Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Le soir venu, les disciples de Jésus descendirent jusqu’à la mer. Ils s’embarquèrent pour gagner Capharnaüm, sur l’autre rive. C’était déjà les ténèbres, et Jésus n’avait pas encore rejoint les disciples. Un grand vent soufflait, et la mer était agitée. Les disciples avaient ramé sur une distance de vingt-cinq ou trente stades (c’est-à-dire environ cinq mille mètres), lorsqu’ils virent Jésus qui marchait sur la mer et se rapprochait de la barque. Alors, ils furent saisis de peur. Mais il leur dit : « C’est moi. N’ayez plus peur. » Les disciples voulaient le prendre dans la barque ; aussitôt, la barque toucha terre là où ils se rendaient. 
(Jn 6, 16-21)

Contre toute attente

Pour se débarrasser de toute supposition mesquine à son sujet et persuader l’esprit des Apôtres qui était encore quelque peu défaillant – de sorte qu’ils puissent savoir que, de manière extraordinaire, le Christ fait tout ce qu’il veut sans être empêché par la nature des choses et sans même que leur ordre et leur nécessité ne constituent pour lui le moindre obstacle –, il a mis sous ses pieds la masse liquide des eaux, bien qu’elle n’ait pas été habituée à supporter les corps humains : car en tant que Dieu tout lui était possible (Mt 19, 26).

Alors qu’ils sont séparés de la terre ferme par de longues distances et qu’ils s’attendent à sombrer sans salut possible – car ils étaient déjà au milieu de la mer –, ô combien le Christ est alors désiré au moment où il leur apparaît ! Car il était possible ainsi de donner le plus joyeux des saluts à ceux qui étaient en péril, la peur leur ayant déjà coupé d’avance tout espoir de vivre. Or il leur apparaît de manière extraordinaire : c’était là, en effet, le moyen d’un utile dessein. Ils sont paniqués au milieu de la mer et, en voyant Jésus marcher sur les eaux mêmes, ils éprouvent à ce prodige un surcroît de peur. Mais le Christ les en débarrasse immédiatement : « C’est moi. N’ayez plus peur. » Car ce n’est pas tout de suite, dès le début des aléas qui nous tourmentent, que vient la grâce du salut, mais quand la peur est à son comble, que le péril semble déjà prévaloir et que nous nous trouvons, pour ainsi dire, au milieu des flots de la détresse : alors, contre toute attente, apparaît le Christ.

St Cyrille d’Alexandrie

(Traduction inédite de Guillaume Bady pour Magnificat.)

Saint Cyrille († 444) fut un exégète prolixe en même temps qu’un défenseur ardent de la foi au Christ.