Semaine 6 : Vivre la Pâque de Jésus

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Evangile : Passion du Seigneur (Mt 26-27)

 

« Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : “Prenez, mangez : ceci est mon corps.” Puis ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : “Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père.”[…]

Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort ; et ils restaient là, assis, à le garder. Au-dessus de sa tête ils placèrent une inscription indiquant le motif de sa condamnation : “Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs.” Alors on crucifia avec lui deux bandits, l’un à droite et l’autre à gauche. […]

À la vue du tremblement de terre et de ces événements, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus, furent saisis d’une grande crainte et dirent : “Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu !” »

 

1.La méditation de la semaine : « O mon Christ aimé, crucifié par amour » (NI 15)

 

  • Accueillir l’amour infini dans l’Eucharistie

 

Par sa Passion acceptée librement, Jésus vient briser le dynamisme de mort qui est en l’homme, le dynamisme du péché. Péché qui conduit les scribes et les pharisiens à la haine ; péché qui conduit Pierre au reniement ; péché qui conduit Pilate à la lâcheté et la foule à la peur ; péché qui conduit les disciples au sommeil et à la fuite. Face à ce déferlement du péché, face à cette spirale de violence, Jésus reste celui qui aime et aimera jusqu’au bout. Et il le manifeste par le don de son corps et de son sang versé pour la multitude.

Élisabeth de la Trinité a un grand amour de l’Eucharistie. Lors de sa difficile venue au monde, un dimanche, sa maman a demandé à l’aumônier du camp militaire de célébrer la messe pour son enfant et à la fin de la célébration, Élisabeth était bien vivante. C’est en se préparant à sa première communion qu’elle a commencé à dominer le caractère volcanique qui était le sien. Elle aime les enseignements qui lui donnent d’approfondir ce Mystère et cela fait naître sa prière : « L’instruction de ce soir sur la sainte Eucharistie était admirable. O mon Jésus, je veux devenir tellement bonne que l’on puisse me permettre la Communion quotidienne. Alors, ô mon Dieu, je serai au comble de mes vœux : vous recevoir chaque jour, puis d'une Communion à l'autre vivre dans votre union, votre intimité, ah, c'est le paradis sur terre ! Mon Jésus, je vous en conjure, accordez-moi ce grand bonheur ! Ah, je connais ma faiblesse, mon indignité, mais n'êtes-vous pas le Donneur de Vie, le pain qui fait germer les vierges ? N’êtes-vous pas, Seigneur, toute ma Force et tout mon Soutien ?... Ah, venez donc, venez chaque jour dans mon pauvre cœur, qu'il soit comme votre petite hostie, que vous ne le quittiez jamais n'est-ce pas, mon Bien-Aimé » (Journal 150). Nous sentons à travers cette prière tout l’amour d’Élisabeth pour l’Eucharistie et son désir d’en vivre pleinement. Quel est notre désir de l’Eucharistie ? Est-ce le lieu d’une rencontre intime avec Jésus ?

Dans plusieurs de ses poésies, Elisabeth appelle le Christ, « le Bien-Aimé de l’Eucharistie » (P 45 et 52). Dans une lettre à l’abbé Chevignard, elle écrit : « Il me semble que rien ne dit plus l'amour qui est au Cœur de Dieu que l’Eucharistie: c'est l’union, la consommation, c'est Lui en nous, nous en Lui, et n'est-ce pas le Ciel sur la terre ? Le Ciel dans la foi en attendant la vision du face à face tant désirée » (L 165).

Au soir du jeudi saint, l’Église nous invite à prendre le temps de veiller auprès de Jésus-Eucharistie. Nous pourrons faire nôtres, les mots d’Élisabeth :

            « O Jésus de l'Eucharistie,

   Écoute-moi, je t'en supplie,

   Accorde-moi en ce si beau jour

   La sublime vertu d'amour » (P 21).

            Dans un poème composé pour le septième anniversaire de sa première communion, elle confie :      

« Je n'aspirais qu'à donner ma vie

   Qu'à rendre un peu de son grand amour

   Au Bien-Aimé de l'Eucharistie

   Qui reposait en mon faible cœur,

   L'inondant de toutes ses faveurs » (P 47).

