigneur, celui que tu aimes est malade” 


La rencontre de Jésus avec l'aveugle nous a aidés dimanche dernier à méditer sur le mystère de la foi. Croire, c'est accepter de faire confiance à un Dieu que nous n'avons jamais vu mais qui se rend visible à nous par l'Eglise et le témoignage des apôtres ; c'est regarder la réalité autrement, avec plus de profondeur et de hauteur. Le chemin de la sainteté que nous imaginions prendre au début n'est peut-être pas celui que nous rencontrons aujourd'hui à la suite de Jésus. Il nous faut accepter de nous laisser conduire comme des aveugles là où nous ne savons pas … Seule la confiance rend possible cet acte d'abandon ! Mais il peut arriver aussi que nous nous trompions dans notre diagnostic et que nous dramatisions l'état de maladie de quelqu'un. Ainsi Marthe pense-t-elle qu'elle ne reverra plus son frère.


  • L'heureuse maladie d'amour

Lazare est malade et ses sœurs sont assez inquiètes pour faire prévenir Jésus. Mais celui-ci affirme : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Il pose un autre diagnostic sur l'état de Lazare : cette maladie ne conduit pas à la disparition de Lazare mais offre l'occasion de manifester la gloire de Dieu qui donne la vie. Dans un premier temps, ce sera la déception pour les sœurs car Lazare va bien mourir et être enterré. Mais Jésus va faire ce qu'il a dit. Et Marthe et Marie devront reconnaître leur erreur de diagnostic. Il peut ainsi arriver que nous appelions ‘maladie' ce qui est ‘santé', par exemple dans la vie spirituelle. Quand quelqu'un commence à s'engager dans sa foi et à vivre l'Evangile, des proches peuvent lui dire : ‘tu es devenu malade ; tu n'es pas bien !' Ou comme sa famille l'a dit à Jésus : « Il a perdu la tête. » (Mc 3,21) D'après le monde, suivre Jésus, c'est tomber malade en se comportant étrangement ! D'après l'Evangile, suivre Jésus, c'est recouvrer la santé spirituelle ! Mais on peut aussi utiliser l'image de l'état amoureux. Ainsi Jean de la Croix dit-il que pour aller à Dieu, il faut gravir dix échelons de l'échelle d'amour et le premier consiste à devenir malade, mais malade d'amour… Il cite alors un verset de notre évangile :


« Nous disons qu'il y a dix degrés à cette échelle d'amour par laquelle l'âme, en passant de l'un à l'autre, s'élève vers Dieu. Le premier degré d'amour rend l'âme malade pour son bien. Parvenue à ce premier degré, l'épouse dit : "Je vous en conjure, filles de Jérusalem, si vous rencontrez mon bien-aimé, dites-lui que je suis malade d'amour." (Ct 5,8) Mais cette maladie n'est pas à la mort, mais pour la gloire de Dieu (cf. Jn 11,4), car à cause de Dieu, l'âme se retire du péché et de toutes les choses qui ne sont pas Dieu. (…) De même que le malade perd l'appétit et le goût pour toutes les nourritures et perd les couleurs, ainsi, à ce degré d'amour, l'âme perd le goût et le désir de toutes choses, et, comme le fait un amoureux, elle perd les couleurs et l'apparence qu'elle avait avant. » (II Nuit obscure 19,1)


Jean de la Croix précise dans son Cantique spirituel la portée de cette maladie d'amour :

« La maladie d'amour n'a pas d'autre remède que la claire présence du Bien-Aimé, parce que le mal d'amour étant différent des autres maladies, son remède est différent aussi. (…) C'est que la santé de l'âme, c'est l'amour de Dieu et donc, tant qu'elle n'est pas accomplie en amour, elle ne jouit pas d'une parfaite santé et par conséquent, elle est malade, car la maladie n'est pas autre chose que le manque de santé. De sorte que si l'âme n'a aucun degré d'amour, elle est morte ; lorsqu'elle possède quelque degré d'amour de Dieu, si minime soit-il, elle est désormais vivante, quoique bien faible et malade à cause de son peu d'amour ; mais plus son amour augmentera, plus elle aura de santé et quand elle parviendra à l'amour parfait, elle jouira d'une pleine santé. » (Cantique spirituel B 11, 11)


Celui qui s'approche de Jésus ne vit plus comme avant, mais dans un état différent qui semble étrange aux autres, un peu à la manière des amoureux… Plus rien n'a de goût sinon la présence de l'aimée(e). Car face à l'amour de Jésus, toutes les autres réalités perdent de leur attrait. Voilà donc une sainte maladie que cette maladie d'amour pour le Seigneur ! N'ayons pas peur de l'attraper car elle nous fera marcher beaucoup plus vite vers les sommets du Mont Carmel !



