L’approfondissement des écrits spirituels de Charles de Foucauld fait entrevoir que sa méditation de la vie de Jésus de Nazareth l’a conduit à découvrir, d’une part le point central du mystère de l’Incarnation dans le mystère de Nazareth, avant même la vie publique, et à découvrir d’autre part où est la substance même du message de Nazareth, à savoir : Jésus de Nazareth est l’Incarnation, Jésus est le fils de Dieu, et non simplement la partie humaine de l’Incarnation du fils de Dieu.  Frère Charles est, en cela, fidèle à la foi de l’Église. Ce qui est étonnant, c’est qu’il soit parvenu, malgré la faiblesse sur ce point des livres de théologie de son temps, à exprimer avec force et clarté une intuition que l’Église catholique a explorée au temps de Vatican II et que seule la théologie actuelle a su exprimer avec les précisions techniques nécessaires… Ceci nous invite à considérer, pour le moins, « la découverte christologique vécue par de Foucauld comme une prophétie pour l’Église à venir, c’est-à-dire la nôtre.

 

La vie de Jésus de Nazareth, c’est tout d’abord la connaissance des humains à l’intérieur de la relation au Père, mais vécue à l’extérieur, à l’épreuve même du bien et du mal qui est le lot de la condition humaine. Cela, Dieu ne le savait pas, il n’aurait pas pu le savoir si le Fils n'était pas venu sur terre. On peut exprimer la même vérité en ces termes : Dieu savait parfaitement ce qu’était un homme ou une femme dans la douleur, dans la détresse, mais il ne pouvait pas le sentir, alors que ce qui fait qu’un homme ou une femme est dans la détresse, c’est ce qu’il ressent dans son état. L’expression extérieure de la vie d’une personne située dans le bien et le mal, c’est la réalité humaine. Telle fut donc la vie de Jésus. Dans cette perspective, la vie à Nazareth ne fut pas seulement un apprentissage. On pourrait dire que Dieu, pour avoir le droit de prononcer la parole de la conversion et de l’Évangile, a voulu se nourrir d’abord des relations qui peuvent donner à cette parole la vérité de la vie. C’est donc pour cela qu’il a vécu, en Jésus, trente ans à Nazareth et trois ans seulement dans une « vie publique » d’appel à la conversion et d’annonce évangélique.

 

Maintenant, portons notre regard sur autre progrès de la compréhension de l’Incarnation initié, au moins favorisé, par les réflexions de frère Charles. Alors que la théologie officielle de son temps considérait avant tout la vie de Nazareth comme un long noviciat de préparation à la vie publique, Charles de Foucauld voit déjà dans cette vie de Nazareth la rédemption de Dieu à l’œuvre en Jésus, à qui il fait dire à propos de sa vie publique : « Je tâche de sauver les hommes par la parole et les œuvres de miséricorde, au lieu de me contenter de les sauver par la prière et la pénitence comme je faisais à Nazareth ». Si Jésus dans sa vie publique sauve « par la parole et par les œuvres de miséricorde », il sauve donc déjà dans sa vie de Nazareth par « la prière et la pénitence »: d’une part, par la prière, communion à la volonté de Dieu et à son projet de salut et par là même sanctification et salut pour les humains, d’autre part, par la pénitence, ANTICIPATION QUOTIDIENNE DE LA CROIX ET MARCHE VERS L’OFFRANDE TOTALE DU CALVAIRE.