 

Cette intimité vécue avec Jésus doit rayonner comme elle l’écrit à une amie : « Nous sommes ses hosties vivantes, ses petits ciboires, ah ! que tout en nous le reflète, que nous le donnions aux âmes » (L 54). Se tenir aux sources eucharistiques, pour communier à son amour sauveur et « rayonner Dieu, le donner aux âmes » (L 158).

 

  • Contempler Jésus crucifié

Le « sang versé » évoqué à la sainte cène coule du corps de Jésus crucifié. Du haut de la Croix, Jésus pose sur chaque homme, sur tout l’homme un regard d’amour ; un regard qui invite à vivre de l’amour, à vivre par amour. Bien sûr, voyant l’heure arriver, voyant la coupe s’approcher, Jésus a frémi ; il s’est senti seul. Sur la Croix, il s’est même senti abandonné par son Père. Mais par-delà tout cela, à travers tous ses sentiments, il est demeuré fidèle. Il a vécu sa Passion et sa mort comme il a vécu sa vie, par amour. Sa mort est une mort donnée comme sa vie fut une vie donnée totalement à la mission que lui avait confiée le Père. La Croix, instrument de sa Passion et sa mort, est devenue signe de reconnaissance de ses disciples. Elle est en fait le trône de sa gloire.

Très tôt, la jeune Élisabeth a perçu la richesse de la Croix de Jésus. Sa correspondance avec Marguerite Golot, qui comme elle, songeait au Carmel, le manifeste clairement. C’est la source divine où elle veut se désaltérer : « Oh ! faisons bien le vide, détachons-nous de tout, qu'il n'y ait plus que Lui, Lui seul... que nous ne vivions plus, mais qu'Il vive en nous (Ga 2, 20). Au pied de la Croix on sent si bien ce vide des créatures, cette soif infinie de Lui... Il est la source, allons nous désaltérer près de notre Bien-Aimé, Lui seul peut rassasier notre cœur... » (L 49). Il faut le regarder Lui et se perdre de vue : « Oh ! quittons-nous, ne nous contemplons plus, allons à Lui et perdons-nous en Lui. Ne trouvez-vous pas que par moments ce besoin de silence se fait plus sentir encore ? Oh ! faisons taire tout, pour ne plus entendre que Lui, c'est si bon le silence près du divin Crucifié » (L 50). Ce silence est un silence d’écoute : « Demeurons toujours unies au pied de la Croix, restons silencieuses auprès du divin Crucifié et écoutons-le » (L 58).

Elle donne les mêmes conseils à sa sœur Guite : « Il faut s'aimer au-dessus de tout ce qui passe, alors rien ne peut plus séparer. Aimons-nous comme cela, ma Guite, aimons-le surtout, Lui ! Et la méditation ? Je te conseille de simplifier tous tes livres, de te remplir un peu moins, tu verras que cela est bien meilleur. Prends ton Crucifix, regarde, écoute » (L 93). À une amie qui souffre beaucoup, elle écrit : « De mon côté, je vous assure, je demande au bon Dieu qu'il vous soutienne dans vos souffrances, qui doivent être si pénibles à supporter, car à la longue l'âme s'en ressent et perd de son énergie ; mais alors vous n'avez qu'à vous tenir près du Crucifié, et votre souffrance est la meilleure prière. Le Père Lacordaire, avant sa mort, alors qu'accablé par la souffrance il ne pouvait plus prier, demandait son crucifix et disait : “Je le regarde.” Regardez-le aussi, et vous trouverez près de la divine Victime force et joie dans vos souffrances. Cela n'empêche, chère Madame, que vous devez faire tout ce que vous pouvez pour vous remettre et ne pas craindre de consulter, tout en vous abandonnant entre les mains du bon Dieu, et je Lui demande de hâter votre rétablissement, si telle est toutefois sa volonté » (L 207). Remarquons l’admirable équilibre spirituel et psychologique du conseil donné qui exclut masochisme et perversité.

Élisabeth passe de longues heures à contempler son « Christ aimé, crucifié par amour » (NI 15). Cela lui donnera la force de donner sens à la maladie qui la consume : « Je voudrais tant que le Père puisse reconnaître en moi l’image du Crucifié par amour, puisque saint Paul, mon cher saint, dit qu'en sa prescience Dieu nous a prédestinés à cette ressemblance et conformité (Rm 8, 29) » (L 306).  Élisabeth écrit à une amie : « Il n’est pas de bois comme celui de la Croix pour allumer dans l'âme le feu de l'amour ! » (L 138).