  • Espérer la vie divine dès aujourd'hui 

Jésus se présente ici comme Celui qui est « la Résurrection et la Vie ». Avec lui, il n'y a plus d'impasse. Aucune situation douloureuse n'est définitive, pas même la mort. Mais pour cela, il faut croire et espérer : espérer au-delà de ce que nous pouvons comprendre et imaginer. L'espérance est une vertu théologale aussi importante que la foi et la charité. Jean de la Croix nous montre combien nous manquons d'espérance parce que nous enfermons l'avenir dans notre mémoire du passé. Nous imaginons ce qui va arriver à partir de ce que nous avons vécu d'agréable ou de désagréable. Si nous avons vécu des choses douloureuses, nous préférons ne rien attendre de l'avenir pour ne plus souffrir et ne pas être déçus. Dans la vie spirituelle, nous sommes menacés par le manque d'espérance, c'est-à-dire par le manque de disponibilité à l'inattendu. Comme si Dieu n'était pas assez puissant ou libre pour inventer, avec nous, un avenir autre que celui que nous pouvons échafauder ! Ainsi, nous lisons de beaux textes spirituels et nous pensons : ‘c'est magnifique mais ce n'est pas pour moi ; je n'en suis pas capable, ne rêvons pas !'. C'est la tentation de Marthe dans l'évangile quand Jésus lui demande : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Au lieu de dire : ‘Oui, Seigneur, je crois que tu peux ressusciter mon frère dès aujourd'hui', elle fait une confession de foi ‘minimale' : « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu. » Il en est de même pour nous : Dieu nous promet la vie éternelle dès aujourd'hui. Et nous disons poliment : ‘merci, mais je garde cela pour après ma mort'. Et ainsi, nous manquons de poser un acte d'espérance. Or dit Jean de la Croix, « au sujet de Dieu, plus l'âme espère, plus elle l'atteint. »  (III MC 7,2) Nous recevrons de Dieu autant que nous en espérons !

Il est donc important de garder de grands désirs pour notre vie spirituelle et une espérance vive qui se dispose à recevoir les dons de Dieu les plus inattendus. Nous croyons au Dieu vivant qui ne peut donner que la vie et ce qui est bon. Et il veut le faire dès maintenant à travers les sacrements et la prière. Nous pouvons déjà vivre une profonde transformation intérieure jusqu'à nous unir à Dieu, de sorte que nous fassions presque spontanément sa volonté : Jean de la Croix parle ainsi de mariage spirituel pour symboliser cette profonde union de volontés qui correspond à la sainteté. Voilà donc notre dignité, le sens de notre vie et Jean de la Croix de nous interpeller : 

« Ô âmes créées pour ces grandeurs, âmes appelées à en vivre, que faites-vous ? À quoi vous occupez-vous ? » (Cantique spirituel B 39, 7)


  • Comme du bois tout en feu

Pour exprimer ce processus de divinisation que Dieu nous offre, Jean de la Croix utilise une image qu'il développe dans la Nuit obscure et la Vive Flamme d'amour : celle du bois enflammé. Cette image est certainement celle qui rend le mieux compte de l'enseignement du Docteur mystique sur la pédagogie de Dieu. L'être humain est comparable à un morceau de bois. Il est destiné à participer de la vie de Dieu symbolisée par le feu. Le travail de l'Esprit-Saint est donc de transformer le bois de notre humanité en feu divin et cela se produit à travers différentes étapes, plus ou moins agréables, plus ou moins claires :


« Cette lumière divine, agit dans l'âme, en la purifiant et en la disposant pour se l'unir parfaitement, de la même manière que le feu agit sur le morceau de bois pour le transformer en soi. En effet, quand le feu matériel s'attaque au bois, il commence par le sécher, le débarrassant de son humidité en lui faisant pleurer l'eau qu'il contient. Ensuite, le feu le rend noir, terne et laid, et même malodorant ; le desséchant peu à peu, il met en évidence tous les éléments ternes et laids de ce bois qui lui sont contraires et il l'en débarrasse. Finalement, le feu se met à l'enflammer de l'extérieur, à le chauffer et il parvient à le transformer en soi, le rendant aussi beau que lui-même. Arrivé à ce point, le bois perd toutes ses propriétés actives et passives, excepté le poids et le volume plus importants que ceux du feu, et il possède en lui-même les propriétés actives du feu : il est sec et il assèche, il est chaud et il réchauffe, il est lumineux et il éclaire, il est beaucoup plus léger qu'avant car le feu a mis en lui ses propriétés et leurs effets.

