L'humilité comme chemin de salut
"Dieu n'a pas envoyé son Fils pour juger le monde, mais le sauver" (Jn 3,14-21).
"C'est par grâce que nous sommes sauvés : cela ne vient pas de nous mais du don de Dieu" (Ep 2,4-10).
Accueillir le salut en Jésus suppose d'avoir compris que nous ne pouvons pas nous sauver par nous-mêmes.
En effet nous ne sommes pas les auteurs de notre vie mais nous la recevons de Dieu;
il en est de même pour le salut.
Il n'est pas à prendre mais à recevoir gratuitement.
Le chemin du salut est donc une voie d'humilité où nous apprenons à marcher à la suite du Christ doux et humble de cœur
Le piège de la fausse humilité
C'est bien souvent la peur, la honte qui nous éloigne de l'amour de nos semblables comme du reste, de l'amour de Dieu.
Thérèse en a fait l'expérience, jusqu'au piège d'arrêter de faire oraison en raison de ce qu'elle pensait être de l'humilité:
« Je commençai,de passe-temps en passe temps, de vanité en vanité, d'occasion en occasion, à m'exposer à de si grands dangers, mon âme se laissa ravager par de telles vanités,que j'eus désormais honte de me rapprocher de Dieu dans l'étroite intimité de l'oraison; d'autant plus qu'à mesure que croissaient mes péchés, le goût des choses vertueuses vint à me manquer.
Je voyais très clairement, mon Seigneur, que cela me faisait défaut par ce que je vous faisais défaut, à Vous.
Le démon me tendit là ses plus dangereuses embûches, sous apparence d'humilité: voyant mon égarement, je me mis à craindre de faire oraison. » (V 7,1)
Thérèse éprouve un sentiment de culpabilité et de honte en expérimentant son indignité en même temps que son impuissance à faire le bien. Elle s'en-ferme dans ce cercle dangereux qui consiste à se punir soi-même de son indignité. L'un des ressorts de ce mouvement intérieur est de croire qu'en se punissant on va pouvoir faire son salut, en quelque sorte balayer sa propre faute et retrouver son innocence.
En se détournant de Dieu on se retourne en réalité sur soi, comme si par-là on pouvait avoir accès de nouveau à sa vie. C'est croire que l'on est à l'origine de sa propre existence. Il faut bien du temps pour s'arracher à soi-même et se tourner à nouveau vers Dieu. Peut-être parfois, a-t-on besoin de «toucher le fond» pour comprendre que le salut ne se trouve point en soi, mais en Dieu ?
Se laisser vaincre par l'amour
Il y a besoin que des fissures apparaissent dans notre carapace d'orgueil pour que la lumière de Dieu puisse s'y infiltrer. On passe alors progressive-ment de ce cri prétentieux « moi tout seul » à cet autre cri,
« Seigneur, j'ai besoin de ton amour pour vivre. »
Thérèse le dit à sa façon en évoquant comment les sermons l'éclairèrent sur elle-même :
« D'une part les sermons m'apportaient un grand réconfort, d'autre part ils me tourmentaient; je comprenais alors que je n'étais pas celle que j'aurais dû être, sous beaucoup d'aspects.
Je suppliais le Seigneur de m'aider; mais à ce qu'il me semble maintenant, je devais avoir le tort de ne pas mettre toute ma confiance en Sa Majesté et de ne pas perdre toute celle que j'avais en moi.
Je cherchais un remède, je faisais des efforts;mais je ne comprenais pas que tout cela ne sert pas à grand-chose si,repoussante entièrement la confiance en nous-mêmes, nous ne la reportons pas sur Dieu.
Je désirais vivre, comprenant bien que je ne vivais point, mais que je luttais avec une ombre de mort; il n'y avait toutefois personne pour me donner la vie,et je ne pouvais la prendre moi-même. » (V 8,12)
C'est un combat entre la mort et la vie pour Thérèse !
Peut-être cette crispation, ce repli sur soi, sont-ils le fruit d'une fausse compréhension de l'humilité ?
Face à ce cercle vicieux, il n'y a qu'un seul remède:
se laisser vaincre par l'amour.
Les apôtres se sont affrontés au même combat. Pierre ne refuse-t-il pas que Jésus, lui, le maître et Seigneur s'agenouille devant lui pour laver ses pieds ? (Jn 13)
C'est par humilité qu'il semble refuser... De la même façon que nous nous protégeons parfois de l'amour.
Quelle erreur faisons-nous ainsi !