 

  • Proclamer notre foi

La contemplation du mystère de la Croix suscite la foi du centurion qui proclame : « Vraiment cet homme est le Fils de Dieu ! » Élisabeth a longuement médité un passage de l’épître de saint Paul aux Galates : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi » (Ga 2, 20). Ces paroles habitent tellement son cœur, qu’elle demande que la première partie de ce verset soit gravée sur le crucifix de sa profession. Dans ces écrits, à vingt-quatre reprises, elle cite tout ou partie de ses paroles pauliniennes. La croix lui révèle ce « trop grand amour » (Ep 2, 4, traduit dans la Vulgate) et vient affermir sa foi. C’est pourquoi elle veut être « là tout entière, tout éveillée en [s]a foi, tout adorante, toute livrée à [son] Action créatrice » (NI 15).

Elisabeth partage cette profonde conviction avec ceux qui lui sont chers ; dans la retraite qu’elle compose pour sa sœur Guite, mariée et mère de deux enfants, elle écrit : « Nous, nous avons connu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru” (1 Jn 4, 16). C’est là le grand acte de notre foi ; c’est le moyen de rendre à notre Dieu amour pour amour ; c’est “le secret caché” (Col 1, 26) au cœur du Père, dont parle saint Paul, que nous pénétrons enfin, et toute notre âme tressaille ! Lorsqu’elle sait croire à ce “trop grand amour” (Ep 2, 4) qui est sur elle, on peut dire comme il est dit de Moïse : “Il était inébranlable dans sa foi comme s’il avait vu l’Invisible” (He 11, 27). Elle ne s’arrête plus aux goûts, aux sentiments; peu lui importe de sentir Dieu ou de ne pas le sentir; peu lui importe s’Il lui donne la joie ou la souffrance: elle croit à son amour. Plus elle  éprouvée, plus sa foi grandit, parce qu’elle traverse pour ainsi dire tous les obstacles pour aller se reposer au sein de l’Amour infini, qui ne peut faire qu’œuvres d’amour. Aussi à cette âme tout éveillée en sa foi  la voix du Maître peut dire dans le secret intime cette parole qu’Il adressait un jour à Marie-Madeleine : “Va dans la paix, ta foi t’a sauvée ” (Lc 7, 50) » (CF 20).

Ce dimanche de la Passion nous rappelle que le Christ nous a aimés et s’est livré pour nous. Chacun de nous est invité à dire avec saint Paul : « Il m’a aimé et s’est livré pour moi ». Accueillons le don qui nous est fait. Ce dimanche de la Passion inaugure la Semaine Sainte qui va se clore par le Triduum Pascal. Jeudi, nous serons invités à faire mémoire de la première Cène : « faites cela en mémoire de moi ». Dans un temps d’adoration, nous serons invités à lui tenir compagnie… Vendredi, nous suivrons le Christ dans son portement de Croix. Nous vénérerons ce bois précieux d’où est jaillie la vie. Samedi, nous serons avec lui au tombeau dans le silence et le questionnement pour pouvoir accueillir dimanche matin la lumière de la Résurrection et la puissance de l’Esprit Saint qui l’a relevé d’entre les morts. Alors nous pourrons avec le centurion proclamer notre foi : « Vraiment c’est homme est le Fils de Dieu ».

 

Didier-Marie Golay, ocd (couvent de Lisieux)

 

2.Les trois pistes de mise en pratique de la semaine

 

  1. Je décide de manifester à d’autres l’amour reçu de Jésus-Eucharistie
  2. Je prends du temps pour me tenir au pied de la croix en solidarité avec tous les crucifiés de notre temps
  3. Je réfléchis à la manière dont je peux témoigner de la foi que j’ai reçue

Prière de la communauté

Prière d'Elisabeth

O mon Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l'éternité. Que rien ne puisse troubler ma paix, ni me faire Sortir de vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m'emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère.

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6 commentaires

Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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Carême : rayonner Dieu avec Elisabeth de la Trinité

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