Saint Bruno : chapitre 2

Chapitre 2 :

Que s’est-il passé pour que Bruno qui n’est plus tout jeune - il a la cinquantaine – dont le parcours s’est déroulé sans accrocs et qui devrait poursuivre tout naturellement son existence au service de Dieu, à l’archevêché, que s’est-il passé pour que brusquement il s’en aille ?

Une décision difficile à cerner car nous ne possédons guère d’écrits sur cette période. Une certitude : Bruno a voulu se consacrer à Dieu sans restriction et il en fit la promesse, ainsi qu’il l’écrivit par la suite, dans « le jardin de la maison d’Adam » avec deux de ses amis, Fulcius le Borgne et Raoul Le Verd.

Peut-être un faisceau de circonstances l’a-t-il aidé à conduire sa réflexion. Peut-être les honneurs du monde qui lui étaient promis avec l’archevêché, loin de trouver un écho en lui, l’ont-ils détourné de la vanité des biens terrestres. Sans doute l’affaire de Manassès qu’il venait de gérer avec succès avait produit en lui une sorte d’écœurement propre à lui faire rechercher une autre voie. Qu’on imagine la stupeur des rémois qui le connaissaient, écoutaient ses prédications et le vénéraient depuis tant d’années, surtout depuis qu’il les avait débarrassés de l’odieux Manassès, face à un choix qu’ils ne comprenaient pas. Ils cherchèrent par tous moyens à le retenir, à espérer qu’il reviendrait sur sa décision. En vain.

Bruno a-t-il agi sur un coup de tête ? Certainement pas. C’est un homme parfaitement équilibré, comme l’affirment les témoins de son temps. Voici notamment ce que dira un de ses frères de Calabre : 

« Bruno mérite d’être loué en bien des choses, mais en cela surtout : il fut un homme d’humeur toujours égale, c’était là sa spécialité. Il avait toujours le visage gai, la parole modeste ; il montrait, avec l’autorité d’un père, la tendresse d’une mère. Nul ne l’a trouvé trop fier, mais doux comme l’agneau. »

Il change de vie, tout simplement pour répondre à un appel du Seigneur.

Il part. Seul. Car les deux compagnons sur lesquels il comptait se désistent au dernier moment… Mais bientôt le rejoignent deux anciens chanoines, Pierre et Lambert. Tous trois ne s’éloignent guère, en un premier temps. Ils vont en Bourgogne frapper à l’Abbaye de Molesmes où ils sont reçus par l’Abbé, un futur saint, Robert de Molesmes, qui deviendra plus tard le fondateur de l’ordre cistercien. Au moment où Bruno et ses compagnons pénètrent dans l’abbaye, Robert se trouve lui-même dans une quête non encore aboutie. Bénédictin à l’origine, il a essayé de réformer la règle de son ordre dont les religieux s’étaient écartés. Comme ces derniers étaient rebelles à la réforme austère préconisée, Robert les a quittés pour rejoindre des ermites qui vivent dans des huttes, dans la forêt de Molesmes, près de Laignes, en Côte d’Or. Mais cette austérité ne dure pas. L’abondance des dons consentis aux moines va leur tourner la tête : un monastère est construit et, face à un nouveau relâchement, Robert qui ne pourra rétablir la discipline, s’en ira avec six de ses moines dont Saint Aubry et Saint Etienne Harding. Il s’installera à Cîteaux, en 1098, pour vivre la règle de Saint Benoît dans sa rigueur et sa pureté, en développant le culte de la Vierge Marie.

L’évêque de Grenoble, Hugues de Chateauneuf, accueille Bruno et ses compagnons puis il les conduit au Désert de Chartreuse.

Pour l’heure, il accueille à Molesmes Bruno et ses compagnons. Imaginons la rencontre entre ces deux saints dont l’un sera le fondateur des Chartreux et l’autre des Cisterciens. Deux saints disponibles à l’appel du Seigneur mais qui ne discernent pas encore où cet appel va les conduire.

