Semaine 5 : Intercéder avec justesse

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Evangile : Résurrection de Lazare (Jn 11)

 

« En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était donc son frère Lazare qui était malade. Donc les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : “Seigneur, celui qui tu aimes est malade”. En apprenant cela, Jésus dit : “Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié.” […]

Marthe dit à Jésus : “Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera.” Jésus lui dit : “Ton frère ressuscitera.” Marthe reprit : “Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour.” Jésus lui dit : “Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?” Elle répondit : “Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde.” »

 

1.La méditation de la semaine : « Il est le Maître de la vie et de la mort » (L 155)

 

  • Évangéliser nos prières d’intercession

Il y a quinze jours, dans son dialogue avec la Samaritaine, Jésus se révélait comme la source d’eau vive. La semaine dernière, parlant à l’aveugle-né, il se manifestait comme la lumière du monde, comme la lumière véritable. Ce dimanche, la révélation culmine à son sommet : à Marthe et Marie, Jésus se révèle comme « la Résurrection et la Vie » (Jn 11, 25). Quand Jésus se présente comme « la Résurrection et la Vie », nous sommes tournés vers sa divinité ; mais ce qui est frappant dans ce passage de l’évangile selon saint Jean, c’est la manière dont sont étroitement mêlées la divinité de Jésus et son humanité. Son humanité transparaît à travers l’amitié qu’il noue avec Marthe, Marie et Lazare. À plusieurs reprises l’évangéliste précise que Jésus les aimait (Jn 11, 3.5.36). Les deux sœurs font dire à Jésus : « Celui que tu aimes est malade » (Jn 11, 3). Il est profondément ému de la peine des deux sœurs. Il est bouleversé en approchant de la tombe de son ami Lazare et il pleure (Jn 11, 33.35). Toute l’humanité du Christ Jésus nous est présentée ici et c’est dans la plénitude de cette humanité, rejoignant notre propre humanité, qu’il va pouvoir se révéler comme « Résurrection et Vie ».

Arrêtons-nous quelques instants sur ce verset 3 : « Seigneur, celui que tu aimes est malade » Cette prière que Marthe et Marie font à Jésus peut nous mettre chacun et chacune sur un chemin de conversion par rapport à nos prières d’intercession et à nos demandes. Bien souvent, quand nous faisons des prières d’intercession, sans nous en rendre compte, nous donnons des ordres à Dieu : fais ceci ; fais cela ; donne la guérison à telle personne ; fais que telle personne ait du travail ; fais que mon petit-fils ait son diplôme ; etc. Finalement nous donnons des ordres à Dieu pour qu’il soit à notre service. Or saint Jean de la Croix, dans son Cantique Spirituel (CS B, strophe 2, § 8) nous indique de quelle manière intercéder. Il nous donne d’abord l’exemple de la Vierge Marie à Cana qui se contente de présenter la situation : « Ils n’ont plus de vin » (Jn 2, 3), puis il évoque notre passage : « Les sœurs de Lazare, au lieu d’envoyer demander au Sauveur la guérison de leur frère, se bornèrent à lui représenter que celui qu’il aimait était malade » (Jn 11, 3). Présenter simplement la situation pour que Dieu puisse agir selon les desseins de son amour ; que son Règne puisse advenir dans cette situation ; pour que son Nom soit sanctifié dans cette situation… Il y a là un chemin de conversion de nos mentalités et de nos manières de faire pour évangéliser nos prières d’intercession.

À cinq reprises, dans ses lettres, Élisabeth cite ce passage d’Évangile pour assurer ses correspondants qu’elle présentera leurs intentions au Seigneur (L 96, 147, 155, 257 et 263). Elle présente les situations, les personnes au Seigneur dans un silence confiant. De diverses façons, elle évoque une dilatation de son cœur pour tous ceux qu’elle a laissés en entrant au carmel : « Il me semble que mon cœur, que Dieu a fait si aimant, s’est dilaté depuis qu’il est enfermé derrière les grilles en contact continuel avec Celui que saint Jean appelle “Charitas”, Amour » (L 265). Elle évoque même, dans une lettre à sa chère « Framboise » une manière originale d’intercéder : « je lève les yeux, je regarde Dieu, puis je les rabaisse sur toi, t’exposant aux rayons de son Amour. Framboise, je ne Lui dis pas de paroles pour toi, mais Il me comprend bien mieux, Il préfère mon silence » (GV 1).

