La mission ad gentes, c'est avant tout, un appel de Dieu à faire découvrir Jésus.
   "Viens et suis- moi …et va ". Pour moi, la mission " ad gentes" ce sont des visages que j'ai croisés durant mes 42 ans en Afrique. Pour ce deuxième dimanche du mois missionnaire, j’évoquerai la figure d’un missionnaire de notre diocèse que j'ai connu : le Père Jean Guth, un missionnaire de la congrégation des Pères Spiritains, au Congo Brazzaville.

   C'était un homme plein de qualités et de défauts aussi mais surtout le cœur sur la main auprès des jeunes paysans et des familles de la brousse. Il détestait les « embrouilleurs » et les corrompus qui exploitaient les petits. Jean était connu pour sa "grande
gu… ". Il était à la fois, curé, chef de village et promoteur de développement dans je ne sais combien de villages. Comme il le disait parfois, on n'évangélise pas les jeunes avec seulement des cours de catéchèse surtout quand on a faim. Il avait fait le choix de rester sur le territoire de la rébellion par solidarité avec les communautés chrétiennes.

   Jean, ce missionnaire de chez nous fut assassiné par des rebelles qui avaient découvert comment il dégarnissait le front de la rébellion. Selon les témoignages que j'ai reçus, des jeunes et des enfants soldats venaient le voir et lui demander comment quitter le front. Il leur donnait un peu d'argent et des provisions qu'il puisait dans ses réserves. Et les jeunes partaient en clandestin, sans se faire repérer par les miliciens de la rébellion, rejoindre la capitale. " C'est à cause de nous que le Père Jean est mort" m’a confié un de ces jeunes qu’il avait aidé à fuir le front.

   Une figure de missionnaire qui tenait les deux bouts de la chaine de l'évangélisation: l'annonce de l'Évangile, la catéchèse et la promotion de l'homme par le développement. Avec les jeunes, il avait développé les surfaces maraîchères. Pour assurer un approvisionnent d'eau potable, il avait capté une source et installé l'eau potable dans ce gros village. Il parlait couramment le lingala et le lari. Ces langues n'avaient pas de secret pour lui. Il maniait les proverbes d'une façon admirable. Il vivait ce proverbe très évangélique des cultures congolaises : « si tu veux connaître un téké, tu construis sa maison avec lui ».

   Quand il était fatigué,  il venait chez nous au centre professionnel Don Bosco. Il entretenait son véhicule, préparait, aiguisait, soudait son outillage de jardin. Et surtout, il se restaurait mieux "repas et repos" pour mieux évangéliser. Par deux fois, se sentant en danger, il était revenu chez nous se mettre à l’abri de la rébellion. Je me souviens que des jeunes l’avaient accompagné dans une de ses fuites, quand il s’était réfugié en sa cachant dans le cimetière d’à côté de chez nous. La troisième fois,  il n’a pas eu le temps de se mettre à l’abri : les rebelles l’ont arrêté. Torturé, blessé gravement aux jambes, il est décédé malgré les soins donnés par des fidèles.

   Pourquoi est-il resté au milieu des gens ?  Jean n’était pas le missionnaire à  abandonner les fidèles des communautés chrétiennes plongées dans la tourmente d’une cruelle rébellion.
Jean Guth, comme Saint Paul dans son métier de tisserand, n’a pas eu peur d’avoir les mains calleuses. La vie missionnaire n'est pas un long fleuve tranquille. C’est une vie ascétique. La solitude est toujours présente. Heureux les missionnaires qui ont un réseau téléphonique pour communiquer entre eux. Heureux les isolés de la brousse qui ont une paroisse de ville, ou un lieu d’accueil pour les accueillir, comme nous le faisions pour Jean.
Je pourrai encore évoquer le travail colossal des Jésuites au Tchad qui tout en évangélisant, ont introduit avec les coopérants jacistes de la Bourgogne et de l’Alsace, la culture attelée avec des bœufs, à partir de leurs écoles de catéchistes.

Et encore la figure d’Henri Peter, prêtre salésien, ingénieur agronome en retraite, appelé par un évêque du nord de la Cote d’ Ivoire pour prendre en charge la formation d'une école de catéchistes : il a introduit des cours de mécanique et de soudage avant que la première machine arrive dans cette région de paysans cultivant coton et plantes vivrières, tout à la houe. Ses enquêtes de milieux lui avaient révélé que la petite mécanique allait arriver et qu’il était nécessaire de préparer ces hommes à leur mission de catéchistes tout en étant mécanicien - réparateur de motoculteurs, de charrues.
    Le mois missionnaire c'est le mois où l'on se souvient de tous ces hommes et ces femmes qui ont, avec l'Évangile annoncé, aidé l'homme à se sortir de la misère pour un mieux vivre, en sachant qu’il y en a encore aujourd’hui, comme cette religieuse de Putanges qui est en train de créer et d’animer une ferme- école au sud du Cameroun.

      C’est aussi le mois où il faut prendre conscience qu’il faut accueillir ces frères prêtres et ces religieux et religieuses qui viennent de l’Afrique et de l’Asie, apporter, avec leur culture, l’Évangile dans nos paroisses, les « ad gentes » que nous sommes devenus, de plus en plus éloignés  de l’Évangile,  en même temps que leur vision du monde avec leur culture. Eux aussi, ils sont loin de chez eux. Il faut s’en souvenir avec le « viens et suis moi » et le «  va , quitte ton pays ».