Il s'agit au contraire de faire confiance à l'Amour, de déposer les armes devant Lui, de quitter nos habitudes de mort pour recevoir la Vie ! Ne nous appuyons plus sur nos suffisances, fions-nous en Dieu ! Devenir humble pour accueillir la vie
« Gardez vous, mes filles, d'une certaine humilité faite d'une grande inquiétude de la gravité de nos péchés que suggère le démon; il trouve ici bien des façons d'oppresser les âmes, jusqu'à les éloigner de la communion et de la pratique personnelle de l'oraison; elles ne le méritent point, leur suggère le démon.
Elles en arrivent à se croire si abandonnées de Dieu, étant donné ce qu'elles sont, qu'elles doutent presque de sa miséricorde.(...).
Je connais cela pour y être passée. L'humilité n'inquiète pas,elle ne trouble pas,elle n'agite pas l'âme, si grande soit-elle,mais elle s'accompagne de paix,et d'une savoureuse tranquillité.
Au contraire,elle la dilate et la rend apte à servir Dieu davantage. » (C 39,1-2)
A travers le propos de Thérèse on comprend l'origine et le ressort de la véritable humilité. Elle n'est pas une vertu que l'on se donne, que l'on se construit, mais, comme l'amour, elle est le fruit d'une relation.
De la même façon que devant l'immensité de la nature, à la mer, à la montagne on est progressivement saisi, pris de vertige. Puis peu à peu on commence à se quitter soi-même, à laisser les soucis s'en aller, tellement le paysage prend toute la place.
On perçoit alors très bien notre néant, sans en être pour autant écrasés, car en un même mouvement, l'âme s'ouvre à l'espace qui se profile et peu à peu l'accueille.
Là est le paradoxe: on s'ouvre à son néant, lorsque nous sommes mis devant l'immensité.
C'est alors la grâce qui passe: nous nous dilatons à la mesure de ce que nous contemplons.
C'est bien une grâce, le don de la Création à notre âme.
Il en est ainsi de notre relation à Dieu lorsque nous quittons tous les bruits de notre amour propre.
« Quand l'Esprit de Dieu agite en nous, nul besoin n'est de chercher le fond des choses pour en tirer humilité et confusion; l'humilité que le Seigneur lui-même nous inspire est bien différente de celle que pourraient nous valoir nos pauvres petites considérations:
« Carême 2015 avec Sainte Thérèse d'Avila »
© Copyright 2015, carmes-paris.org. Tous droits réservés.2«[...]
Témoignage :
« La Colonne Vertébrale de ma Vie»
« J'ai commencé et avancé dans la vie d'oraison d'abord grâce à sainte Thérèse d'Avila, dont le message martelé en tant de pages « marcher, marcher toujours sans se lasser, sans reprendre son don, persévérer à tout prix » a été le meilleur des stimulants pour me garder fidèle autant que je le pouvais aux temps de l'oraison.
Aujourd'hui je peux dire en vérité que l'oraison a été la colonne vertébrale de ma vie en toutes ses dimensions, articulée avec la Parole de Dieu et la vie sacramentelle, dans le bain du si-lence que je goûte dès longtemps.
L'oraison m'a permis le contact intime avec Dieu au-delà de ma quête intellectuelle dont mon intelligence avait besoin, elle a rendu vivantes les grandes vérités de la foi. Mieux encore: l'oraison a été le moyen privilégié par lequel le Seigneur s'est rendu familier, a pris possession de ma vie pour la guider, l'illuminer, la pacifier.
Si l'oraison est pour moi le chemin de ma recherche ininterrompue du mystère de
Dieu Père-Fils-et Esprit, elle me permet de voir combien sans la grâce du Seigneur, les tentations, les péchés et mes chutes me fermeraient la porte du Royaume.
Assoiffée de Dieu, je l'ai cherché en combattant parfois durement pour rester fidèle à ces temps précieux qui construisent notre relation avec Lui. Et ce, alors même qu'on est affronté au vide, à l'aridité, à l'ennui parfois, à la tiédeur bien souvent.
Je crois qu'aux débuts de ma vie d'oraison avec le Seigneur, pendant un certain nombre d'années, ce qui m'aura été le plus coûteux fut de choisir à quoi donner le temps disponible que j'avais. Celui-ci était forcément limité par ma vie familiale, ma vie sociale mais aussi des épreuves de santé récurrentes. J'ai donc décidé de sacrifier des temps de lecture de livres profanes. Aujourd'hui je ne regrette absolument pas ce choix même s'il m'a beaucoup coûté.»
fr. Yannick Bonhomme (Lille)
Les carmes de Paris
"Petits-enfants, n'aimons pas en paroles mais en actes et en vérité... Devant Lui, nous apaiserons notre cœur si notre cœur venait à nous condamner, car Dieu est plus grand que notre cœur."
1 Jean 3,18-19
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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6