Ô Christ, nous T'offrons nos chastes abstinences

Ô Fils de Nazareth, Astre de Bethléem, Verbe du Père, Toi qu'enfanta pour nous un sein virginal ; ô Christ ! Agrée nos chastes abstinences. Ô Roi ! Nous T'offrons la victime du jeûne : d'un œil serein regarde notre fête. 

Rien de plus saint que ce rite mystérieux qui purifie la fibre vivante du cœur, qui dompte l'intempérance jusque dans son siège, de peur que la plénitude du corps n'étouffe l'ardeur de l'esprit. 

Le jeûne subjugue la liberté des sens et la gourmandise honteuse ; l'assoupissement que produisent le vin et le sommeil, la licence qui souille, la mollesse impudente, tous les vices de notre nature paresseuse y ressentent le joug d'une étroite discipline. 

Si l'homme se laisse aller sans frein au manger et au boire, s'il ne contient ses membres par le jeûne, la noble flamme de l'esprit s'attiédit bientôt ; elle s'amoindrit dans des jouissances qui la flétrissent ; l'âme s'endort dans la lâcheté du corps. 

Réfrénons donc le désir de la chair ; que la prudence se ravive et brille au dedans de nous-mêmes ; la pointe de notre esprit s'aiguisera, l'âme aspirera d'un souffle plus libre, et sa prière s'adressera plus dignement à Celui qui l'a créée. 

L'observance du jeûne ajouta encore à la grandeur d'Elie, ce vieux prêtre, hôte d'un désert aride. Ce prophète, fuyant le bruit des cités et la vue de tant de crimes, goûtait le tranquille silence de la solitude. 

Mais bientôt il s'envola dans les airs, entraîné par des chevaux de feu sur un char rapide, de peur que le monde, trop voisin encore, n'exhalât la contagion de ses vices sur cet homme paisible qu'illustrait la rigueur des jeûnes qu'il avait accomplis. 

Moïse, fidèle interprète du trône redoutable, ne put contempler le Roi du ciel aux sept régions, avant que le soleil, dans sa course à travers le firmament, ne l'eût revu quarante fois privé de toute nourriture. 

Il priait, et son seul aliment étaient ses larmes. Il veillait, et son front pressait la terre arrosée de ses pleurs, jusqu'à ce que, averti par la voix de Dieu, son regard tremblant se dirigea vers ce feu dont il ne pouvait supporter l'éclat. 

Jean, qui fut le précurseur du Fils du Dieu éternel, ne fut pas moins puissant dans le jeûne, lui qui abaissa les sentiers raboteux et redressa les voies tortueuses, enseignant aux hommes la voie droite qu'ils avaient à suivre. 

Il préparait à son tour les mortels à l'observance du jeûne, ce messager chargé d'ouvrir un chemin au Dieu qui allait venir, enseignant que les montagnes devaient s'aplanir, les voies rocailleuses s'adoucir, afin que la Vérité, descendant sur la terre, ne rencontrât plus aucun sentier négligé. 

Sa naissance eut lieu contre les lois ordinaires de la nature : enfant tardivement mis au jour, il suça les mamelles d'une mère au sein de laquelle le lait était tari ; mais sa vieille mère ne l'avait pas encore mis au jour que déjà l'enfant avait annoncé la Vierge qui portait Dieu. 

Bientôt il se retira dans un vaste désert ; il se couvrit de peaux de bête au poil dur et hérissé, à la laine grossière, fuyant avec horreur la souillure que produisent les mœurs impures des cités. 

Là, se livrant à la règle de l'abstinence, cet homme aux mœurs sévères renvoyait au soir la nourriture et le breuvage, ne donnant à son corps pour aliment que des sauterelles et quelques gouttes de miel sauvage. 

Le premier, il prêcha; le premier, il enseigna le salut nouveau ; ce fut lui qui clans le fleuve sacre purifia les taches qui longtemps avaient souillé les consciences ; mais s'il lavait ainsi les membres des pécheurs, l'Esprit devait bientôt du haut du Ciel répandre ses influences dans leurs cœurs. 

Pourquoi citerai-je en faveur du jeûne l'exemple d'un peuple ancien, quand nous savons que Jésus, vivant encore sous le poids de Ses membres mortels, jeûna autrefois, malgré la Sainteté de Son cœur, Lui annoncé par la bouche du Prophète comme l’Emmanuel, le Dieu avec nous ? 

Lui qui, par la Loi sévère de la vertu, a rendu libre notre corps, dont la nature est la mollesse, et que le joug facile des voluptés tenait captif ; Lui qui a émancipe Sa créature jusqu'alors asservie ; Lui vainqueur des appétits qui régnaient alors ? 

Retiré à l'écart dans un lieu inhospitalier, Il se refuse pendant quarante jours le bienfait de la nourriture, fortifiant par un jeûne salutaire ce corps dont la faiblesse aspire aux jouissances. 

L’ennemi s'étonne qu'un limon périssable puisse supporter et souffrir tant de fatigues. Par d'habiles artifices, il explore si ce n'est point un Dieu caché sous des membres terrestres ; mais il s'entend reprocher sa fraude, et n'a plus qu'à s'enfuir. 

Puissions-nous, ô Christ ! Ô Maître de la doctrine sacrée ! Imiter selon nos forces l’Exemple que Tu donnas à Tes disciples, afin que, victorieuse des appétits brutaux, notre âme, devenue maîtresse, triomphe dans tout son empire. 

C'est là ce que nous envie la noire jalousie de notre adversaire ; c'est là ce qui plaît au Maître souverain de la terre et des Cieux, ce qui rend propice l'autel mystérieux, ce qui réveille la foi d'un cœur qui s'endormait, ce qui enlève la rouille d’une âme languissante. 

Comme la flamme s'éteint sous les eaux qu'elle rencontre, comme la neige se fond sous un ardent soleil ; ainsi la triste moisson de nos péchés s'anéantit broyée par le jeûne sacré, quand l'aumône vient y joindre sa bienveillance. 

Car c'est aussi une grande œuvre de vertu de couvrir celui qui est nu, de repaître l'indigent, de porter aux suppliants un bienfaisant secours, de reconnaître une seule et même destinée humaine entre le pauvre et le puissant. 

Assez heureux est celui qui, ravissant la vraie gloire, étend sa main droite pour prodiguer l'argent, tandis que sa main gauche ignore ce bienfait. Un trésor éternel est là pour le dédommager; il prête, et ce qu'il avance lui rendra au centuple. 

Ainsi soit-il. 

Prudentius de Sarragosse (348-405), Poète lyrique chrétien espagnol de la région de Saragosse, le Prince des poètes de la Liturgie latine, qui a consacré son talent poétique à Dieu par de nombreuses hymnes. 


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Apprends-nous à prier Lc 11, 1-4

Un jour, quelque part, Jésus était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : «Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean Baptiste l'a appris à ses disciples.» Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : 'Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour. Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation.' »

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