Bruno n’envisage pas la vie cénobitique. Il confie à Robert son désir de mener une expérience de vie solitaire. Celui-ci met à sa disposition une terre, nommée Sèche-Fontaine, située dans un endroit très retiré, à deux lieues de Molesmes. A Sèche-Fontaine, il semblerait que Bruno et ses compagnons aient mené une vie érémitique, éloignée de la règle de Saint Benoît. Par vie érémitique, il faut entendre une forme de vie contemplative où les moines adoptent une solitude totale : ils prient, prennent leurs repas et dorment seuls. A l’inverse, les cénobites mènent une existence commune qu’il s’agisse des repas, du repos ou des prières. Leur monastère comprend chapelle, dortoir et réfectoire où tous se rassemblent. Ainsi des bénédictins et des cisterciens. Sans doute Bruno n’a-t-il pas encore en tête la règle érémitique qui prédominera par la suite mais elle se fait jour peu à peu. Clairement, son destin n’est pas de vivre à la manière des moines de Molesmes. Bientôt germe en lui l’idée d’un nouveau départ. D’une part, il constate qu’il se trouve encore trop près de Reims, on vient le voir pour le solliciter. De sorte que la rupture souhaitée avec le monde n’est pas acquise. D’autre part, il ne peut accepter l’idée de dépendre plus ou moins de la règle de Saint-Benoît. Il va donc trouver Robert, l’Abbé de Molesmes, pour lui annoncer son intention de se rendre dans un lieu plus conforme à sa soif de solitude et d’ascétisme, en l’occurrence un abri plus au sud, peut-être en Dauphiné. Mais il ne convainc pas ses compagnons, Pierre et Lambert, conscients de n’être pas appelés à la vie érémitique. Ils choisissent donc de rester à Molesmes.

L’idéal de Bruno va pourtant séduire. Il perd deux compagnons. Qu’importe ! Il en gagne six autres. On ne sait trop d’où ils viennent. Peut-être de l’abbaye de Molesmes pour certains. Peut-être d’anciens disciples de Reims. Le premier se nomme Landuin, c’est un italien de Toscane. Viennent ensuite Etienne de Bourg et Etienne de Die, puis Hugues le Chapelain (ainsi désigné par Bruno pour tenir cet office) enfin deux laïcs qui seront les premiers convers. Il se trouve que les deux Etienne connaissent Hugues de Chateauneuf, le jeune évêque de Grenoble et l’apprécient. C’est sans doute sur leur conseil que Bruno choisit de partir vers le sud et décide de le rencontrer. Il veut lui dire son désir de trouver un lieu de solitude dans les montagnes de sa province et, très humblement, de solliciter son aide.

Voici donc, par un matin de printemps de 1084, le petit groupe qui chemine vers le sud. Par étapes, ils vont gagner Lyon et prendre la direction de Grenoble.

Pendant ce temps, Hugues de Chateauneuf fait un songe : sept étoiles brillent dans le ciel puis tombent à ses pieds. Ensuite elles bougent à nouveau, partent vers le nord de la ville, dans un endroit désert de la montagne où il voit Dieu se bâtir un temple. L’évêque (encore un futur saint) est marqué par cette vision et s’interroge sur sa signification quand on l’avertit que des voyageurs viennent le visiter. Il les accueille et tout s’éclaire : ils sont sept, autant que les étoiles de son rêve. Dès lors il ne doute plus. C’est le Seigneur qui les lui envoie. Bruno n’est pas un inconnu pour le jeune évêque. La réputation de l’Ecolâtre est arrivée jusqu’à lui. Tandis qu’il écoute Bruno lui dévoiler son projet, il se rappelle avoir entendu parler d’un lieu difficile d’accès, peuplé de pauvres gens et de bêtes sauvages, à quatre ou cinq lieues au nord de la ville. On le nomme le désert de Chartreuse. Hugues en parle aux arrivants. Bruno et ses compagnons sont séduits. Ils veulent s’y rendre sans tarder.Il s’agit d’une vallée étroite et resserrée des Préalpes, à 1175 mètres d'altitude, où de grands sapins laissent à peine pénétrer la lumière, et que les neiges isolent presque complètement du monde extérieur durant l'hiver interminable. Ce cadre austère leur paraît approprié à la forme de vie entièrement centrée sur Dieu qu'ils recherchent.

Le jeune évêque Hugues de Chateauneuf prend la tête d’une petite procession qui se met à gravir la montagne, escalader les rochers, longer les précipices. Elle traverse de petits villages où les gens s’interrogent. Que viennent faire ici ces pèlerins ? Se fixer ?

Les villageois se réjouissent et disent leur région bénie. L’année 1084 verra consignée dans les chartes la formule : «  l’an que l’hermitte vint. »

« A quoi servent-ils ? » On entend parfois cette question à propos des Ordres contemplatifs. La réponse est donnée par les Chartreux eux-mêmes : 

« Séparés de tous, nous sommes unis à tous car c’est au nom de tous que nous nous tenons en présence du Dieu vivant. » Statuts 34.2

Ils portent l’humanité, prient et intercèdent pour elle, reçoivent pour elle la miséricorde divine. Bénissons le Seigneur, rendons grâce pour leur intercession auprès de la Vierge Marie et de son Fils Bien-aimé, Jésus-Christ.

 Je vous salue, Marie…

Prière de la communauté

Je vous salue Marie

Je vous salue Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus le fruit de vos entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen.

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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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