J23 - Quatrième dimanche - Une étoile et un nuage

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Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc (1,39-45)

En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

1- Commentaire évangélique : disposée à aimer comme Dieu a aimé

« Je n’ai jamais été aussi heureuse que lorsque j’étais enceinte », avait témoigné, il y a quelques années, une mère à son fils... Quelle joie a donc pu réunir Élisabeth et Marie, toutes deux enceintes elles aussi ! Deux femmes portant la vie en elle, deux femmes attendant l’accomplissement des paroles qui leur furent adressées : naissance d’un grand prophète pour la première, prophète dont la mission serait d’annoncer la venue du Christ, et naissance du Fils de Dieu parmi les hommes pour la seconde… Élisabeth et Marie se réjouissent ensemble, heureuses et comblées de leur participation au plan qui les dépasse infiniment, celui du dessein du salut de Dieu pour toute l’humanité…

En ce jour, Marie est venue se mettre au service de sa cousine, bien plus âgée. Elle a probablement besoin d’être aidée dans sa grossesse, pour les tâches quotidiennes, et Marie se propose de rester avec elle environ trois mois – c’est-à-dire jusqu’au terme de la grossesse d’Élisabeth – avant de retourner chez elle. Et Élisabeth accueille avec bonheur la visite de Marie. N’a-t-elle pas mis au moins une longue journée, partant de Nazareth, pour cette région de Judée située en montage, à plusieurs dizaines de kilomètres ? Mais la surprise d’Élisabeth est plus grande encore lorsque, avec la salutation de Marie, elle se retrouve soudainement « remplie d’Esprit Saint »… Élisabeth n’a pas pu recevoir Marie sans… recevoir l’enfant Jésus Lui aussi, et à travers Lui, le don de l’Esprit !

C’est que Marie coopère activement au projet de salut de Dieu pour les hommes, au point d’apporter « une coopération absolument sans pareille », précise le Concile Vatican II. Le Très-Haut, en la Personne du Verbe de Dieu, a quitté le haut des cieux pour s’abaisser et venir prendre chair dans le sein d’une Vierge. Et depuis lors, Marie partage sans cesse cette disposition divine à aller de l’avant vers la rencontre des hommes, quitte à s’abaisser en ne faisant pas valoir sa dignité (celle, pourtant, de Mère de Dieu !).

Le premier verset de l’évangile d’aujourd’hui est à ce sujet explicite. « En ces jours-là, Marie se mit en route », se conformant bien à la disposition d’un Dieu n’ayant pas hésité à quitter la gloire des Cieux, pour venir se rendre dans le monde. Marie aurait pu rester chez elle ; d’ailleurs n’était-elle pas enceinte, avec toute la prudence requise lorsqu’on porte un enfant ? Quant à son fiancé Joseph, ne lui apportait-il pas la perspective d’un toit et d’une vie familiale sécurisée ? Marie préfère s’exposer pour partir à la rencontre de sa cousine. Elle le fait « avec empressement », caractéristique là encore d’une disposition se conformant à l’empressement de Dieu. Jésus Lui-même, plus tard, ne sera-t-Il pas également dévoré par le zèle pour la Maison du Père et le salut des hommes (Cf. Jn 2,17) ? Ne sera-t-Il pas Lui-même empressé d’annoncer la Bonne Nouvelle en allant jusque dans les maisons des pécheurs, quitte à froisser les autorités religieuses ? Enfin, Marie emprunte une route qui n’est pas de tout repos, puisqu’elle la mène « vers la région montagneuse », où les chemins se révèlent facilement sinueux et escarpés… Comme indiqué lors du deuxième dimanche de l’Avent, Dieu Lui aussi n’hésite pas à parcourir un long chemin en s’abaissant pour rejoindre le monde des hommes, espérant que ceux-ci veuillent bien, en retour, ouvrir ce chemin menant à la porte de leur cœur. Marie trouve une voie peut-être pas très droite, mais en tout cas praticable pour se rendre chez Élisabeth. Alors elle n’hésite pas ; elle se rend auprès d’elle.

