De Saul de Tarse à saint Paul
Ce retable impressionnant, où les personnages figurent en taille réelle, est placé derrière le maître-autel de l'église de la Conversion-de-Saint-Paul, située à Deutenkofen en Basse-Bavière (Allemagne), dans le diocèse de Ratisbonne. De style gothique tardif, déjà renaissant, il a été sculpté vers l'an 1500 par le maître de la Miséricorde de Wartenberg, désigné par le nom de son œuvre la plus célèbre.
En haut, dans la nuée, apparaît Jésus Christ qui interpelle Saul de Tarse, lui disant : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? » (Ac 9, 4). Sous la nuée, deux putti empruntés à la renaissance italienne témoignent d'une intervention divine. En arrière-plan, la ville fortifiée de Damas où Saul se rendait pour y mettre les chrétiens en état d'arrestation. Au premier plan, Saul est saisi au moment où la lumière céleste l'éblouit jusqu'à le rendre aveugle et où il va tomber à terre. Son couvre-chef, sa coiffure, sa barbe et ses traits sont ceux d'un Rabbi juif du XVe siècle. L'homme est beau et conserve une superbe prestance, alors que les sources nous décrivent plutôt un saint Paul chétif, gros et voûté dont l'apparence ne correspondait pas, semble-t-il, à la grandeur de son âme. Autour de lui, six personnages, dont l'un à terre, schématisent la troupe des inquisiteurs qui l'accompagnaient. Au premier plan, figure une femme, sans doute la sœur de saint Paul qui le suivit dans ses missions (cf. Ac 23, 16), puis vient un homme d'armes, les deux mis comme des Allemands de l'époque. Suivent un juge et un bourreau moustachu. Deux personnages aux turbans orientaux complètent le tableau. Comme dans les représentations de la Passion, il était traditionnel que l'artiste donnât à ses personnages réputés les méchants, les traits de ses contemporains qui s'étaient attirés par leur conduite, soit la réprobation publique, soit son animadversion personnelle. À noter toutefois que les traits des personnages censés être des Juifs persécuteurs ne sont pas ici représentés de manière caricaturale.
Voici comment saint Paul lui-même raconte l'épisode de sa conversion survenue à peine cinq ans après l'ascension du Seigneur. Il en témoigne devant le roi Agrippa Ier († 44), petit-fils d'Hérode le Grand et dernier roi de Judée : « Pour moi, j'ai pensé qu'il fallait combattre très activement le nom de Jésus le Nazaréen. C'est ce que j'ai fait à Jérusalem : j'ai moi-même emprisonné beaucoup de fidèles, en vertu des pouvoirs reçus des grands prêtres ; et quand on les mettait à mort, j'avais apporté mon suffrage. Souvent, je passais de synagogue en synagogue et je les forçais à blasphémer en leur faisant subir des sévices ; au comble de la fureur, je les persécutais jusque dans les villes hors de Judée. C'est ainsi que j'allais à Damas muni d'un pouvoir et d'une procuration des grands prêtres » (Ac 26, 9-12).
Donc, après avoir traversé le Jourdain au « pont des filles de Jacob », Saul traverse l'Iturée brûlante et désertique, parcourt la grande plaine fertile de Damas et atteint ses environs aux jardins paradisiaques : « En plein midi, sur la route, ô roi, j'ai vu, venant du ciel, une lumière plus éclatante que le soleil, qui m'enveloppa, moi et ceux qui m'accompagnaient. Tous, nous sommes tombés à terre, et j'ai entendu une voix qui me disait en araméen : “Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? Il est dur pour toi de résister à l'aiguillon.” Et moi, je dis : “Qui es-tu, Seigneur ?” Le Seigneur répondit : “Je suis Jésus, celui que tu persécutes. Mais relève-toi, et tiens-toi debout ; voici pourquoi je te suis apparu : c'est pour te destiner à être serviteur et témoin de ce moment où tu m'as vu, et des moments où je t'apparaîtrai encore pour te délivrer de ton peuple et des non-Juifs. Moi, je t'envoie vers eux, pour leur ouvrir les yeux, pour les ramener des ténèbres vers la lumière et du pouvoir de Satan vers Dieu, afin qu'ils reçoivent, par la foi en moi, le pardon des péchés et une part d'héritage avec ceux qui ont été sanctifiés.” Dès lors, roi Agrippa, je n'ai pas désobéi à cette vision céleste. » (Ac 26, 13-19).
Pierre-Marie Varennes
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Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6