 

  • Se livrer à l’action créatrice de Dieu

Jésus revient à Béthanie avec ses disciples et rencontre d’abord Marthe qui affirme sa foi en la Résurrection aux derniers jours. Mais Jésus lui affirme : « Moi, je suis la Résurrection et la Vie, tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 25-26). Cette parole est très importante car Jésus nous indique que, si nous avons foi en lui, nous ne ressusciterons pas simplement aux derniers jours mais que nous sommes déjà ressuscités. Avons-nous conscience d’être déjà des ressuscités ? Cette Vie nouvelle est-elle déjà à l’œuvre en nous ? Sommes-nous convaincus que la grâce du baptême nous a fait mourir au péché pour renaître en Christ ? Faisons-nous, ce qui dépend de nous pour que ce germe de vie divine, de vie ressuscitée, puisse d’épanouir dans toutes les fibres de notre être ?

Nous sommes déjà des Ressuscités ! Nous le deviendrons pleinement quand nous serons passés par la mort ; mais nous sommes déjà ressuscités avec le Christ puisque nous croyons en lui et que nous vivons de lui. Répondrons-nous comme Marthe : « Oui, Seigneur, je crois » (Jn 11, 27) ?

L’exemple d’Élisabeth peut nous y aider. Elle ne cesse de « réveiller sa foi » (L 298) ; dans sa prière elle affirme : « que je sois là tout entière, tout éveillée en ma foi, tout adorante, toute livrée à votre Action créatrice » (NI 15). Elle invite ses correspondants à rejoindre dans la foi cette réalité de la présence du Christ en eux. Dans sa dernière lettre à Françoise de Sourdon, elle se fait insistante : « Sois affermie en la foi, c’est-à-dire n’agis que sous la grande lumière de Dieu, jamais d’après les impressions, l’imagination. Crois qu’Il t’aime, qu’Il veut t’aider Lui-même dans les luttes que tu as à soutenir. Crois à son amour, son trop grand amour (Ep 2, 4) comme dit saint Paul : nourris ton âme des grandes pensées de la foi qui lui révèlent toute sa richesse et la fin pour laquelle Dieu l’a créée ! Si tu vis en ces choses, ta piété ne sera pas une exaltation nerveuse, comme tu le crains, mais elle sera vraie. C’est si beau la vérité, la vérité de l’amour : “Il m’a aimé, Il s’est livré pour moi” (Ga 2, 20), voilà, petite enfant, ce que c’est qu’être vrai ! Et puis enfin, croîs en l’action de grâces. C’est le dernier mot du programme, il n’en est que la conséquence : si tu marches enracinée en Jésus-Christ, affermie en ta foi, tu vivras dans l’action de grâces. La dilection des enfants de Dieu ! je me demande comment l’âme qui a sondé l’amour qui est au Cœur de Dieu “pour elle” peut n’être pas joyeuse toujours, dans toute souffrance et toute douleur » (GV 11-12).

Tout accueillir de la main de Dieu… Songeons que lorsqu’elle écrit cela, Élisabeth est consumée par la terrible maladie d’Addison qui l’empêche de se nourrir et qui dérègle tout son métabolisme. Laissons Élisabeth nous confier son secret : « vivons avec Dieu comme avec un ami, rendons notre foi vivante pour communier à Lui à travers tout, c’est ce qui fait les saints. Nous portons notre Ciel en nous puisque Celui qui rassasie les glorifiés dans la lumière de la vision se donne à nous dans la foi et le mystère, c’est le Même ! Il me semble que j’ai trouvé mon Ciel sur la terre puisque le Ciel, c’est Dieu, et Dieu, c’est mon âme. Le jour où j’ai compris cela, tout s’est illuminé en moi et je voudrais dire ce secret tout bas à ceux que j’aime afin qu’eux aussi, à travers tout, adhèrent toujours à Dieu, et que se réalise cette prière du Christ : “Père, qu’ils soient consommés en l’Un !” (Jn 17, 23) » (L 122).

