Il semble qu’on puisse dire, sans être accusé d’irrespect, que la plus grande confusion entoure le message essentiel de la Bonne nouvelle (Évangile), à savoir l’avènement du Royaume de Dieu.

Il n’est que de consulter une concordance pour constater que ce qu’en dit le Nouveau Testament, dans différents contextes, peut embarrasser les non-spécialistes. Ce qui est sûr, c’est que Jésus n’a pas ménagé ses efforts pour expliquer en quoi consiste ce Royaume, outre que très nombreux sont les passages qui  abordent le sujet (près de 200).

Des échanges que j’ai eus à ce propos – le plus souvent avec des internautes –, il ressort nettement que le fidèle ordinaire ne parvient pas toujours à comprendre de quelle nature est ce Royaume, ou plus exactement quelle forme il affecte. S’agit-il d’une réalité uniquement spirituelle, comme semble l’affirmer Lc 17, 21, ou un événement qui advient dans notre histoire et notre monde ?

Selon certains passages, dans ce Royaume, on boit et l’on mange (p. ex., Mt 26, 29), tandis que, selon d’autres, la nourriture et la boisson semblent n’y jouer aucun rôle (p. ex., Rm 14, 17). Il ressort de certains versets du Nouveau Testament que le royaume est visible (p. ex. : Mc 9, 1), mais le passage suivant le dément catégoriquement :

Les Pharisiens lui ayant demandé quand viendrait le Royaume de Dieu, il leur répondit: « La venue du Royaume de Dieu ne se laisse pas observer, et l'on ne dira pas: Voici: il est ici ! ou bien: il est là ! Car voici que le Royaume de Dieu est au-dedans de vous. » (Lc 17, 20-21).

Autre question, non moins capitale, le Royaume de Dieu (ou ‘des cieux’) est-il une réalité d’ici-bas, ou s’agit-il d’un événement eschatologique, voire entièrement hors du temps ? Là encore, les textes néotestamentaires ne semblent pas fournir de réponse décisive dans un sens ou dans l’autre.

Pourtant, l’explication de la parabole de l’ivraie (Mt 13, 24-30), que fournit le Christ Lui-même à ses disciples, me paraît de nature à résoudre ces apories apparentes :

De même donc qu'on enlève l'ivraie et qu'on la consume au feu, de même en sera-t-il à la fin du Siècle (aiôn) : le Fils de l'homme enverra ses anges, qui ramasseront de son Royaume tous les scandales et tous les fauteurs d'iniquité, et les jetteront dans la fournaise ardente: là seront les pleurs et les grincements de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père. Entende, qui a des oreilles! (Mt 13, 40-43).

Cette parole révélée concilie, me semble-t-il, la temporalité du Royaume et son caractère eschatologique. C’est bien dans le monde présent que le Royaume a été instauré par le Christ, et l subsistera éternellement. Celles et ceux qui auront cru en Lui et se seront agrégés à Son Église, au fil des siècles, auront effectivement fait partie de ce Royaume, en tant que « bon grain » s’ils sont restés fidèles, mais ils seront consumés par le feu, en tant qu’« ivraie », s’ils ont été des « fauteurs de scandales et d'iniquité ».

Ce que Paul confirme en ces termes :

l'oeuvre de chacun deviendra manifeste; le Jour, en effet, la fera connaître, car il doit se révéler dans le feu, et c'est ce feu qui éprouvera la qualité de l'oeuvre de chacun. (1 Co 3, 13).