 

Ne pensons pas toutefois que le chemin s’arrête là : le fruit des entrailles de la Vierge vient pour donner son propre Esprit de Fils unique. En rencontrant Marie et à travers elle l’Enfant-Dieu à naître, Élisabeth reçoit déjà une part de cet Esprit, signifiant le bouleversement qu’opère toute rencontre avec le Christ. Quand l’enfant Jésus naîtra, sa venue au monde et sa venue dans nos cœurs ne signifieront pas la fin du chemin. Celui-ci se poursuivra au contraire par une relation retrouvée, où la créature reçoit à nouveau le divin Souffle de Vie. Cette rencontre se mue en une relation vivifiante. Elle ne vient pas mettre un terme au cheminement réciproque de Dieu venant à l’homme d’un côté, et de l’homme préparant de son côté le chemin d’accès à son cœur. La Vie divine renouvelle en effet la vie de l’homme et lui fait emprunter un autre sentier, celui du chemin étroit menant au Royaume du Père (chemin étroit parce que droit, il n’a pas besoin d’être élargi comme s’il contenait des virages à négocier !).

Sur ce chemin ramenant le cœur des hommes vers leur Père éternel, une étoile nous a été donnée, pour nous guider un peu comme l’étoile guida les mages venant d’Orient pour adorer le Nouveau-Né. Notre-Dame du Mont Carmel est cette étoile, car c’est par sa maternité divine que ce chemin de retour a été rouvert, et elle est un guide très sûr pour nous accompagner vers la Demeure céleste que Jésus nous aura préparée.

2- Méditation : Notre-Dame, favorable aux âmes plantées sur le Mont Carmel

Mater mitis
Sed viri nescia
Carmelitis
Esto propitia
Stella maris

Radix Iesse
Germinans flosculum
Nos ad esse tecum
In saeculum
Patiaris.

Douce Mère

Mère sans avoir connu d’homme

À ceux du Carmel

Sois favorable

Étoile de la Mer

Racine de Jessé

Donnant vie à une petite fleur

Que tu sois avec nous

Pour toujours

Fais que nous le soyons.

Notre-Dame, comme la meilleure des mères qui soit, se montre toujours favorable pour apporter la vie de son Fils aux hommes qui l’en implorent. Elle se montre favorable à ceux du Carmel, c’est-à-dire à ceux voulant revenir sur le sentier de Dieu montant au Ciel, comme le Mont Carmel s’élève paisiblement depuis la côte et la plaine de Yisréel. En cela elle est bien l’étoile de la mer entraînant les hommes à sortir de leurs vies parfois si endurcies, pour cheminer sur ce sentier de Vie. Le récit biblique du sacrifice sur le Mont Carmel nous le confirme, grâce à l’interprétation qui en a été donnée par des théologiens du quatorzième siècle, et que la tradition ecclésiale a reprise depuis.

En un temps très lointain, plus précisément aux alentours de l’année 900 avant Jésus-Christ – c’est-à-dire bien avant la naissance de la Vierge Marie elle-même ! –, tout le peuple d’Israël était dans le désarroi. La sécheresse sévissait en effet depuis trois ans, la famine faisait mourir les gens de soif et de faim. C’est que le Ciel était fermé, le prophète Élie ayant annoncé qu’en conséquence du péché d’Israël, la pluie ne tomberait plus…