 

  • Devenir compatissant comme Jésus

Dans cet évangile, nous le voyons, Jésus se laisse toucher par la peine de ses amis. La correspondance d’Élisabeth manifeste, à plusieurs reprises, cette même compassion. Nous allons simplement en choisir trois exemples. Tout d’abord elle écrit à madame Farrat qui vient de perdre son mari : « J’apprends à l’instant que Dieu vient à vous avec sa Croix en vous demandant le plus douloureux des sacrifices et je Lui demande d’être Lui-même votre Force, votre Appui, votre divin Consolateur ! Toute mon âme, tout mon cœur n’en font qu’un avec vous, car vous savez, chère Madame, quelle profonde affection m’unit à vous. Aujourd’hui je partage toute votre douleur ; vous devinerez entre ces lignes ce que mon cœur ne peut vous dire. En face de semblables épreuves le bon Dieu seul peut parler, car Lui, Il est le Consolateur suprême ! Il est dit dans l’Évangile qu’au tombeau de Lazare, en voyant la douleur de Marie, “le Christ se troubla et qu’Il pleura…Il est près de vous, chère Madame, ce Maître dont le Cœur est si compatissant » (L 195).

Citons intégralement la très belle lettre qu’elle écrit à l’abbé Chevignard, lors de la mort de son père. À l’annonce de ce décès, Élisabeth qui venait de lui écrire (L 199), n’hésite pas à reprendre la plume pour manifester sa présence priante : « Je venais de vous écrire lorsque j’apprends le douloureux sacrifice que le bon Dieu demande à votre cœur, et mon âme a besoin de dire à la vôtre combien elle vous est unie en cette épreuve. Il me semble qu’à de telles heures le Maître seul peut parler, lui dont le Cœur si divinement aimant “se troubla” au tombeau de Lazare. Nous pouvons donc mêler nos larmes aux siennes et, appuyés à Lui, retrouver force et paix. Je prie beaucoup pour l’âme de monsieur votre Père. C’était bien le juste dont parle l’Écriture, et quelle consolation pour vous de voir au soir de sa course cette belle vie si pleine ! Pour lui le voile est tombé, l’ombre du mystère a disparu, il a vu... Monsieur l’Abbé, suivons-le par la foi en ces régions de paix et d’amour. Sursum corda [hauts les cœurs], c’est en Dieu que tout doit finir ; un jour aussi Il nous dira son “veni” ; alors, comme le petit enfant sur le cœur de sa mère, nous nous endormirons en Lui, et “dans sa lumière nous verrons la lumière”… À Dieu, monsieur l’Abbé, vivons bien haut, bien loin, en Lui... en nous... Et puisque par la communion des saints nous sommes en rapport avec ceux qui nous ont quittés, enveloppons d’une même prière l’âme de votre cher père afin que, si elle ne l’a déjà, elle puisse aller bientôt jouir de l’éternel face à face. C’est sous ce rayonnement de la Face de Dieu que je vous demeure unie » (L 200).

Admirable lettre, qui manifeste à la fois la compassion et la foi profonde en la résurrection et en la communion des saints. Pour terminer citons un extrait de la lettre à Madame de Sourdon qui vient de perdre sa sœur. Élisabeth est à la fin de son propre parcours (18 septembre 1906), mais elle est dégagée d’elle-même et toute attentive aux autres : « Quoique bien souffrante, notre Révérende Mère me permet de vous envoyer quelques lignes, car ce serait un trop gros sacrifice pour mon cœur de garder le silence en face de l’épreuve qui atteint si profondément le vôtre. [...] Je pense aller bientôt rejoindre [votre] chère disparue. Chère Madame, elle est allée à la Vie, à la Lumière, à l’Amour » (L 313). Élisabeth affirme sa foi avec les mots qui dans un ordre différent, seront les derniers mots audibles qu’elle prononcera sur terre : « Je vais à la Lumière, à la Vie, à l’Amour ». Elle réveille notre espérance de la résurrection qui déjà agit en nous.

 

Didier-Marie Golay, ocd (couvent de Lisieux)

 

2.Les trois pistes de mise en pratique de la semaine

 

  1. Je suis plus attentif à ma manière de présenter mes demandes au Seigneur
  2. Je fais le point sur ma foi dans le mystère de la Résurrection ; ai-je besoin de l’affermir ?
  3. Je choisis de manifester ma compassion à une personne éprouvée, par une présence, une écoute, …

Prière de la communauté

Prière d'Elisabeth

O mon Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l'éternité. Que rien ne puisse troubler ma paix, ni me faire Sortir de vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m'emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère.

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9 commentaires

Que vos paroles soient toujours bienveillantes, qu’elles ne manquent pas de sel, vous saurez ainsi répondre à chacun comme il faut. Col 4 : 6

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Carême : rayonner Dieu avec Elisabeth de la Trinité

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