Bien souvent, quand on s'arrête d'avoir peur des gens de la rue, ou d'être fasciné par eux, on en fait des victimes. On est touché, ému par leur histoire toujours malheureuse, et on entre facilement dans une pitié dangereuse. J'ai toujours préféré la compassion. C'est tellement mieux que la noire indifférence qui fait oublier la misère.

Tant de gamins prostitués ont été cruellement abusés pendant leur enfance; tant d'enfants perdus ont traîné dans des foyers à la recherche de vrais repères affectifs; tant de gens sont simplement exclus des milieux professionnels parce qu'ils ne sont pas assez rapides; tant de maladies mentales ne sont encore ni reconnues ni soignées... On risque de chercher les bourreaux et de tout leur mettre sur le dos.

Avec les gens de la rue, nous essayons de sortir de ce dualisme simplificateur. Nous verrons dans ce numéro que ce n'est pas simple. Les victimes sont parfois consentantes; depuis si longtemps, c'est leur place ... Les bourreaux exploitent un gisement humain...

Notre espérance, en accompagnant les gens de la rue, c'est de reconnaître les causes de la misère : le chômage bien sûr, mais aussi l'errance sexuelle - commode pour les clients mais bien souvent fatale pour les personnes prostituées, mais aussi l'esclavage de l'argent, et enfin l'aveuglement spirituel. 

Notre espérance, plus radicale encore, c'est d'annoncer à tous le parti pris de Dieu. Il nous a donné son Fils Jésus comme sauveur de tous les hommes, les bourreaux comme les victimes. Jésus s'est fait pauvre; on l'a même crucifié. Et il est ressuscité; c'est grave et important. Chacun de nous est appelé à se convertir en suivant la route de Jésus, dans la Passion vers la résurrection. Chacun de nous peut devenir libre.

Père Patrick Giros