Nous devons raisonner de la même manière en ce qui concerne le divin feu d'amour de la contemplation. Avant de s'unir à l'âme et de la transformer en soi, il la purifie d'abord de tous les éléments qui lui sont contraires ; il met en évidence ses laideurs, montre sa noirceur et ce qu'elle a de terne, et elle paraît ainsi pire qu'auparavant, plus laide et plus abominable que de coutume. En effet, cette purification supprime peu à peu toutes les tendances mauvaises et faussées que l'âme ne percevait pas tant elles étaient enracinées et ancrées ; c'est pourquoi elle ne savait pas qu'il y avait tant de mal en elle. Mais maintenant, afin d'extirper ses tendances et de les réduire à rien, on les lui met sous les yeux ; alors, éclairée par l'obscure lumière de la contemplation divine, elle les voit très clairement, bien qu'elle ne soit pas pire qu'avant, ni en elle-même, ni aux yeux de Dieu. Comme elle perçoit en elle ce qu'elle ne percevait pas avant, il lui semble évident qu'elle est bien ainsi, que non seulement elle n'est pas digne que Dieu la regarde, mais qu'elle mérite son aversion et que déjà il l'a en horreur.

Par cette comparaison du bois enflammé nous pouvons (…) comprendre comment cette lumière de Sagesse amoureuse qui doit s'unir à l'âme et la transformer est la même qui, au début, la purifie et la prépare, de même que le feu qui transforme en soi le bois en s'incorporant à lui est celui-là même qui, au début, l'a préparé pour cela. » (II Nuit obscure 10, 1-3)


Notre chemin de vie consiste ainsi en une transformation intérieure parfois agréable, parfois douloureuse qui nous conforme à Jésus jusque dans ses sentiments profonds. Au début, le Seigneur nous séduit par des grâces sensibles dans la prière, comme le feu réchauffe le bois et le caresse. Puis vient un travail plus profond et intérieur qui ressemble parfois à une opération chirurgicale pour mettre à mort notre vieil homme et donner vie à l'homme nouveau. Dieu fait l'essentiel du travail mais nous devons y consentir et y collaborer à notre mesure.

Vivre à plein, c'est laisser Dieu nous transformer et nous redonner vie comme Lazare. Ce n'est pas encore la résurrection mais un avant-goût. D'ailleurs, ne nous y trompons pas : Jésus ne ‘ressuscite' pas Lazare car Lazare mourra plus tard, comme nous. Mais c'est un signe qui annonce sa future résurrection, et la nôtre avec ! Alors, offrons-nous cette semaine à la flamme de l'Esprit-Saint qui nous rendra plus vivants !


fr. Jean-Alexandre de l'Agneau, ocd (couvent d'Avon)


Les trois pistes de mise en pratique de la semaine


  1. Je cherche à visiter une personne malade proche ou du moins, à prier pour elle
  2. Quel acte d'espérance pourrais-je poser cette semaine ?
  3. Je pourrais essayer de prier devant un feu de cheminée ou avec l'image d'une bûche enflammée…

Prière de la communauté

poème de Jean de la Croix (une nuit obscure)

I. Dans une nuit obscure, D'ardents désirs embrasée, Oh ! l'heureuse aventure ! Je sortis sans être remarquée, Ma maison étant apaisée. II. À l'obscur et très sûre, Par l'échelle secrète, déguisée, Oh ! l'heureuse aventure ! À l'obscur et cachée, Ma maison étant apaisée. III. En cette nuit bienheureuse, En secret, car nul ne me voyait, Ni moi, rien je ne regardais Sans autre lumière pour guide Que celle qui en mon cœur brûlait. IV. Celle-ci me guidait, Plus sûre que celle de midi, Là où m'attendait Celui que, moi, je connaissais, En un lieu où nul ne paraissait. V. O nuit qui m'as guidée, O nuit plus aimable que l'aurore, O nuit qui as uni Le Bien-Aimé avec l'aimée, L'aimée en son Bien-Aimé transformée ! VI. Sur mon cœur couvert de fleurs, Qui se gardait, entier, pour lui seul, Là, il resta endormi Et moi, je le caressais, de l'éventail des cèdres l'air venait. VII. Le souffle qui venait du créneau, Quand je lui caressais les cheveux, De sa douce main A mon cou me blessait, Et tous mes sens saisissait. VIII. Je restai là, je m'oubliais, Le visage penché sur le Bien-Aimé. Tout cessa et je cédai, Abandonnant mon souci, Parmi les lis, oublié.

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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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