PA 94 : Prédication à des religieux (ses), autographe. 

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Le recueillement

Recueillement - Grâce intérieure de conversion

Grâce de recueillement

Quand Dieu veut faire à une âme une très grande grâce, il lui accorde une grâce d'un plus grand recueillement. Cette vérité incontestable n'est guère connue et appréciée, même des personnes pieuses, qui trop souvent mettent leurs progrès dans les actes extérieurs ou dans une plus grande jouissance de Dieu.

Une grâce de recueillement nous rapproche plus de Dieu, alors nous avons plus de lumières, plus de chaleur, nous sommes plus près du foyer divin. Voilà pourquoi dans un état plus recueilli, on comprend si bien certaines vérités ; c'est qu'on les pénètre dans la lumière de Dieu. Alors on sent une paix que l'on ne connaissait pas, une force qui nous surprend, on se sent avec Dieu.

Ce qu'il y a encore de plus consolant, c'est qu'étant plus présent à Dieu, plus près de lui, on entend la douce parole qu'il ne dit qu'à ceux qui, comme saint Jean, reposent sur son cœur [cf.Jn 13,25]. C'est la voix basse et mystérieuse de l'amour.

“Écoute, ma fille, dit Dieu dans le prophète, et vois, incline l'oreille à ma voix ; oublie ton peuple et la maison de ton père, et tu seras l'objet de l'amour du roi !” [Ps 44,11-12]

De ce principe, il suit que ce qui fait la valeur, le prix d'une grâce, c'est son onction intérieure, qui nous recueille en Dieu ; il suit encore qu'une grâce intérieure vaut plus que mille grâces extérieures ; que nos pratiques de piété et de vertu n'ont de vie que dans le recueillement qui les anime. Rien là d'étonnant puisque c'est la puissance de compression qui est le principe du mouvement extérieur.

Dans le monde, l'homme le plus habile, le plus puissant, n'est pas celui qui est le plus fort, le plus vif au travail – c'est le profond penseur, l'homme réfléchi, patient, qui examine une chose sous toutes ses faces, qui en pèse la puissance, en prévoit les obstacles, en combine les moyens. Cet homme-là est maître ; il ne sera vaincu que par un penseur plus profond que lui.

Dans le monde spirituel, c'est le chrétien le plus recueilli, le plus dégagé des sens, de la nature, du monde qui est le plus éclairé. Ses yeux sont plus purs, plus pénétrants au-dessus des brouillards de ce monde. Il est le plus puissant dans sa prière, elle est faite en Dieu ; dans sa parole, il répète comme Jésus-Christ, celle de Dieu ; dans ses œuvres, en apparence inutiles, simples, et c'est lui qui convertit, qui sauve le monde. Moïse sur la montagne, seul, recueilli devant Dieu, était plus fort que toute l'armée d'Israël [cf. Ex 17,11].

Donc la vie adorative, contemplative est plus parfaite que la vie la plus laborieuse : la vie de Jésus à Nazareth pendant trente ans, sa vie eucharistique anéantie, sont là pour nous le dire.

S. Pierre-Julien Eymard (PA 94,3)