Nous connaissons la suite de ce célèbre passage du livre des Rois (1 R 18,1-46) : le peuple entier, et le roi lui-même, prirent le chemin du Mont Carmel, où Élie les attendait. Après avoir démontré aux yeux de tous que le Dieu d’Israël est le seul vrai Dieu, « Élie monta sur le sommet du Carmel, il se courba vers la terre et mit son visage entre ses genoux » [1 R 18,42]. Il priait pour que la pluie revienne, pour que la sécheresse prenne fin et que la famine cesse. Priant avec insistance, demandant sept fois de suite à son serviteur de scruter au large de la Méditerranée, un petit nuage finit par se dessiner. « Voilà un nuage qui monte de la mer, annonça alors le serviteur, gros comme le poing » [1 R 18,44], suggérant peut-être que ce petit cumulus n’était pas à la hauteur de la situation…

C’est pourtant bien lui qui annonçait le retour de la pluie. Élie le reconnut tout de suite, et effectivement « le ciel s’obscurcit de nuages, poussés par le vent, et il tomba une grosse pluie » [1 R 18,45]. Ce fut pour les hommes venus au Mont Carmel la fin de la sécheresse, la fin de la famine, le retour à la vie.

Pourquoi l’Église voit-elle alors, en ce petit nuage, la préfiguration de la Vierge Marie elle-même ? La réponse vient d’une certaine similitude entre ce petit nuage et la jeune fille de Nazareth… Pour commencer, le nuage semble insignifiant. Un petit nuage pourrait-il apporter une abondante pluie ? Pourtant, ce fut bien lui qui apporta sur terre les bienfaits du Ciel – la pluie – et le retour à une vie à l’abri de la famine, à l’abri de la mort pour tout dire. Il en est de même pour la Vierge Marie. N’est-elle pas de Nazareth, petite bourgade insignifiante aux yeux de beaucoup d’Israélites ? Et pourtant, c’est bien elle qui fut choisie par le Ciel pour donner naissance au Verbe, l’Emmanuel Dieu-avec-nous. En cette jeune fille, qui n’était pas fille de notable, qui habitait une quelconque région de périphérie, le Ciel s’est ouvert pour en faire descendre Celui qui apporterait le salut, la Vie, aux hommes : Jésus-Christ. De même, donc, que le petit nuage apparemment insignifiant permit au Ciel de déverser la vie sur terre, de même la Vierge apparemment anonyme permit à Dieu de donner Celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie sur terre.

Notre-Dame du Mont Carmel est vraiment l’étoile de la mer, celle qui est tout à la fois guide pour retrouver le chemin de la Vie, et elle-même annonciatrice de cette Vie. Avoir auprès de soi la Vierge Marie, c’est tout autant profiter de la présence de son Fils. Marie et Jésus sont inséparables. Dans l’évangile, Élisabeth en a fait l’expérience. De son côté, le prophète Élie (et avec lui le peuple d’Israël) a pu entrevoir quelque chose de ce mystère, au Mont Carmel.

Quand bien même il s’agirait de venir pour donner vie à une petite fleur, à une simple petite fleur sur le Mont Carmel, la grâce demandée surgirait tout autant. Telle est l’espérance et l’expérience des hommes ayant eu recours à Notre-Dame du Mont Carmel, Reine et Beauté du Carmel, Mère douce et forte, Sœur des hommes dans leur chemin à la suite de son Fils venu apporter la Vie. Si notre âme est semblable à une petite fleur, selon cette expression du Flos Carmeli, si notre âme est semblable à cette « petite fleur blanche » dans laquelle la petite Thérèse se reconnaissait elle-même dans son Histoire d’une âme, alors n’hésitons pas : Notre-Dame du Mont où pousse cette petite fleur saura bien apporter la pluie, grâce à la venue de son Fils ! Alors en ces derniers jours d’attente de Noël, confions-nous à elle avec sérénité ; c’est elle qui nous prépare à accueillir son Fils dans la joie !

Fr. Cyril Robert, ocd (couvent de Paris)

William-Adolphe Bouguereau « The Virgin With Angels »

Prière de la communauté

Je vous salue Marie

Je vous salue Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus le fruit de vos entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen.

Merci ! 228 personnes ont prié

7 commentaires

Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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L'Avent : Avec Notre-Dame du Mont Carmel

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