"Tout est accompli" - P. Raniero Cantalamessa

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Extrait de la Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Jean   (Jn 19, 23-30)

Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas. Alors ils se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura. »
Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement. C’est bien ce que firent les soldats.

Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. »
Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif. »
Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. »
Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.

Commentaire – P. Raniero Cantalamessa

Dans cette méditation nous nous rendons en esprit sur le Calvaire. Les évangélistes résument l’événement le plus bouleversant de l’histoire du monde en trois mots : « ils le crucifient » (Marc) « quand ils l’eurent crucifié » (Matthieu), « ils l’y crucifièrent » (Luc), « ils le crucifièrent » (Jean). Les lecteurs auxquels ils s’adressaient savaient bien ce que renfermaient ces paroles ; nous non, nous devons le découvrir à travers d’autres sources. Mais ces sources sont elles aussi étrangement réticentes ; le supplice de la croix était considéré comme tellement horrible qu’il devait rester loin, disait Cicéron, « non seulement des yeux, mais aussi des oreilles d’un citoyen romain ». On ne devait pas en parler entre personnes respectables.

Le condamné pouvait être lié avec des cordes aux poignets ou fixé avec des clous à la croix. La mention des blessures aux mains et aux pieds du Ressuscité nous dit que pour Jésus c’est le deuxième mode qui a été choisi, et il n’est pas difficile d’imaginer le supplice que cela signifiait.

Différentes théories ont été proposées concernant la cause physique immédiate de la mort de Jésus : infarctus, étouffement ; la plus récente affirme que, sur le plan médical, la cause la plus plausible de la mort du Christ serait la déshydratation et la perte de sang.

Mais la passion de l’âme du Christ fut bien plus profonde et bien plus douloureuse que la passion de son corps. Elle a eu différentes causes. La première est la solitude. Les Evangiles insistent beaucoup sur l’abandon progressif de Jésus dans sa Passion : par la foule, par les disciples et enfin par son Père lui-même. « Vous me laisserez seul » (Jn 16, 32) ; « Alors les disciples l’abandonnèrent tous et prirent la fuite » (Mt 26, 56 ; Mc 14, 50).

La solitude du Christ est impressionnante, surtout dans l’épisode de Gethsémani, lorsqu’il cherche à plusieurs reprises et en vain quelqu’un qui reste à ses côtés. Pour exprimer l’angoisse de ce moment, Marc et Matthieu utilisent le verbe ademonein. En grec, on sait que la lettre « a » au début d’un mot indique une absence, une privation ; demonein a la même racine que demos, peuple, et démocratie. L’idée sous-jacente est donc celle d’un homme coupé de la compagnie des hommes, en proie à une sorte de terreur solitaire, comme quelqu’un qui se trouve projeté au fin fond de l’univers où, s’il crie, sa voix se perd dans un vide sidéral.

La solitude atteint son paroxysme sur la croix lorsque Jésus, dans son humanité, se sent abandonné, y compris par le Père : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ». Ce ne fut pas un cri de découragement et de désespoir comme on l’a parfois pensé. Si les évangélistes l’avaient interprété de cette manière, ils n’auraient certes pas fait dépendre la confession de foi du centurion romain de cette phrase : « Vraiment celui-ci était fils de Dieu ! » (Mt 27, 54 ; Mc 15, 39). Rien toutefois ne nous empêche de penser que les évangélistes aient interprété le cri de Jésus, à la lumière du psaume cité, comme l’expression d’une solitude et d’un abandon extrêmes dont Jésus fait l’expérience à ce moment-là dans son humanité.

Ce que l’apôtre Paul évoque comme pouvant être la plus grande souffrance possible et le plus grand renoncement au monde : être « anathème, séparé du Christ, pour (ses) frères » (cf. Rm 9, 1), le Christ sur la croix l’a vécu par rapport à Dieu. Il est devenu l’athée, le sans Dieu, afin que les hommes puissent revenir à Dieu. Il existe en effet un athéisme actif, coupable, qui consiste à refuser Dieu et un athéisme passif, de souffrance et d’expiation, qui consiste à être rejeté, ou à se sentir rejeté par Dieu. Il faudrait interroger les mystiques qui ont vécu, dans une certaine mesure, la nuit obscure du Christ – la dernière d’entre eux étant Mère Teresa de Calcutta – pour comprendre combien cette forme d’athéisme est douloureuse…

L’humiliation et le mépris constituent un autre aspect de la Passion intérieure du Christ. A partir du moment de l’arrestation jusqu’à l’arrivée au pied de la croix, on assiste à une escalade de mépris, d’insultes et de railleries autour de la personne du Christ. « Ils le revêtent de pourpre, puis, ayant tressé une couronne d’épines, ils la lui mettent. Et ils se mirent à le saluer : ‘Salut, roi des Juifs !’ [...] Sous la croix, « les grands prêtres se gaussaient et disaient avec les scribes et les anciens : ‘Il en a sauvé d’autres et il ne peut se sauver lui-même !’ (Mt 27, 41 s.). Jésus est le perdant. Les innombrables « perdants » de la vie ont quelqu’un qui peut les comprendre et les aider.

Mais la passion de l’âme du Sauveur a une cause encore plus profonde que la solitude et l’humiliation. A Gethsémani il prie pour que la coupe s’éloigne de lui (cf. Mc 14, 36). Dans la Bible, l’image de la coupe évoque presque toujours l’idée de la colère de Dieu contre le péché (cf. Is 51, 22; Ps 75, 9; Ap 14, 10).

Au début de la Lettre aux Romains saint Paul établit un fait qui a une valeur de principe universel : « La colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété » (Rm 1, 18). Là où existe le péché, le jugement de Dieu contre ce péché ne peut pas ne pas intervenir, sinon Dieu ferait un compromis avec le péché et la distinction même entre le bien et le mal disparaîtrait. La colère de Dieu est la même chose que la sainteté de Dieu. A présent, Jésus à Gethsémani est l’impiété, toute l’impiété du monde. Il est, écrit l’Apôtre, l’homme qui a été « fait péché » (2 Co 5, 21). C’est contre lui que « se révèle » la colère de Dieu. L’attraction infinie qui existe depuis toute éternité entre le Père et le Fils est traversée à présent par une répulsion tout aussi infinie entre la sainteté de Dieu et la malice du péché, et cela signifie « boire la coupe ».

Prière de la communauté

Je vous salue Marie

Je vous salue Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus le fruit de vos entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen.

Merci ! 56 personnes ont prié

Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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